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INTUITIVE (VISION)


différent qui n’est pas reçu en elle, comme l’acte l’est dans sa puissance propre. Dans l’union de la vision intuitive, la forme intelligible qui s’unit à l’esprit créé, s’unit non physiquement, mais intentionnellement, non dans l’ordre des réalités, mais dans celui de l’intelligibilité. Si l’union était physique, dans l’ordre des réalités, la forme donnerait au sujet une manière d’être nouvelle, et, dans ce perfectionnement du sujet, elle ne pourrait être suppléée par quelque chose qui ne serait pas reçu dans ce sujet, comme l’acte l’est dans sa puissance. Mais dans l’union intentionnelle, la forme intelligible, comme telle, ne fait que rendre présent à l’esprit, sans le modifier dans sa nature, l’objet intelligible que cet esprit doit atteindre. Donc, il n’apparaît pas impossible que cette présentation puisse se faire par une forme intelligible non inhérente à l’esprit. Il faudrait, pour établir la contradiction, faire la double hypothèse, ou que cette forme intelligible n’est pas subsistante en soi, mais déjà reçue dans un esprit fini, dont la capacité bornée épuise toute sa vertu ; ou qu’elle n’a aucune proportion d’habitude avec l’esprit créé avec lequel elle doit être mise en contact. Or, Dieu, intelligibilité souveraine et subsistante, contenant éminemment toute intelligibilité créée, exclut cette double hypothèse. En effet, du côté de notre intelligence, il faut observer que « la divine substance n’est pas absolument étrangère à notre faculté intellective, comme le son est étranger à la vue ou l’esprit au sens. La substance divine est le premier intelligible et le principe de toute connaissance intellectuelle. » S. Thomas, dont. Cent., t. III, c. liv. Et donc, de même que du du côté de la nature humaine en Jésus-Christ ne se trouve aucune répugnance à la subsistence divine, puisque toute nature est appelée à subsister ; ainsi, rien, du côté de notre esprit, ne s’oppose à une union avec la substance divine comme forme intelligible, puisque l’essence divine est le premier intelligible qui se trouve dans l’objet adéquat de l’intellect créé. Voir col. 2355. Du côté de l’essence divine, aucune répugnance non plus. La transcendance de l’acte pur subsislanl sulTit à nous faire entrevoir pour cet acte pur la possibilité de se substituer à l’existence créée pour faire participer la nature humaine de Jésus-Christ à sa subsistence divine, sans cependant être reçu en cette nature, à la façon d’un acte propre dans sa propre puissance ; ainsi, la transcendance de l’acte pur intelligible suffit à nous faire entrevoir la possibilité pour cet acte pur de devenir la forme intelligible de notre esprit, sans cependant lui devenir inhérent à la façon d’un accident. Voir S. Thomas, Conl Genl., t. III, c. li. Consulter sur le parallélisme de l’union hypostatique et de la vision intuitive, Jean de Saint-Tliomas, // ! /ani^ q. xii, disp. XIII, a. 4, n. 14 ; Billot, De Deo uno, thèse xiii, § 2.

III. Existence.

1° Doctrine de la sainte Écriture

— 1. Doctrine de saint Paul. — La sainte Écriture, en maint endroit, nous représente la vie éternelle comme la récompense, la béatitude vers laquelle il faut tendre. Cette béatitude est la gloire même de Dieu, manifestée dans les élus élevés à la vision de la clarté que le Père communique au Fils. Joa., xvii, 22, 24 ; Rom., v, 2 ; viii, 18 ; II Cor., iv, 17 ; Col., III, 4 ; I Pet., V, 4. Cette doctrine générale reçoit de l’apôtre saint Paul une explication remarquable touchant le moyen par lequel sera réalisée la possession de Dieu, la participation à la divine gloire, essence de notre future béatitude. C’est dans I Cor., que nous rencontrons cette explication, iii, 8-12. « La charité ne finira jamais, pas même lorsque les prophéties s’anéantiront, que les langues cesseront, et que la science sera détruite. Car c’est imparfaitement que nous connaissons, et imparfaitement que nous prophétisons. Mais quand viendra ce qui est parfait, alors s’anéantira ce qui est impar fait… Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme ; mais alors nous verrons face à face. Maintenant je connais imparfaitement ; mais alors je connaîtrai aussi bien que je suis connu moi-même. » Le sens de ces versets est clair. Saint Paul exalte la charité par-dessus toute autre communication de l’Esprit saint, et surtout il en marque la pérennité. Les dons ou charismes temporaires ne dureront que ce qu’il est nécessaire pour l’utilité ou l’édification du corps du Christ, I Cor., xii, 7 ; Eph., iv, 12. Ici-bas, c’est la foi, non la claire vue qui nous guide. II Cor., v, 7. A cette foi se rattachent, comme son complément, la science, par laquelle l’homme devient apte à la prédication de l’évangile, parce qu’il saisit les mystères de la foi, et peut les exposer efficacement aux autres, et la prophétie, par laquelle l’homme, éclairé de l’Esprit saint, acquiert une intelligence plus élevée des mystères de la foi et révèle les choses cachées aux autres hommes, et principalement aux fidèles, pour leur édification, leur exhortation et leur consolation. Toute cette connaissance est encore imparfaite, elle doit disparaître et faire place à la connaissance parfaite lorsque l’état parfait sera atteint. La différence entre la connaissance parfaite et imparfaite, l’apôtre nous la fait saisir par des comparaisons. L’état présent, imparfait, est l’état de l’enfance ; la vie future est l’état de l’âge mûr ; la connaissance « à travers le miroir », « en énigme » indique, dans la vie présente, la connaissance médiate et obscure des choses divines. A cette connaissance médiate et obscure, Paul oppose la connaissance par laquelle, dans l’autre vie, nous verrons Dieu

« face à face ». Cet hébraïsme, précisé par le verbe voir,

signifie l’intuition immédiate d’une personne. L’opposition qu’on a signalée entre la connaissance d’ici-bas et celle de la vie future renforce encore cette signification. Dans saint Paul, l’expression : voir Dieu face à face signifie nettement la vision intuitive de l’essence divine, en raison non seulement de l’opposition avec la connaissance imparfaite d’ici-bas, mais encore à cause des précisions que saint Paul donne sur la nature de cette vision, qu’on ne peut exprimer en langage humain, II Cor., xii, 2, 4 ; par laquelle l’homme connaîtra Dieu comme il est connu lui-même, I Cor., xni, 12 ; et qui dépasse tout ce que l’œil peut voir, l’oreille entendre, et le cœur désirer, I Cor., ii, 9.

L’apôtre reprend la même doctrine dans II Cor., v, 6-8 : « Pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur car c’est par la foi que nous marchons, et non par une claire vue ; pleins de confiance, nous préférons sortir de ce corps, et aller jouir de la présence du Seigneur ». — Ici, la pensée de saint Paul se rapporte immédiatement à la vue du Christ, dont, enfermés dans nos corps mortels, nous ne pouvons ici-bas voir la gloire, ce privilège étant réservé à ceux qui habitent, dans l’autre vie, près du Seigneur. Sur Jésus-Christ, Seigneur, voir Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 171 sq. Toutefois cette vision de la gloire du Christ nous amène à conclure, pour ceux qui en jouiront, à la vision intuitive de Dieu ; car ceux qui jouiront de la vue de la gloire du Christ jouiront de la vue des biens dont jouit le Christ lui-même, y compris la vision immédiate de Dieu. Cf. Cornely, Commentarium in S. Pauli epistolas, Paris, 1892, t. iii, p. 151. L’opposition dans le)> 7 de la foi et de la claire vue accentue encore le sens de cette conclusion. Seule, l’expression per speciem, Stà eïSouç, qui caractérise le mode de connaissance de l’autre vie, pourrait faire ici quelque difficulté. La connaissance per speciem n’exclut-elle pas la vision face à face ? Un certain nombre d’interprètes, Hervé, P. L., t. clxxxi, col. 1044, S. Thomas, Benoît Giusliniani, Maier, Bisping, entendent elSoç dans le sens d’Ôi|<(.( ;  ; mais le sens littéral d’6(|i !.( ; s’oppose à cette interprétation. Inexacte