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IRENÉE (saint ;


désignant d’une façon quelconque les chefs d'Église, ceux dont Faction vigilante assura la conservation de la tradition apostolique au sein de la communauté romaine. » Ces mots, d’après un prêtre français de Saint-Pétersbourg, qui suggéra cette hypothèse à dom G. Morin, pourraient être : qui ibi præfucrunt. M. Dôrholt, Theologische Revue, Munster, 1909, col. 94-95, a signalé avec sympathie cette hypothèse ; mais, voyant dans les mots ab his la traduction littérale du grec olv : q toûtwv, , il leur a donné le sens de deinceps, poslea, abhinc : dès lors, nul besoin d’ajouter d’autres mots pour remplacer le second sunt undiquc. M. d’Herbigny, Revue bénédictine, Maredsous, 1910, t. xxvii, p. 103-108, a regardé comme vraisembable que la traduction primitive portait : ab his qui suni undecim. devenus ab his qui suni undiquc par l’incurie d’un copiste. Toute une série d’hypothèses et de corrections ont été proposées encore. Cf. U. Mannucci, dans la Rivisla storico-critica dclle scienze teologiche, Rome, 1909-1910. t. v, p. 609, t. vi, p. 619-620. Des critiques se sont rangés à l’opinion telle quelle de dom G. Morin. Cf. P. Batiflol, L'Église naissante et le catholicisme, 3e édit., Paris, 1909, p. 251. F. X. Roiron, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. Ti, p. 41-42, note, la rejette, ainsi que celle de M. d’Herbigny.

La phrase capitale : Ad hanc enim… est susceptible de sens divers très intelligemment étudiés dans un article posthume (inachevé) de F. X. Roiron, Sur l’interprétation d’un passage de saint Irénée, Contra hæreses, II i, ///, 2, dans es Recherches de science religieuse, Paris, 1917, t. vii, p. 36-51. Principalitas peut désigner la suprématie impériale de Rome ou la prééminence de l'Église romaine ; celle-ci, à son tour, peut être une primauté purement honorifique ou une primauté de juridiction. Necesse est peut indiquer une nécessité logique : si, de part et d’autre, on a reçu et gardé une tradition unique, il faudra bien que l’on soit d’accord, — ou physique, matérielle : il ne s’agirait pas de ce qu’on a le devoir de faire, mais de ce que la force des choses impose, — ou morale. Convenire s’offre au double sens de rendez-vous ou d’accord. In qua peut se rapporter à omnem Ecclesiani ou à ad hanc Ecclesiam (l'Église de Rome), et, dans ce dernier cas, plusieurs sens sont possibles. Agençant entre elles ces diverses acceptions, F. X. Roiron a abouti à ce résultat que, défalcation faite de celles qui sont contradictoires en elles-mêmes ou déraisonnables, on obtient 116 combinaisons, dont cinq principalement sont, à première vue, défendables et ont été défendues. Cf. p. 38-39, note.

b) Histoire de l’interprétation du texte. — L’importance du texte d' Irénée apparaît au cours de la controverse protestante. Dans son édition d' Irénée, Cologne, 1625 (1e édit.on en 1575), p. 234-236 = P. G., t. vii, col. 1605-1609, Feuardent le commente. Bellarmin, De romano pontifice, t. II, c. xv, dans le De controversiis christiance fidei, Paris, 1620, t. i (1e édit.on en 1586), col. 641, cite ce texte capital, et invite à noter les expressions significatives, nam Ireneeus probat passe nos confundere omnes hæreticos ex doctrina Romanae Ecclesise, quia necesse est ad hanc Ecclesiam omnes convenire et ab ipsa tanquam a capile et jonle pendere (ces derniers mots amplifient le sens d' Irénée). Cf. J. Gretser, Dejensio Bellarmini, Ingolstadt, 1609, t. I, p. 676-677. Baronius, Annal, ecclesiast., an. 180, n. 5 ; cf. an. 179, n. 54, Rome, 1588, t. ii, p. 168, 167, renvoie au même texte. J. Coccius l’enregistre dans son Thésaurus catholicus in quo controversise fidei…. cxplicantur, Cologne, 1010, t. i, p. 826. De plus en plus le texte d’Irénée pénétre dans la circulaLion théologique. Les protestants, gênés par lui, tâchent de s’en débarrasser. Cf. F. du Jon (J uni us Biturigis =-né à Bourges),

Animadversiones ad R. Bellarmini Societatis Jesu ul vacant controversiam III, t. II, c. xv, dans ses Openi theologica, Genève, 1607, t. ii, col. 729 ; P. du Moulin, ^ Le bouclier de la foij, Charenton, 1617, édit. de Sedan ! fl 1621, p. 433 ; D. Chamier (Chamierus), le o grand Chamier, » De œcumenico pontifice, c. xxii, n. 12 sq., dans Panslraliæ catholicæ libri XIII, Genève, 1626 ; cf. Chamierus contractus sive Panstratiie catholicæ D. Chamicri epifome, Genève, 1642, p. 551 ; Cl. de Saumaise (Salmasius), De primaiu papse, c. v, Leyde, 1645, p. 65, plus proche des catholiques. Sur les traces de Chamier, l'éditeur protestant d’Irénée, J. E. Grabe recourut à une interprétation réservée à un brillant destin : le texte d’Irénée vise l’afiluence des gens envoyés de toute l'Église à Rome pour y trailer la cause des chrétiens auprès des empereurs, lesquels avaient le pouvoir suprême. Massuet, Dissert., III, a. 4, n. 33-35, P. G., t. vii, col. 280-283. montra ce que cette explication a de factice et d’impossible, et, n. 31, col. 278-279, expliqua de la sorte le passage d’Irénée : l'Église romaine est 1° la plus grande de toutes ; 2° celle qui est à la tête de toutes ; 3° qui est connue de tous ; 4 » qui a été fondée par les apôtres Pierre et Paul ; 5° avec laquelle il est nécessaire que s’accordent les fidèles du monde entier, à cause de son autorité souveraine, car, bien que les autres, dans leurs limites, exercent la principauté sur les fidèles qui leur sont soumis, bien plus excellente est la principauté de l'ÉgUse romaine. utpole quæ principatus ac primatus jure omnibus dominctur, omnibus præsii omnesques ibi subdilas habeat ; 6° dans cette Église a toujours été conservée, par ceux qui sont de partout, la tradition apostolique en ce sens que, les fidèles de l’univers entier étant tenus d’adhérer à sa doctrine, la tradition apostolique confiée à cette Église a pu s’y conserver beaucoup plus sûrement et facilement que dans les autres Églises considérées séparément, dont la juridiction avait des limites plus restreintes.

Avec des nuances, tantôt atténuées, tantôt renforcées, les interprétations de Massuet et de Grabe se sont partagé les esprits jusque vers la fin du xix'e siècle. Bossuet, Sermon sur l’unité de l'Église, IF point. Œuvres, t. xi, p. 610, traduisit : « C’est avec cette Église que toutes les Églises et tous les fidèles, qui son^. par toute la terre, doivent s’accorder, à cause de sa principale et excellente principauté, et… c’est en elle que ces mêmes fidèles répandus par toute la terre ont conservé la tradition qui vient des apôtres. » Cf. sa Defensio dcclarationis cleri gallicani, part. III, t. X, c. VI, XIV, dans ses Œuvres, Paris, 1879, t. xxii, p. 269, 289 ; P. de Marca, De concordia sacerdotii et imperii, t. I, c. II, n. 6 ; 2e édit., Paris, 1669, p. 8 ; dom R. Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 156. Si les gallicans ont admis que le texte d’Irénée prouve la primauté de l'Église romaine, les ultramontains, allant au delà, l’ont employé pour établir l’infaillbiilité du pape, alors que Bossuet, Defensio, p. 290, affirmait concludi causas fidei ad eam sedem rcferendas non autem proptcrea infallibili judicio finiendas. Saint Alphonse de Liguori prouve par ce texte rinfaillibihté du pape, dans saDissertatio de R. pontificis auctoritate, parue en 1748. Il le cite exactement, § 2, De auctoritate pontificis supra concilium, dans sa Theolagia moralis, édit. L. Gaudé, Rome, 1905, t. i, p. 113, en réponse à l’objection tirée de Math, xviii, 17 ; mais, là où il traite ex professa de l’infaillibilité, § 1, De infallibilitide papæ, p. 96, ne prenant pas garde que les mots qu’il allègue sont non pas ceux d’Irénée, mais la glose de Bellarmin, il fait dire à saint Irénée : Omnes a Romana Ecclesia necesse est ul pendcant tanquam a fonte et capite. Les frères Ballorini, De vi ac ratione primatus R. pontificum, Vérone, 1766, reproduit dans Migne,