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surnaturel de Dieu, et appelle ce secours lumière de gloire, selon l’expression du concile, celui-là n’affirme rien contre la foi. « Cette réflexion est fort juste, et Suarez, en des termes différents, la formule de son côté. De attribulis negalivis Dei, c. xiv, n. 4. Elle doit nous empêcher de jeter trop sommairement le discrcdil sur certaines théories de la lumière de gloire, théories peut-cire assez peu conformes à l’esprit de la décision des Pères de Vienne, mais qui en tout cas ne sont point directement condamnées par la lettre de cette décision.

b) Précision du sens de la condamnation portée à Vienne. — a. La sainte Écriture. — Nous pouvons trouver quelque éclaircissement sur le sens et la portée de la décision de Vienne en interrogeant l’Écriture et la tradition. Tout d’abord, l’Écriture nous montre Dieu comme une lumière éclairant les bienheureux dans la Jérusalem céleste. Cette Jérusalem a la clarté de Dieu, Apoc, xxi, 11 ; elle n’a besoin, ni du soleil, ni de la lune, pour s’éclairer car la gloire de Dieu l’illumine, et sa lampe est l’agneau, id. 23 ; et les serviteurs de Dieu verront sa face et son nom sera sur leur front ; et il n’y aura plus de nuit, et ils n’auront pas besoin de la lumière du soleil, car le Seigneur les illuminera, xxii, 4-5 ; cf. Is., lx, 19-20. Cette illumination amène-t-elle un changement dans l’âme elle-même ? L’Apocalypse ne le dit point.

b. La tradition. — Mais il n’y a dans ces données de l’Écriture qu’une indication, non une doctrine certaine. La tradition apportera-t-elle quelque lumière ? C’est surtout en commentant le mot du Ps. xxxv, 10, In lumine luo videbimus tumen, que les saints Pères expriment leur sentiment touchant la lumière divine inondant les élus dans la vision bienheureuse. Or, ici encore, bien qu’on ait voulu opposer le sentiment des Pères à la doctrine scolastique de la lumière de gloire, il ne semble pas que les témoins de la tradition aient pris une position assez nette pour qu’on en puisse dégager un système précis. Deux affirmations principales se retrouvent sous la plume des Pères, autour desquelles gravitent toutes leurs pensées sur la lumière de la vision béatifique. D’une part, c’est Dieu lui-même qui est représenté comme la lumière qui illuminera les élus. Cf. Petau, De Deo, Deique proprietatibus, t. VII, c. viii, n. 3-4 ; Thomassin, De Deo, Deique proprietatibus, t. VI, c. XVI, n. 8. Bien plus, l’interprétation assez fréquente chez les Pères grecs est que le Saint-Esprit par sa lumière, nous fera voir Dieu dans le Verbe. Cf. S. Basile, De Spirilu sancto, c. xviii, n. 47, P. G., t. xxxii, col. 154 ; S. Grégoire de Nysse, In S. Stephanum oratio, P. G., t. xlvi, col. 715. Le Saint-Esprit est l’image du Fils, et c’est donc par la lumière de l’Esprit que l’âme bienheureuse voit Dieu dans le Verbe. Sur le Saint-Esprit, image du Fils, voir les textes dans Thomassin, loc. cit., n. 11. D’autre part, il ne serait pas difficile de montrer, dans ces textes mêmes où la lumière incréée nous est décrite comme illuminant les élus, que cette illumination même produit une élévation véritable de la puissance intellective des élus. Cf. S. Épiphane, Heeres., lxx, n. 7, P. G., t. XLii, col. 349 ; S. Irénée, Adv. Hier., I. IV, c. XX, P. G., t. VII, col. 1035 ; Origène, De principiis, t. I, c. I, P. G., t. XI, col. 121. S. Basile, loc. cit. ; S. Grégoire de Nysse, loc. cit., etc. Mais les Pères ne disent pas expressément qU’e cette élévation de la puissance intellective soit due à un principe perfectionnant intrinsèquement la puissance elle-même. Ils se contentent d’énoncer le dogme de l’élévation de l’élu à la vie divine et ne font pas la théologie de ce dogme.

Le concile de Vienne, sans doute, n’a pas voulu dire plus que les Pères ; néanmoins des affirmations de l’Écriture, des Pères et de la condamnation portée

par le concile, la raison se croit en droit de déduire la nécessité d’une élévation intrinsèque de l’intelligence dans la vision béatifique, élévation due à la lumière de gloire, principe créé par Dieu et reçu dans l’âme élue.

c. La raison théologique. — La raison théologique, exposée par saint Thomas, apporte trois preuves de la nécessité d’une lumière de gloire créée et reçue dans l’intelligence bienheureuse, ainsi perfectionnée intrinsèquement — Première preuve : Sum. theoL, q. xii, a. 5 ; Copt. Gert., t. III, c. un ; cf. S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, t. III, c. xiv. Aucune faculté ne peut produire une opération supérieure aux ressources de sa nature, à moins d’y être élevée par une forie supérieure. Or, la vision béatifique surpassant toute opération naturelle de l’intelligence créée, il faudra, pour que cette intelligence y puisse atteindre, qu’elle reçoive un surcroît de force et de vertu. « Ce complément peut lui venir, il est vrai, d’un simple accroissement d’intensité de son énergie propre. Ainsi la haleur, par cela seul qu’elle devient plus vive, produit des etTets de plus en plus violants. Mais ces elîets, pour grands qu’ils soient, ne changent pas de nature et sont toujours de même espèce. Veut-on avoir des opérations d’un ordre incomparablement plus élevé, ce n’est pas seulement la même force, rendue plus intense, qu’il faut appliquer ; c’est une vertu nouvelle qu’il fai.t surajonler â l’énergie primitive… Or, la vertu naturelle de l’intelligence est absolument impuissante à voir Dieu face à face. Donc, elle a besoin de recevoir un complément de lumière intellectuelle, et ce complément doit être d’une nature supérieure, puisque la raison dernière de son impuissance lient à l’essence même de sa vertu native. » — Deuxième preuve : Cont. Gent., loc cit. : La vision béatifique suppose, comme élément nécessaire, une union très spéciale de l’intelligence avec la lumière incrci-e, principe et terme de cette vision. Or, la même union, loin de rendre oiseuse la lumière de gloire, ne peut s’expliquer sans elle. En effet, deux choses qui n’étaient pas unies, ne peuvent s’allier intimement l’une à l’autre, sans que l’une des deux, pour le moins, subisse quelque changement… Si donc aucune intelligence créée ne peut aspirer â la vision de Dieu, sans que l’essence divine soit en elle comme une forme infiniment intelligible qui l’enveloppe et la pénètre, il faut une modification du côté de la créature ; car l’immuable stabilité de la nature divine s’oppose à toute idée de changement dont elle deviendrait le sujet. Or, cette transformation de l’intelligence humaine, où la trouverons-nous, si la lumière de gloire, au lieu d’être une réalité, n’est qu’un vain mot ? » Terrien, La grâce et la gloire, t. IX, c. m. — Troisième preuve, Cont. Gent., ibid., : Comment la forme intelligible (qu’est Dieu), pourrait-elle devenir la forme d’une intelligence créée, si cette intelligence ne recevait pas, en elle-même, une participation plus profonde et plus sublime de l’intelligence à qui cette forme est naturellement propre. » Terrien, ibid. La gloire, en elîet, achève et consomme l’œuvre de la grâce. Ici-bas, la grâce est le principe de notre connaissance surnaturelle de Dieu par la foi. Mais la foi est propre à cette vie. Si dans l’autre vie, la foi doit être remplacée par la claire vision, il est de toute nécessité que la vertu de foi fasse place à une qualité proportionnée à l’acte de vision béatifique. Voir Gloire, t. VI, col. 1422-1425. Cf. Franzcliu, op. cit., p. ^01.

c) AppliccUion. — Cette démonstration théologique faite, il nous semble désormais facile d’en faire l’application aux différentes théories proposées pour expliquer ce qu’est la lumière de gloire. — a. Théories fausses et erronées. — Fausses, parce que philosophiquement insoutenables ; erronées, parce qu’en contradiction avec ce que nous considérons comme une cer-