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IHÉNÉE (SAINT)
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En outre, il est désonnais admis que la potentior principalitas ne vise pas l’autorité ci ile, mais le principal, l’aiif orité de l'Église romaine. Convenire marque l’unanimité de la foi, qui doit se réaliser dans tout le monde à cause de cette autorité. La cause ne peut être que du même ordre que son effet, spirituelle comme lui. Cette autorité est « principale. » Toutes les Églises apostoliques ont la principalilas. Cꝟ. t. IV, c. xx^^, n. 2, col. 1053-1054 : Obaudirc oportet his qui successionemhabent ab aposiolis…. qui absistunt a principalisuccessione… Ce qui distingue l'Église romaine, c’est que sa principalilas est potentior. Pourrait-on préciser la nature de cette principalilas ? Le mot grec le permettrait sans doute, mais nous ne le connaissons pas. 11 est impossible de savoir si c'était aùGsvTÎa, cf. Harnack, op. cil., t. I, p. 446 ; P. Batifïol, L' Église naissante et le catholicisme, p. 252 ; ou KpwTsta, comme L IV, c. xxx^^^, n. 3, col. 1108 ; ou ^yejjiovta, comme t. III, c. XI, n. 8, col. 886 (ces deux derniers mots sont rejetés par P. Batiffol, op. cit., p. 252) ; ou àpx'^, cf. F. R. M. Hitchcock, Ircnæus of Lugdunum, p. 252-253. Le mot principalitas figure aussi dans des passages de la traduction latine. Il y désigne le plérôme gnostique, t. I, c. xxi, n. 1 ; c. xxxi, n. 1 ; t. IV, c. xxxv, n. 2, 4, col. 686, 704, 1087, 1089 ; ou les j quatre esprits principaux, » c’est-à-dire les quatre vents, t. III, c. xi, n. 8, col. 885 ; ou, t. IV, c. xxxvi, n. 1, col. 1090, « l’autorité principale » du Fils qui, venant du Père, s’exprimait de la sorte : Ego autem dico vobis ; tandis que les serviteurs disent servililer, au nom du Seigneur : Hœc dicit Dominas » ; ou l’antériorité chronologique, t. V, v. xiv, n. 1, 2, col. 1161, 1162. Les trois premières acceptions impliquent une excellence qui, pour n'être pas sur le même plan que celle de la principauté de l'Église de Rome, n’en invite pas moins à concevoir une grande idée de cette dernière. La quatrième acception ne convient pas à l'Église de Rome : la priorité chronologique et le prestige qui en résultent appartiennent à l'Église de Jérusalem, qu’Irénée nomme, t. III, c. xii, n. 5, col. 897, « l'Église de laquelle toute Église a eu son commencement, la métropole des citoyens du Testament Nouveau. » Le sens de ces paroles, inexactement rendu par F. R. M. Hitchcock, op. cit., p. 252, et par L. Salvatorelli, op. cit., n’est pas douteux. Elles ont une valeur purement historique : o relatives aux origines du christianisme et visant le rôle de Jérusalem avant que la foi fût prêchée à Rome, elles constatent dans le passé un fait, sans y fonder pour l’avenir aucun droit ; ce serait le cas de parler de prestige ou de dignité, » non d’autre chose. C’est de tout autre chose qu’il est question pour l'Église de Rome. Le contexte implique « une primauté effective, pas seulement de prestige et de dignité, puisque saint Irénée en fait le ressort du gouvernement ecclésiastique, » A.^ d’Alès, dans les Recherches de scienc religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 127, puisqu’elle oblige tous les fidèles du monde entier à conformer leur croyance à celle de l'Église romaine, que seule l'Église romaine jouit de cette prérogative. En effet, ôtez cette primauté effective ; il n’est pas plus nécessaire de se mettre d’accord avec l'Église de Rome qu’avec celles de Smyrne et d'Éphèse, par exemple, dont saint Irénée parle immédiatement après. Or, lui qui a puisé la foi dans l'Église de Smyrne, auprès des disciples de saint Jean, dit que les fidèles du monde entier, y compris conséquemment ceux d'Éphèse et de Smyrne, doivent nécessairement convenir dans la foi avec l'Église de Rome. C’est donc que la primauté de l'Église de Rome renferme le pouvoir de garantir dans son intégrité la tradition apostolique. Cf. Freppel, Saint Irénée, p. 434, 438-439. Un raisonnement esquissé par J. Chapman, Le témoignage de saint Irénée en faveur de 4a primauté romaine, dans la Revue bénédictine, Maredsous, 1895,

t. XII, p. 56, achève de trancher la question de la nature de la suprématie romaine. Irénée veut « faire admettre aux gnostiques, sans autre vérification, que la foi romaine est identique en fait aux traditions de toutes les autres Églises, que tout désaccord entre eux et la foi romaine équivaudra donc à un désaccord avec l'Église universelle… Il faut donc que la nécessité de l’accord entre Rome et les autres Églises soit une nécessité rigoureuse et, pour cela, il faut que la raison de cette nécessité ne soit pas une bienséance, mais une autorité. » F. X. Roiron, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. i, p. 48-49.

La troisième expression discutée est Vin qua de la l)hrase finale. Communément on l’a rapportée à l'Église romaine, ad hanc Ecclesiam. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichle, t. i, p. 446, note ; L. Duchesne, Autonomies ecclésiastiques. Églises séparées, 2e édit., Paris, 1905, p. 119 ; F. X. Funk, Kirchengeschichlliche Abhandlungenund.Unlersuchungen, t.j, p. 19 ; P. Batiffol, L'Église naissante et le catholicisme, p. 251, etc., pensent, au contraire, que in qua se rapporte aux autres Églises, omnem Ecclesiam. Dès lors, on pourrait traduire de la sorte : « Avec cette Église (romaine), à cause de son autorité principale, il est nécessaire que s’accorde toute Église (c’est-à-dire les fidèles qui sont de partout), dans laquelle a toujours été conservée, par ces fidèles qui sont de partout, la tradition apostolique. » Et l’argument d’Irénée serait celui-ci. La tradition apostolique est visible dans toute l'Église, in omni Ecclesia. On la connaîtrait en consultant les listes des évêques qui se sont succédé dans les différentes Églises, in ecclesiis, à partir des apôtres, et en recueillant leurs enseignements. Mais, parce qu’il serait trop long d'énumérer les successions épiscopales de toutes les Églises, omnium ccclesiarum, il suffira de citer une Église, celle de Rome, qui a une prééminence telle que nécessairement l'Église entière, omnem Ecclesiam, s’accorde avec elle, que savoir ce qu’elle croit, c’est savoir ce que croit l'Éghse entière dans laquelle a été conservée la tradition apostolique. L’argument est parlai, ement conduit, et la phrase, un peu chargée, comme il arrive souvent à la phrase irénéenne, est grammaticalement irréprochable. Que si l’on réfère in qua à l'Église romaine, on traduira : « Il est nécessaire que toute l'Église (c’est-à-dire les fidèles qui sont de partout) s’accorde avec cette Église (romaine), grâce à qui a toujours été conservée, par les fidèles qui sont de partout, la tradition apostolique. » Ce qui signifie que « les fidèles de tous pays ont toujours conservé la tradition des apôtres dans l'Église de Rome, comme dans rÉt, lise centrale, qui en a la garde et le dépôt ; absolument comme l’on dirait : C’est dans la royauté, dans le pouvoir central, que la France a conservé pendant des siècles ce qui a fait son unité et sa force. » Freppel, Saint Irénée, p. 441. Ce sens est acceptable, un peu tiré toutefois et moins naturel grammaticalement, le relatif s’y rapportant non au substantif le plus proche, mais à un antécédent lointain. Encore convient-il d’observer que ce ne serait pas le seul exemple d’une reprise en un relatif d’un mot déjà lointain qui porte l’idée maîtresse. Cf. F. X. Roiron, dans les Recherches de science religieuse, t. vii, p. 42, note. Et, si in qua désigne l'Église romaine, la plirase qui vient après, n. 3, col. 849, et où l'Église tout court est l'Église romaine, n’est-elle pas meilleure grammaticalement que si in qua concerne les autres Églises : Fundardes igitur et instruentes beati aposloli Ecclesiam, Lino episcopalum administrandse Ecelesix tradiderunfl Bref, les deux traductions sont plausibles. La première paraît préférable.

Selon qu’on adopte l’une ou l’autre, le sens de necesse est varie. Dans le premier cas, la nécessi é est logique : il ne peut pas se faire que les autres Églises, où est