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IRÉNEE (SAINT


peine et non à la coulpe, el que l’obéissance de Marie n’a fait qu'ôter les mauvais effets de la désobéissance d’Eve ? Mais, s’il ne s’agissait que des effets, et que le péché d’Eve ne fût pas le nôtre, pourquoi ce Père avait-il appelé, un peu au-dessus, la désobéissance d’Eve 1 notre désobéissance, » que Marie a guérie en obéissant ? » Et Bossuet renvoie au t. V, c. xvii, où nous lisons, n. ï, col. 1169 : Cujns et præceplum transgredienies, inimici facli sumus cjiis. Et proptcr hoc, in novissimis iemporibus, in amicHiam rcstituit nos Dominus pcr suam incarnalionem, medialor Dei et liominum /actus, propilians quidem pro nobis Patrem in qucm peccavcramas, et nostram inobedientiani per suam obedienliam consolatus. De ce même chapitre Bossuet, p. 380, cite encore cette phrase, n. 3, col. 1170 : uti, quemadmodum per lignum jacli sumus debitores Deo, per lignum accipiamus nostri debili remissioncm, ainsi que ce mot du t. III, c. xxii, n. 4, sur le Christ : initium viven’Aum faclus quoniam Adam initium morientium factus est, et il fait observer, que « toute la suite du discours et l’esprit même de la comparaison entre Jésus-Christ et Adam, tant inculquée par ce saint martyr (Irénée) après saint Paul, fait voir que, comme ce ne sont pas les seuls fruits de la justice, mais la justice elle-même, que nous possédons en JésusChrist, ce ne sont pas aussi seulement les peines du péché, mais le péché même, dont nous héritons en Adam. » L. II, c. xxii, n. 4, col. 784, Irénée dit que le Christ omnes venii per semetipsum salvare, omnes, inquam, qui pcr eum renascuntur in Deum, infantes, et parvulos, et pueros, et juvenes, et seniores. Ideo per omnem venit œtatem, et, injanlibus infans factus, sanctificans infantes. Sauver les enfants 1 « De quoi, argumente Bossuet, p. 307-308, sinon du péché par la grâce du baptême ? Voilà donc un véritable péché, qui ne peut être remis aux enfants qu’en leur donnant le sacrement de renaissance, qu’on ne peut donner et qu’on ne donne jamais qu’en rémission des péchés. » Cꝟ. t. III, c. xviii, n. 7 ; t. IV, c. xxii, n. 1 ; t. V, c. xii, n. 3 ; c. XIV, n. 1 ; c. xvi, n. 3 : Deum, quem in primo quidem Adam ofjendimus, non facientes ejus præceptum, in secundo autem Adam reconciliati sumus, obedientes usque ad morlem facti, neque enim alteri cuidam eramus debitores sed illi cufus et præceptum transgressi fueramus ab initio, t. V, c. xxxiv, n. 2, col. 937-938, 1046, 1154, 1161, 1168, 1216. Quand on a lu ces textes, on se demande comment P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, p. 1 10, a pu écrire : « Nous ne rencontrons pas chez lui l’idée d’hérédité, de transmission du péché par la filiation, de péché d’origine. » Et l’on reconnaît qu’ils incluent non pas seulement une chute en général, un rejaillissement quelconque de la faute d’Adam sur le genre humain, non pas seulement des pénalités auxquelles tous les hommes sont soumis à cause du péché d’Adam et d’Eve, mais encore l’existence d’un péché originel proprement dit. « Nous avons offensé Dieu dans le premier Adam, " « nous avons transgressé son précepte, » « nous avons péché contre le Père, » la désobéissance d’Adam est « notre désobéissance, n par suite de « l’antique désobéissance » nous étions Il dans les liens du péché, devant naître coupables et sujets à la mort : » ces expressions vont au delà de la transmission à la postérité d’Adam des peines encourues par notre premier père. Sur ce point J. Tunnel, Le dogme du péché originel dans saint Augustin, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1901, t. vi, p. 425-426, manque d’exactitude.

Très explicite en ce qui regarde l’existence du péché originel, Irénée ne s’attache pas à préciser sa nature. Dans l’ensemble il professe un certain optimisme et, selon la ligne des Pères grecs, il insiste plus sur la l.berlé de l’homme que sur la nécessité de la grâce.

Il n’est pas frappé, au même degré que saint Augustin, par l’emprise de la concupiscence ; suivant saint Paul sur le fait de notre solidarité avec Adam, il s’inspire rarement des textes de l’apôtre sur le caractère tragique de la lutte entre la chair et l’esprit qui se passe en noi : s. Il atténue, plutôt qu’il ne l’aggrave, la culpabilité d’Adam Adam « n’avait pas encore le parfait usage de ses facultés ; aussi fut-il facilement trompé par le séducteur. » Dem., c. xii, p. 668. Le péché commis, Adam se cacha, non point pour fuir Dieu, mais parce qu’il se jugeait indigne de paraître devant lui, et se vêtit de feuilles de figuier, non d’autres feuilles quæ. minus corpus ejus vexare potuissent, par esprit de pénitence. Aussi Dieu maudit-il non pas lui, mais la terre et le serpent. Irénée s’indigne contre Tatien et tous ceux qui refusent d’admettre le salut d’Adam, semper seipsos excludentes a vita in eo quod non crt-dant inventam ovem quæ perierat. Car necesse fuit Dominum ad perditam ovem venientem, et tantæ. dispositionis reeapitulationem facicntem et suum plasma requirentem, illum ipsum homincm salvare qui factus fuerat secundum imaginem et similitudinem ejus, id est Adam.., uti non vinceretur Deus neque infirmaretur ars ejus. Voir t. III, c. xxiii, col. 960-965. Quant à la postérité d’Adam, Irénée n’est pas de ceux qui supposent qu’elle a été blessée dans sa nature en tant que telle. La descendance d’Adam fidèle aurait-elle hérité des privilèges du premier père ? Oui, d’après Irénée, en ce qui concerne la grâce et l’immortalité, et même, semblet-il, l’exemption de la douleur. Mais, muni de ces privilèges, chacun aurait eu à les conserver par le bon usage de la liberté ; l’abus aurait entraîné leur perte. De par sa nature d'être créé, l’homme ne pouvait naître parfait et confirmé en grâce. L. IV, c. xxxviii, n. 1, col. 1105. En fait, Adam n’a pas été fidèle ; nous héritons de sa désobéissance, et nous naissons privés de la grâce, débiteurs de la mort, condamnés à soulfrir, sujets à la concupiscence, mais libres toujours, et, parce que lipres, patentes retinere et operari bonum et patentes rursum amittere id et non facere. L. IV, c. xxxvii, n. 2, col. 1100. Ainsi le péché n’est pas seulement .héréditaire, mais individuel, pas seulement une conséquence de l’acte d’Adam, mais un acte qui nous est propre, et le devoir nous incombe de faire le bien et d'éviter le mal, de faire certaines choses quasi bona et egregia, de nous abstenir de certaines autres, non solum operibus sed etiam his cogitationibus quæ ad opéra ducunt quasi malis et noeivis et nequam. L. II, c. xxxii, col. 826-827. La liberté n’a pas subi de dommages par suite du péché originel. Il est faux qu’on ait le droit de « taxer de pélagianisme avant la lettre » la doctrine d' Irénée, avec P. Beuzart, Essai sur la théologie d' Irénée, p. 64 ; nous verrons que la nécessité de la grâce n’est pas méconnue par lui. Il est vrai qu’il se prononce fortement en faveur de la liberté. C’est un trait qui lui est commun avec les Pères grecs, et qui s’explique par la nécessité de maintenir le libre arbitre contre la prédestination fataliste des gnostiques. La liberté de l’homme étant restée intacte, dira-t-on que sa nature est amoindrie du fait de la captivité sous l’empire du démon où il est tombé dans la personne d’Adam ? On a cru pouvoir le conclure de ces mots : Non erat possibile eum hominem qui simul victus fuerat et clisus per inobedientiam replasmare et obtinere bravium Victor iæ. L. III, c. xvra, n. 2, col. 932 ; cf. J. Chaîne, Le Christ rédempteur d’après saint Irénée, Le Puy, 1919, p. 57. Mais cet homme vaincu, c’est dans l’ordre surnaturel qu’il ne peut vaincre, c’est l’immortahté, dont il est déchu par sa désobéissance, t. III, c. xx, n. 2, col. 943, qu’il ne peut conquérir par ses propres forces ; il ne s’agit point là d’une atteinte portée à la nature. Ce qu’il ne pouvait par lui-même il le peut par le Christ. Le Christ est