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INTUITIVE (VISION


L, c. VI, tient pour la négative, et plusieurs théologiens récents le suivent. Mais l’affirmative est défendue pai" les thomistes et d’autres encore. » L’argument principal de Vasquez ne manque pas de valeur : il semblerait même concluant, si l’on appliquait à Dieu le genre de causalité qui convient aux créatures. C’est, dit-il, que l’effet n’est pas contenu formellement dans sa cause ; niais on ne l’y trouve que d’une façon éminente. Voir Formellement, t. vi, col. 593. Ce n’est pas ici le lieu de développer la doctrine thomiste de la causalité efficiente et transccndantale de Dieu ; mais il suffira de rappeler que Dieu, cause transcendante de toutes choses, à cause même de sa transcendance, contient en lui la représentation de toutes choses distinctes de lui, même de l’ordre des simples possibles, selon leurs derniers éléments génériques, dlfl’érentiels, spécifiques et individuels..Cf. Gonet, loc. cit., n. 53. Ainsi, pouvons-nous dire avec le P. Terrien, l’ordre de notre connaissance sera très heureusement renversé. Ici, nous voyons les perfections invisibles de Dieu par l’intelligence que nous en donnent ses œuvres visibles, remontant des créatures à leur auteur. « Sortis de la terre d’exil et citoyens des cieux, nous n’aurons plus besoin de cette échelle… La créature céleste a devant elle, à sa portée, ce par quoi elle contemple les choses divines. Elle voit le Verbe, et, dans le Verbe, ce qui a été fait par le Verbe. Plus d’obligation pour elle de mendier auprès des œuvres la connaissance de l’ouvrier. Bien plus, même pour connaître ces œuvres, elle ne descend pas jusqu’à elles ; car elle les voit sous un jour incomparablement plus lumineux qu’en elles-mêmes. » S. Bernard, De consideratione, t. V, c. i, n. 1, P. L., t. clxxxii, col. 7 ; Terrien, La grâce et la gloire, t. IX, c. iv, p. 176-177. Voir aussi Monsabré, Exposition du dogme catholique, 1889, 100 conférence. On trouvera de longs développements dans les Salmanticenses, op. cit., disp. VII, dub. V. Avant de terminer, il convient cependant de faire observer qu’en raison même de cette transcendance divine, plus la connaissance est extensive, plus elle est intensive ; parce qu’à une somme plus grande de créatures possibles ou réelles connues en Dieu correspond nécessairement une connaissance plus profonde de la divinité. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. X, a. 2.

3. Quelles réalités les bienheureux connaissent-ils, par la vision intuitive dans l’essence divine. — Il ne s’agit pas ici évidemment des réalités divines, attributs et personnes, dont la connaissance est certainement l’objet de la vision intuitive, voir plus haut, col. 2386. La ciuestion ne concerne que les réalités distinctes de Dieu, mais connues dans l’essence divine, en vertu même de la vision intuitive. Il est assez difficile de tracer rigoureusement la théologie d’un problème si difficile et qui échappe à nos moyens actuels de raisonnements. On peut cependant poser deux principes certains : 1° Jamais aucune créature, pas même l’humanité sainte de Notre-Seigneur n’arrivera à connaître en Dieu tout ce que la toute-puissance pourrait réaliser en dehors de lui : car, il serait tout un de connaître en Dieu tous les êtres possibles, et de « comprendre » la toute-puissance c’est-à-dire la perfection infinie de Dieu ; 2° Mais, d’autre part, il n’est pas moins indubitable que chacun des élus contemplera, dans la lumière divine, toutes les choses existantes qui l’intéressent, tout ce qu’il pourra légitimement désirer savoir. On cite, à ce sujet, le décret d’un concile de Paris (1528), justifiant l’invocation des saints par la considération suivante : Beatis pervium esse uniforme illud divinilatis spéculum, in quo QVIDQVID ILLORVU INTEREST illucescat. Mansi, Concil., t. xxxii, col. 1174. De ce principe on tire.un certain nombre de conclusions.

a) L’âme du Christ a connu, par l’intuition de la divinité, tout l’objet de la science de vision de Dieu. Voir Jésus-Christ. Après la résurrection, tout l’objet de cette science pourra être connu des élus, mais non de chacun d’eux en particulier. S. Thomas, In IV Sent., t. IV, dist. XLIX, q. iii, a. 5, ad 12 ; Sum. theol., III », q. X, a. 2.

b) Il est vraisemblable que la vierge Marie nous a présents sous ses yeux d’une manière continuelle.

« N’est-ce pas un désir bien légitime pour une mère de

connaître, autant du moins que faire se peut, tous les pas, toutes les démarches, tous les sentiments, tous les besoins de ses enfants, surtout quand ces fils sont d’un âge plus faible et dans une condition plus périlleuse ? » Terrien, op. cit., . p. 178. Cf. La dévotion au Sacré-Cœur, Paris, 1893, t. IV, c. iv, p. 311 sq.

c) Pour les élus en général, nous pouvons les considérer soit en tant qu’ils sont appelés à la vie surnaturelle, soit en tant qu’ils font partie du monde créé, soit en tant qu’individus particuliers. — a. En tant qu’appelés, à la vie de la grâce, les élus devront connaître les mystères de notre foi qu’ils ont crus en cette vie. La vision ne peut être inférieure à la foi. Ainsi tout ce qui concerne l’Église comme société surnaturelle, l’économie et l’eflicacité des sacrements, la présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie, les voies admirables de la Providence par rapport à leur propre salut ou au salut des êtres qui leur sont chers, tout cela sera connu d’eux dans la vision de Dieu. Nous ne parlons pas évidemment des mystères concernant la vie intime de Dieu, ces mystères appartenant à l’objet principal de la vision intuitive. — b. En tant qu’ils font partie du monde créé, les élus connaîtront des merveilles de ce monde ce qui leur sera utile pour accroître leur amour et leur reconnaissance envers le créateur. Il est assez difficile de dire avec précision jusqu’où s’étendra cette connaissance : jusqu’à la satiété du désir naturel, pouvons-nous répondre avec saint Thomas, Sum. theol., I*, q. xii, a. 8, ad 4 ; Cont. Cent., t. III, c. LTx. — c. En tant qu’individus particuliers, les élus connaîtront soit dans la vision intuitive, soit par des révélations particulières, tout ce qui peut les concerner dans leur propre, personne ou dans leurs affections et leurs œuvres. Beau thème de consolation pour ceux qui pleurent des personnes chères : II Mourant dans la paix du Seigneur, elles nous quittent pour un temps ; mais gi’âce à l’éternelle extase où les jette la vue toujours présente de leur Dieu, nous ne sommes pas absents de leur pensée, puisque, suivant la mesure que le demandent et notre propre intérêt et le plein rassasiement de leurs désirs, elles nous voient dans le miroir infiniment clair de la lumière divine. » Terrien, op. cit., p. 178-179. C’est aussi en vertu de la règle que rien de ce qui les intéresse personnellement n’échappera aux élus, que saint Thomas assure que les saints du ciel ont en Dieu l’intuition immédiate des prières que nous faisons monter vers eux, comme aussi des honneurs que nous rendons à leurs glorieux mérites. Sum. theol., 11’^ 11’^, q. lxxxiii, a. 4, ad 2 ; Suppl., q. lxxii, a. 1 ; In IV Sent., t. IV, dist. XII, q. II, a. l, q. ii.etc. C’est en vertu du même principe que les théologiens accordent aux bienheureux une connaissance spéciale relative aux œuvres auxquelles ils se sont intéressés sur terre. Voir Gloire, col. 1407-1408. A consulter sur ce point spécial, Suarez, op. cit., c. xxviii ; Lessius, De summo bono, t. II, c. x ; Gonet, loc. cit., a. 7, § 1 ; Jean de Saint-Thomas, disp. XV, a. 5, n. 10-15 ; et, parmi les auteurs contemporains. Terrien, loc. cit. ; Monsabré, loc. cit. ; Mgr Chollet, ia psychologie des élus, Paris, 1900, c. vi, sq.

4. Comment la même essence peut-elle produire des connaissances diverses chez les élus ? — Nous avons déjà vu que la lumière de gloire, participée d’une façon plus