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IRENEE (SAINT


sorte un second texte d’Irénée, t. III, c. iv, n. 1, col. 855 : t S’il y a quelque question secondaire, modica quæstio, que l'Écriture ne puisse résoudre, il faut s’en rapporter à la tradition des plus anciennes Églises apostoliques. Mais, sur les grandes questions de la foi et du salut, il n’y a pas d’incertitude possible : la Bible est claire et la tradition la confirme. » Voilà une traduction bien large et bien tendancieuse 1 Irénée dit que les apôtres » ont déposé dans l'Église la plénitude de la vérité, qu’en dehors d’elle tous sont des voleurs et des brigands, qu’il faut donc éviter ceux-ci, aimer extrêmement celle-là et saisir la tradition de la vérité, et que, si quelque petite question provoque une querelle, il n’y a qu'à recourir aux Églises les plus antiques et, sur la question débattue, prendre les certitudes qu’elles ont. Pourquoi ? Parce que les apôtres y ont vécu et leur ont livré ce qui est certain. S’ils ne nous avaient pas laissés des textes écrits, n’aurait-il pas fallu suivre l’ordre de la tradition qu’ils ont communiqué à ceux auxquels ils confiaient les Églises ? » Dans ce remarquable passage l'Écriture, loin d'ôtre au premier plan, n’intervient que d’une façon incidente. L’idée exposée par Irénée, c’est que toute la vérité est dans l'Église ; que, sur les grandes questions de la foi et du salut, l’enseignement de l'Église et la tradition de la vérité ne font pas de doute, mais que, des doutes pouvant s'élever sur des questions moins importantes, pour les trancher on a le recours aux Églises d’origine apostolique ; que, à la rigueur, les apôtres auraient pu ne pas écrire, mais que dans tous les cas il est nécessaire et il suffit de suivre l’ordre de la tradition, à preuve » les nations barbares devenues chrétiennes, qui n’ont pas les Écritures, mais qui gardent diligemment la vieille tradition, et, sans livres, ont la foi et plaisent à Dieu. » Cꝟ. t. IV, c. XXVI, n. 5, col. 1056. Sommes-nous à distance du principe protestant !

4. L'Écriture et la règle de foi. — Irénée professe l’inspiration des Écritures. Il a deux fois le mot « inspiration, pour caractériser l'œuvre des Septante et celle d’Esdras ; Dieu, dit-il, inspira, èvéTcveuæv, à celui-ci de recueillir les écrits des prophètes et la Loi, et ceuxlà traduisirent les Écritures par l’inspiration de Dieu, xaT' èTtÎTcvoiav toG Geoû. L. III, c. xxi, n. 2, col. 949, 948. Aussi Dieu fut-il glorifié et les Écritures — non pas seulement la traduction des Septante, mais les écrits qu’ils traduisirent — furent-elles « crues vraiment divines. » Que les livres de l’Ancien Testament aient été tenus pour divinement inspirés par Irénée, comme par tous ses contemporains, cela ne fait pas de doute. Quant à sa notion de l’inspiration de l’Ancien Testament, nulle part elle n’est formulée d’une manière complète et précise. Autant qu’on peut la dégager de l’ensemble des textes, il semble que, pour lui, l'écrivain sacré de l’Ancien Testament, aussi bien celui du Pentateuque et des livres sapientiaux ou historiques que celui des livres prophétiques proprement dits, est un.< prophète i-. De là vient que, s’il distingue la Loi et les prophètes dans l’Ancien Testament, par opposition à l'Évangile et aux écrits des apôtres dans le Nouveau, plus souvent il englobe tous lei Écrivains de l’Ancien Testament sous l’appellation de prophètes, et il se plaît à la trilogie : prophétie. Dominas, apostoli. L. I, c. VI, n. 6 ; c. viii, n. 1 ; t. II, c. ii, n. 6 ; c. xxxv, n. 4 ; t. V, pra ; f., col. 477, 520, 716, 841, 1119 ; Dem., c. xcvni, p. 730, etc. La conséquence, c’est que l'écrivain de l’Ancien Testament est l’organe deDieu dans ses écrits de la même manière qu’il l’est dans les discours prophétiques, et il n’y a pas de distinction entre l’inspiration et la révélation. C’est dire que le rôle de la personnalité humaine du prophète est tout à fait secondaire ; qu’il n’y a pas à se préoccuper de la limitation donnée à ses paroles par le milieu qu’elles traversent et les circonstances de temps et de lieu où elles

furent écrites ; que Dieu parlait non pas tant aux contemporains du prophète qu'à tous les hommes, et, en particulier, aux chrétiens à qui la croix a livré la clef du mystère ; que nous avons dans les prophètes tout ce qu’il y a dans l'Évangile écrit par les apôtres, toute l’action, toute la doctrine, toute la passion du Christ, annoncées d’avance : legite diligentius id quod ab aposloUs est Evangeliiim nobis datum et legite diligentius prophctas, et invenietis uniuersam actionem, et omnem doctrinam et omnem passionem Domini nostri preedictaminipsis.L. IV, c. xxxiv, n. l, col. 1083. Cela explique avec quelle assurance Irénée allégorise, « avec quelle facilité il trouve dans l’Ancien Testament des textes se rapportant au Père, au Fils et au Saint-Esprit, ou à la condition du Fils avant et après l’incarnation. » W. S. Reilly, L’inspiration de l’Ancien Testament chez saint Irénée, dans la Revue biblique, 1917, p. 499 sq. Évidemment, avec de tels principes, Irénée sera un guide peu sûr quand il s’agit de déterminer le sens historique exact de l’Ancien Testament. L’allégorie érigée à ce point en système aura de la valeur comme argument ad hominem ; mais c’est tout.

Il en va tout autrement du Nouveau Testament. Ici nous avons la distinction entre la révélation et l’inspiration. L’inspiration accordée à l'écrivain sacré n’est pas accompagnée de révélation. Elle n’en vient pas moins de Dieu, et l’autorité des écrits du Nouveau Testament est identique à celle des écrits de l’Ancien, étant divine. Dans saint Irénée, les mots t Ancien Testament » et « Nouveau Testament » désignent directement les deux révélations, les deux alliances : duo testamenta dicit, vêtus quidem, quod ante fuerat, legisdatio ; novum autem, quæ secundum Evangelium est, conversatio. L. IV, c. ix, n. 1, col. 996. Pour désigner les deux parties de la Bible, tantôt il oppose la Loi et les prophètes aux Évangiles et aux écrits des apôtres, ou les prophètes au Seigneur et aux apôtres ; tantôt Il oppose simplement les prophètes et les apôtres. L. III, c. XXIV, n. 1, col. 966. Quelle que soit l’appellation employée, elle se rapporte clairement à un corps d'écrits apostoliques placé au même rang que le corps des anciens livres juifs inspirés. Les uns et les autres sont compris sous le nom commun d' « Écriture » ou « Écritures ». Introduits de la même façon : Il est écrit », " selon qu’il est écrit », « l'Écriture dit », ils ont la même force probante : omnes clamant Scriptural. L. II, c. IX, n. 1 ; cf. c. xxx, n. 7, col. 733, 818. Cf. c. xxvii, n. 2, col. 803 : universæ Scripturæ et prophétise et Evangelia ; c. xxviii, n. 7, col. 810 : Dominas manifeste docuit et reliquæ demonstrant Scripturæ, etc. Us sont également parfaits, Scripturæ quidem perfectæ sunt, quippe a Verbo Dei et Spiriiu ejus dictæ. L. II, c. xxviii, n. 2, col. 805. Ils sont également la parole du Saint-Esprit, unus enim et idem Spiritus Dei, qui in prophetis quidem præconavil.., ipse et in apostolis nuntiavit. L. III, c. xxi, n. 4, col. 950. Les apôtres ont d’abord prêché l'Évangile de vive voix, postca vero, per Dei voluntatem, in Scripturis nobis tradiderunt. L. III, c. I, n. 1, col. 844. Le Verbe nous a donné l'Évangile tétramorphe évl Se ^v£U[J^aTl, cuvex6(i.evov ; le Christ réside, èYxaOéî^ETat, dans les Évangiles. L. III, c. XI, n. 8, col. 885, 887. En eux pas de fausseté ni d'ésotérisme, ni de la part du Christ, qui ne ment pas, ni de la part des apôtres et de saint Paul, qui ont reçu du Saint-Esprit la connaissance parfaite et qui ne sont pas menteurs. L. III, c. i, n. 1, c. v, n. 1 ; c. XIV, n. 2-4 ; c. xv, n. 1, col. 844, 857-858, 914-918. D’un mot, toutes les Écritures sont divines, t. II, c. XXVII, n. 1, col. 802 (le mot « divines », absent de la traduction, est dans l’original grec), les écrits du Nouveau Testament comme ceux de l’Ancien, c. xxxv, n. 4, col. 842. Voir Inspiration de la sainte Écriture, col. 2()80 sq.