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INTUITIVE (VISION)


passage de la puissance à l’acte, et suppose l’imperfection même de la vie. S’il y a une vie souverainement pleine et souverainement parfaite, c’est bien la vie divine, Dieu lui-même étant sa propre vie. Mouvement infiniment parfait, parce quec’est un acte infiniment pur ; moiivemenL infiniment immobile, puisqu’il est l’éternel et l’immuable par excellence. L’inimobilité du cadavre, c’est la totale privation de la vie ; l’immobilité dans la contemplation de la beauté suprême en est la possession la plus complète. Donc, pour conclure, la vie des élus sera d’autant plus parfaite qu’elle sera moins mobile, moins changeante, et moins progressive ». Terrien, p. 188-192, La (jrâce et la gloire, t. ii, cf. Monsabré, op. c(7., 2 « point ; S. Thomas, Cont. Gent., I. III, c. lxii.

En conséquence de ce principe, il ne peut y avoir d’accroissement dans la gloire substantielle, voir Gloire, col. 1415. Cet accroissement, en effet, ne pourrait provenir que d’un accroissement de lumière de gloire : mais, l’âme arrivée à son terme, ne peut plus mériter, ni par conséquent accroître la grâce qui est en elle, et la lumière de gloire proportionnée à cette grâce. Autre conséquence, tout ce que les élus voient dans le Verbe Jormellemenl. c’est-à-dire en raison môme de la vision béatifique, ils le voient d’un seul acte, simultanément et non successivement. Cela résulte de la notion même d’acte éternel qui est essentielle à l’acte de vision. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, I^, q. XII, a. 10, et les commentateurs de cet article. Mais les vérités connues par les élus en dehors de la visionintuitive, par des révélations spéciales et des espèces infuses, peuvent être connues successivement. Cette connaissance n’est plus réglée par l’éternité, mais par Vœvum, S. Thomas, id., ibid. ; Cont. Gent.’I.IW, c. lix.

La vision principe d’impeccabililé.

 La grâce et

la charité, considérées dans l’état présent, sont réglées par la foi ; mais dans le ciel, elles seront réglées par la lumière de gloire et la claire vision de Dieu. Aussi, tandis qu’ici-bas, leur mesure est le temps, qui leur fait partager les imperfections du sujet dans lequel elles se trouvent, et les expose aux changements inhérents à cet état d’imperfection, changement en bien, accroissement, ou en mal, perte totale ; dans l’autre vie, leur mesure est l’éternité. Cette raison métaphysique, jointe à la raison morale de l’attachement indéfectible de la volonté parvenue à sa fin suprême, démontre l’inamissibilité de l’état de grâce et de charité dans l’autre vie. La gloire entraîne l’impeccabilité. Voir Impeccabilité, col. 1275.

4° La vision intuitive, inamissible. — C’est le même principe qui détermine cette conclusion. La lumière de gloire, étant réglée par l’éternité, ne peut disparaître de l’âme glorifiée. Conament d’ailleurs concevoir la disparition de la lumière de gloire ? Forme spirituelle, elle n’est pas naturellement sujette à la corruption. Forme spirituelle reçue dans l’âme spirituelle, elle n’est pas appelée à disparaître par la disparition de son sujet. L’annihilation par Dieu serait un acte contraire à la sagesse, à la justice, à la bonté divines et tout à fait en dehors des voies de la Providence. Quant à la possibilité de pécher de la part de l’âme, nous venons de voir qu’on ne saurait envisager cette hypothèse. Il ne se peut donc jamais faire que la vision intuitive, réglée par la lumière de gloire, soit enlevée à celui qui en jouit. Tout autre serait la condition de l’âme, appelée à jouir de la vision de Dieu par un acte transitoire, réglé non plus par la lumière de gloire, mais par un secours actuel, tel que Dieu l’accorda peut-être à la vierge Marie et à saint Paul. Cet acte serait concédé d’une façon miraculeuse et préternaturellement, même par rapport à la condition d’un juste encore sur terre. Voir ci-dessus et Siim.lheol., II » lliE, q. Cl. XXV, a, 3 ; Cont. Gent., I. 111, c. lxii.

5° La vision intuitive, source du bonheur des élus. — —Considérée par rapport au bien suprême qu’est Dieu, et dont la possession marque la béatitude de l’homme, la vision intuitive est à la base et au principe même de cette possession ; elle en est même, dans l’opinion thomiste, l’élément essentiel, et formel. Voir sur ce point déjà traité. Béatitude, t. ii, col. 506 ; Gloire, t. vi, coi. 1395-1401. Considérée par rapport aux désirs que peuvent avoir les élus et dont la béatitude parfaite doit apporter la satisfaction complète, la vision intuitive est la source et le principe de cette satisfaction. Saint Thomas a admirablement exposé cette vérité dans le Cont. Gent., t. III, c. lxiii. Cf. Sum. theol., I’, q. XXVI, a. 3-4. La raison prendra pleinement conscience de sa force ; dans son union avec Dieu, elle trouvera une satisfaction bien plus haute que celle des honneurs et des louanges d’ici-bas. La gloire qu’elle retirera de cette sublime intimité dépassera toute gloire humaine ; et la suffisance du bien éternel lui fera oublier les richesses terrestres. La délectation de la volonté, mise en possession du bien suprême, sera pour l’élu de Dieu une jouissance bien plus affinée et bien plus appréciée que les jouissances grossières des sens. La certitude de posséder la vie, d’une façon définitive et au plus haut degré où la vie peut être possédée, couronnera cet état de béatitude parfaite. Et, loin que la privation momentanée du corps alïecte l’âme encore séparée, cette privation deviendra, grâce à la vision intuitive, une source de joie par la certitude qu’aura l’âme de se réunir au corps dans une résurrection glorieuse. D’ailleurs, l’attente n’existe pas au ciel : la gloire est la vie éternelle ; la vision béatifique est toute en un acte, toujours identique, perpétuellement présente. Le corps ressuscité lui-même n’apportera aucun changement substantiel à cet état de satisfaction de tous les désirs. Il n’aura plus en effet d’appétits se manifestant dans un sens différent de celui qui est réglé par la vision bienheureuse ; partant, plus de désirs déréglés et plus de désillusions.

Tous les actes de la vie céleste seront réglés par la vision intuitive. Et c’est ce qui fait qu’aucune peine, aucune douleur ne sera possible. La vision intuitive, faisant connaître aux élus la souveraine vérité et le souverain bien, toute connaissance, même reçue en dehors de la vision, par révélation particulière et par espèces infuses, sera nécessairement accueillie conformément aux exigences de la souveraine vérité et du souverain bien. C’est sous l’angle de la justice, de la miséricorde, de la bonté, et des autres perfections divines, que les élus apprendront, sauront, jugeront, apprécieront tout. Il n’y a donc point à craindre de jalousie ou de tristesse, parce qu’il y aura beaucoup de demeures dans la maison du Père, aucune peine, aucun regret, parce qu’il y aura des manquants à l’appel de Dieu, ou que ces manquants souffriront et expieront. « Rien ne viendra troubler cette douce et pacifique intimité : ni le regret des éternels absents, ni la compassion de notre amour dont ils se sont rendus indignes en outrageant, par un volontaire renoncement, le Dieu qui a fait de nos pensées et de nos sentiments les pieux esclaves de ses sages desseins et de ses justes volontés. » Monsabré, op. cit., 2° point. Cf. Sum. theol., Suppl., q. xcv. Le ciel, réglé tout entier par la vision intuitive, même et jusque dans les biens qu’apporte, en dehors de cette vision, la gloire accidentelle des élus, sera vraiment la réalisation parfaite de la paix, la tranquillité dans l’ordre : Cœlestis iirbs Jérusalem, beata pacis visio…

On indiquera dans la bibliographie, tout d’abord les articles de saint Thomas auxquels il convient de se référer, ensuite les ouvrages didactiques des meilleurs commentateurs ; enfin, certains ouvrages plus actuels où la doctrine de la vision intuitive a reçu de bons éclaircissements.