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INTUITIVE (VISION


c. Indirectement enfin, le magistère a affirmé la croyance catholique : Innocent III, Epist. ad Ymbertum (1201), en déclarant « que la peine du péché originel est la privation, carentia, de la vision de Dieu, Denzinger-Bannwart, n. 410 ; le concile de Florence, dans le décret pour les Arméniens, en rappelant que ceux qui meurent immédiatement après avoir reçu le l)aptéme vont directement au ciel et parviennent à la vision de Dieu, » Denzinger-Bannwart, n. (596 ; enfin, Léon XIII, par la condamnation en 1887 de certaines thèses rosminiennes, 37, 39, 40, Denzinger-Bannwart, n. 1928-1930, qui ne tendent à rien moins qu’à nier la vision de l’essence divine.

IV. Nature.

La vision intuitive est une opéralion, non des sens ou de l’imagination, mais de l’intelligence élevée à l’ordre de la vie divine par la lumière de gloire, et mise en contact immédiat avec l’essence divine, devenue ainsi la propre forme intelligible de l’esprit bienheureux.

l" La vision intuitive n’est pas une opération des sens ou de l’imagination. — 1. Démonstration. — Cette assertion est démontrée : a) par la doctrine catholique de l’invisibilité divine. Dieu, pur esprit, acte pur, est invisible au regard de l’intelligence créée, et à plus forte raison, au regard de l’œil de chair. Il est le roi invisible, I Tim., i, 17, qui habite une lumière inaccessible, qu’aucun homme n’a vu et ne peut voir, /ft/rf vi, 1.5-16. Cf. Rom., i, 29 ; Joa., i, 18 ; IJoa., iv, 12 ; Exod., xxxiii, 20.

La tradition est très ferme sur ce point, et s’est affirmée surtout à rencontre des théories d’Eunomius, voir col. 2365. Mais plusieurs Pères ont envisagé expressément la vision corporelle de Dieu, pour la condamner comme une erreur et une absurdité. Origène, Contra Celsum, t. VII, n. 34, P. G., t. xi, col. 1468 ; S. Cyrille de Jérusalem, Ca^, ix, c. i, P. G., t. xxxiii, col. 638 ; S. Fulgence, Epist., xiv, n. 31, P. L., t."Lxv, col. 421. Saint Augustin avec plus de nuances que d’autres, a exprimé sur ce point une doctrine dont les aspects peuvent paraître contradictoires, voir Augustin (Saint), t. I, col. 2452, mais dont il est possible de reconstituer l’harmonie en rapportant la vision corporelle de Dieu, que saint Augustin semble admettre chez les bienheureux après la résurrection, à la vision (les œuvres divines dans la création rénovée. Cf. Jannss : iis. De Deo uno, t. i, p. 441.

b) parce que l’opinion contraire conduirait logiquement à l’hérésie des antiu-opomorphites, voir ce mot, L.i, col. 1370.

c) par la raison théologique, qui non seulement prouve la répugnance naturelle d’une vision corporelle de Dieu, mais semble encore démontrer que cette répugnance est absolue et tient à la nature des choses, Dieu étant au-dessus de toute connaissance sensible. Voir S. Thomas, loc. cit., a. 3 ; II » — ll<^, q. clxxv, a. 4 ; In IV Sent., t. IV, dist.-XLIX, q. ii, a. 2. L’école scotiste, tout en admettant la même doctrine en fait, n’accepte pas les mêmes arguments. L’impossibilité aljsolue pour l’œil corporel d’atteindre Dieu ne vient pas de la nature des choses, mais de la volonté divine. Cf. DuNS ScoT, t. IV, col. 1878.

2. Certitude de l’assertion.

o) En ce qui concerne l’impossibilité naturelle de la vision corporelle de Dieu, certains auteurs estiment notre thèse de foi divine et catholique, Suarez, De attributis negativis Dei, c. vi, n. 4 : De fuie certum est Deum non esse visibilem sensibili et corporali modo. Vasquez estime l’ophiion oppo-SL-e simplement erronée. De Deo, disp. XII, c. ii. Il est donc assez dilTicile, en présence de ces jugements différents de se prononcer d’une manière absolue. Mgr Jannssens, op. cit., p. 439, se range à l’avis de Vasquez, « cette doctrine ne se trouvant ni expressément enseignée par l’Écriture, ni explicitement définie par l’Église. »

DICT. DE THÉOL, CATHOL.

b) En ce qui concerne l’impossibilité absolue de la vision corporelle de Dieu, il faut se montrer plus réservé, à cause de l’autorité des théologiens, peu nombreux d’ailleurs, qui ont admis, eu égard à la puissance absolue de Dieu, la possibilité d’une vision intuitive corporelle de Dieu.

2° La vision intuitive est une opération de l’intelligence élevée à l’ordre de la vie divine par la lumière de gloire. — Tout d’abord, c’est une opération de l’intelligence : on le conclut des remarques précédentes, confirmées indirectement par les décisions du magistère de l’Église au sujet des âmes séparées (donc, douées simplement des facultés intellectives), admises dans le ciel, immédiatement après la mort si elles sont complètement justifiées. Profession de foi de Michel Paléologue, au IP concile de Lyon, 1274, Denzinger-Bannwart, n. 464 ; admises à la vision intuitive et faciale de l’essence divine, se manifestant à elles à nu, clairement et ouvertement. Constitution Benedictus Deus de Benoît XII, 1336, id., n. 530 ; reçues dans le ciel et admises à la claire vision de Dieu, un et trine, tel qu’il est en lui-même, Concile de Florence, id., n. 693 : C’est ensuite, une opération dont l’intelligence, laissée à ses seules ressources naturelles, est absolument incapables, étant donné le caractère surnaturel de la vision intuitive. Voir ci-dessus, col. 2353 sq. Il est donc nécessaire que la puissance de l’intellect soit renforcée par un secours spécial que les théologiens appellent lumière de gloire, lumen gloriac.

1. Existence de la lumière de gloire.

Dans l’ordre des choses sensibles, et pour parler comme le sens commun et selon les apparences, la lumière est la condition de la visibilité des couleurs. C’est par analogie que ce mot est ici transporté dans le domaine des choses intelligibles pour indiquer les conditions mêmes de leur intelligibilité, voir S. Thomas, Cont. Gsnt., t. III, c. LUI. Dans l’ordre de la gloire, comme dans l’ordre de toute connaissance, Dieu est essentiellement la lumière incréée, vérité subsistante, souverainement intelligible par elle-même. L’existence de cette lumière incréée n’est mise en doute par personne : elle est affirmée à maintes reprises dans les Écritures, voir ci-dessous. Mais on considère ici la lumière de gloire comme un secours accordé par Dieu, sorte de participation de la lumière incréée, secours qui élève l’intelligence jusqu’à la vie divine et la rend apte à la vision intuitive : en ce sens, la lumière de gloire est donc une lumière créée, reçue dans l’intelligence qu’elle perfectionne. La— question dogmatique relative à l’existence de la lumière de gloire concerne donc la lumière créée, infusée par Dieu à l’âme bienheureuse.

a) Décision 4^ concile de Vienne (1311). — Tous les théologiens, pour alTirmer l’existence d’une lumière de gloire créée, se réfèrent, et à bon droit, à la condamnation dogmatique prononcée contre l’hérésie des Béghards et Béghins, voir ce mot, t. ii, col. 528, au sujet de leur doctrine sur la vision béatifique. Après avoir affirmé, prop. 4, que « l’homme peut atteindre, dans cette vie, la béatitude finale, au point d’obtenir le même degré de perfection qu’il aura dans la vie béatifique », ces hétérodoxes avançaient, prop. 5, conclusion toute logique, que « toute nature intellectuelle est naturellement bienheureuse en elle-même, et (que) l’iwmme n’a pas besoin de la lumière de gloire pour s’élever et la vision’et à la fouissance béatifique de Dieu. Il Denzinger-Bannwart, n. 474, 475.

En condamnant est Le assertion, le concile impose de croire à l’existence de la lumière de gloire, qui permet à l’homme de s’élever jusqu’à la vision béatifique. « Il a voulu, dit Bafiez, // ! /=" », Sum. tl-eol., q. xii, a. 5, condamner l’erreur des béghards, qui affirmaient que riiomme pouvait, par ses seules forces naturelles, voir Dieu. Donc, quiconque admet l’existence d’un s"ecours

VII.

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