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IRENEE (saint :


beaucoup d'âmes, i La manière dont Irénée parle du séjour de Polycarpe à Rome, dans sa lettre au pape "Victor conservée par Eusèbe, H. E., t. V, c. xxiv, P. G., t. XX, c. 508 ; cf. Conl. hær., t. III, c. iii, n. 4, col. 853, bien qu’elle ne suppose pas nécessairement un témoin oculaire, s’explique mieux s’il s’est trouvé lui-même à Rome. Et sa dépendance de saint Justin, sur laquelle nous aurons à revenir, n’exige pas qu’il ait connu Justin personnellement, mais apparaîtrait toute naturelle s’il avait été à Rome au moment où Justin y enseignait. A plus forte raison faudrait-il admettre qu’il a vécu à Rome s’il était établi qu’il eut pour disciples directs saint Hippolyte et Caius de Rome, ainsi qu’on l’a prétendu ; mais nous verrons que rien n’est moins sûr.

Irénée se montre en pleine lumière, en 177, à Lyon. A cette date, il est prêtre. "Vraisemblablement il a été promu au sacerdoce par saint Pothin : Pothini episcopi, qui Lugdanensem in Gallia regebat eeclesiam, presbyler, dit saint Jérôme, De viris illiistribus, c. xxxv, P. L., t. xxiii, col. G49. Les « martyrs » de Lyon, en partie originaires de l’Asie comme Irénée, instruits de l’agitation produite par le montanisme naissant, écrivirent aux frères d’Asie et de Phrygie, parmi lesquels le mouvement montaniste s'était d’abord dessiné et, en même temps, au pape Éleathère, afm de ramener la paix dans les communautés atteintes. Ils chargèrent Irénée de porter leur lettre à Rome. « Nous vous supplions, mandaient-ils au pape, de le considérer comme un homme tout à fait zélé pour le testament de Jésus-Christ. » Eusèbe, H. E., 1. "V, c. jv, P. G., t. XX, col. 440. Irénée s’acquitta-t-il de cette mission ? Saint Jérôme l’afiTu-me, loc. cit. ; il n’y a pas de bonnes raisons d’en doutei% et cette absence pourrait expliquer qu' Irénée n’ait pas péri dans la persécution. Rien n’autorise à soutenir, avec "Valois, dans ses notes sur Eusèbe, P. G., t. xx, col. 439-440, que la mort de Pothin empêcha ce voyage, l'Église de Lyon n’ayant pas voulu se priver des lumières d' Irénée dans ces circonstances critiques, pas plus qu'à supposer, avec F. Feuardent, De viia Irenœi, en tête de son édition de saint Irénée, Cologne, 1625, p. (m), et P. Halloix, De vita S. Irenœi, dans ses Ecclesiæ orientalis scriplorum vitas et documenta, Douai, 1636, t. ii, p. 437, qu’il porta également les lettres aux chrétiens d’Asie et de Phrygie, ou du vivant de Pothin (Feuardent), ou après sa mort (Halloix). Saint Jérôme ajoute qu' Irénée, prêtre de Pothin qui gouvernait alors l'Église de Lyon, envoyé par les « martyrs » de Lyon à Rome ob quasdam Ecclesiæ quaistiones, honorificas super nomine suo ad Eleuthcram episcopum perferl littcras. Postea, jam Pothino prope nomtgenario ob Christum martijrio coronato, in locum ejus substituitur. P. Quesnel, Dissertationes in S. Leonis Magni opéra, "V. c. xiii, n. 12, P. L., t. Lv, col. 477-480, et Massuet, Disserl., P. G., t. vii, col. 183-185, croient que saint Irénée alla à Rome, non seulement pour porter la lettre relative au montanisme, mais encore pour y recevoir l’ordination épiscopale du pape Éleuthère, et que c’est dans cette vue que les « martyrs » de Lyon parlaient si avantageusement de lui au pape et lui demandaient « de le préférer à tous », èx^'-^ <^^ aÙTÔv sv TrapaOscsi. D’un mot Tillemont, Mémoires, t. iii, p. 619, a montré le côté faible de l’hypothèse de Quesnel et de Massuet : si les Lyonnais avaient sollicité du pape l’ordination épiscopale d' Irénée, « ils auraient assurément témoigné plus clairement cette pensée, et, s’ils l’avaient fait, Eusèbe n’aurait pas manqué de le remarquer. Car, pour le mot ë/eiv sv TtapaOsæt, je ne vois pas qu’il puisse signifier autre chose en cet endroit que habere commendatum, comme le traduit JI. "Valois. » En outre, le postea de saint Jérôme signiŒ manifestement qu' Irénée partit pour Rome avec les

lettres qu’on lui avait confiées pour le pape, et qu’ensuite, Pothin ayant subi le martyre, il fut nommé à sa place, c’est-à-dire après son retour de Rome, que Pothin ait été martyrisé après ce retour ou, chose plus probable, pendant l’absence. L’argument mis en avant par Quesnel et Massuet, à savoir qu’il n’y avait alors, dans les Gaules, point d’autre évêque que celui de Lyon, et qu’il fallait recourir à Rome pour le sacre d’irénce, ne porte pas. Ce n’est pas le lieu de traiter la question ardue de l’organisation chrétienne des Gaules dans le dernier quart du iie siècle. Qu’il suffise de rappeler que, d’après une première opinion, à laquelle s’est rangée A. Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten, Leipzig, 1902, p. 319-332, il y eut plusieurs évèchés ; s’il en fut ainsi, le sacre de l'évêque de Lyon n’eut rien de difficile. D’après une seconde opinion, les chrétiens épars depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées formaient une communauté unique, avaient un seul centre et ne reconnaissaient qu’un évêque, celui de Lyon. Cf. L. Duchesne, Les fastes episcopaux de V ancienne Gaule, 2 « édiL, Paris, 1907, t. i, p. 40-46. Mais, alors même qu’il serait établi que Lyon fut le seul siège épiscopal des Gaules, le texte de saint Jérôme aurait le sens que nous avons indiqué ; tout ce qu’on aurait le droit d’ajouter, c’est qu’il ne nous apprend pas comment Irénée reçut la consécration épiscopale.

3° L'épiscopat. — De l'épiscopat d' Irénée, en dehors de la composition de ses écrits, nous ne connaissons bien que son rôle dans la controverse de la Pâque. Tandis que les Asiates célébraient la Pâque le 14 nisan, les autres Églises, Rome en tête, la renvoyaient ail dimanche suivant. Déjà, en 154, la question avait été discutée entre le papevnicetet le maître d' Irénée, saint Polycarpe ; ils ne purent s’entendre, mais, malgré cette divergence de vues, la paix subsista entre eux. Le débat reprit sous le pontificat de "Victor, vers 190. Le pape jugea l’heure venue d’en finir en excommuniant les Asiates. Irénée s’interposa. Tout en estimant, pour son compte, que la Pâque devait être célébrée le dimanche, il demanda au pape, conformément aux exemples d’Anicet et de ses autres prédécesï.eurs, de ne pas rompre la communion avec les Églises d’Asie fidèles à la tradition qu’elles avaient reçue. La crise s’apaisa, le pape s’adoucit et les Asiates adoptèrent ultérieurement l’usage de Rome. Cf. Eusèbe, H. E., t. V, c. xxiii-xxv, P. G., t. xx, col. 489-510 ; le pseudo-Anatole d'.A.lexandrie, Canon paschalis, c. x, P. G., t. X, col. 217.

Dans son récit de cette affaire, Eusèbe, citant les lettres des évêques qui prescrivirent à leurs diocésains de fêter la Pâque le dimanche, mentionne, c. xxiv, col. 497, la lettre qu' Irénée écrivit « au nom des frères qu’il présidait, yjysïto, en Gaule, » c. xxiii, col. 493, la lettre " des Églises de la Gaule que dirigeait Irénée, xoà Tcôv xa-rà FaXXîav Se 71 : apot.xicôv àç Elpvivaïoç ÈTïsaKoTist. » Cf. le pseudo-Anatole : Quæ ab Irenœo, tune Galliæ partis præsule, rectissime pacata est. Qu’Irénée ait exercé une véritable primauté sur d’autres évêques de la Gaule ou qu’il ait été à la tête de l’unique Église épiscopale, il fut le chef du catholicisme gaulois. Même dans la première opinion, il n’y a pas à faire état de deux conciles, l’un (199). de douze évêques, contre Marcion, l’autre (197, ou après 199), de treize évêques, au sujet de la Pâque, qui auraient été présidés par Irénée. Cf. J. B. Martin, Conciles et bullaire du diocèse de Lyon, Lj’on, 1905, p. 3.

Sur l’action épiscopale d' Irénée à Lyon nous avons un texte tardif, de Grégoire de Tours, Hist. Franc, t. I, c. xxvii, P. L., t. Lxxi, col. 174 : Beatissimus vcro Irenœus…. admirabili virtute enituit, qui, in modici temporis spatio, prædicatione sua maxime in integro civitatem reddidit christiunam. Ce chapitre ne figurait