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INTUITIVE (VISION !


titudes, l’une naturelle, l’autre surnaturelle, Sum. iheol., I », q. lxii, a. l ; De veritate, q. xxvii, a. 2 ; De malo, q. v, a. 3, ou encore deux biens, l’un proportionné, l’autre disproportionné à la nature humaine, De veritate, q. xiv, a. 2. Il enseigne nettement que la vision intuitive est surnaturelle par rapport à n’importe quel esprit créé : In IV Sent., t. III, dist. xxiii, q. I, a. 4, q. 3. Il n’hésite pas à dire que, par rapport à l’état de nature pure, ne pas être ordonné à la vision intuitive constitue pour l’homme, non pas une privation, mais un simple manque de proportion, un défaut inhérent à toute nature créée. De malo, q. iv, a. 1, ad 14. En conséquence, le secours surnaturel de la grâce est absolument nécessaire, en toute hypothèse, à l’homme pour parvenir à la vision intuitive. Sum. theoL, I*, q. lxii, a. 2 ; et. I’» -IIfe, q. cix, a. 5, 6 ; cxii, a. 3 ; cxiv, a. 5. S’il existe donc dans l’homme un appétit naturel de la béatitude, cet appétit ne porte pas sur la vision intuitive elle-même, mais sur la béatitude en général. De veritate, q. xxii, 1. 7.

« La vie éternelle est, en effet, un bien qui dépasse en

proportion toute nature créée, parce qu’il est au-dessus de sa connaissance et de son désir, » Sum. theol., I" Il^f, q. cxiv, a. 2 ; et cette disproportion naturelle est la cause que les enfants morts sans baptême et non admis au bonheur de la vision intuitive ne ressentiront de leur situation inférieure aucune peine spirituelle. In IV Sent., t. II, dist. XXXIII, q. ii, a. 2. C’est donc d’un désir inelTicace que le docteur angélique entend parler lorsqu’il s’appuie sur le désir naturel de voir l’essence divine pour démontrer la possibilité de la vision intuitive.

c) Comment les théologiens exposent Varçiument de saint Thomas. — a. Question de terminologie. — La distinction de l’amour surnaturel et de l’amour naturel de Dieu, admise de tout temps par la théologie catholique, a été consacrée par l’Église dans la condamnation de Baius, prop. 43, Denzinger-Bannwart, n. 1034, du synode de Pistoie, prop. 23, 24 ; (rf., n. 1523, 1524. L’amour naturel peut être inné ou élicite. Cf. S. Thomas, Sum. tlwoL, I*, q. xix, a. 1, 9 ; lix, a. 1 ; Lxxx, a. 1. Inné, s’il s’agit de l’inclination naturelle que possède tout être, même inanimé, vers le bien qui lui est propre. Cet amour inné ne constitue pas une puissance spéciale de l’être. Voir Appétit, 1. 1, col. 1692. L’amour élicite suppose, au contraire, l’exercice de la connaissance, qui propose le bien, et de l’appétit, quel qu’il soit, qui recherche ce bien et tend vers lui. Cet amour élicite est nécessaire ou libre : nécessaire, s’il procède d’une coniu’issance indélibérée : cet amour est commun aux hommes et aux animaux : libre, s’il procède d’une connaissance raisonnée, précédant et justifiant le choix de la volonté : cet amour est propre aux êtres doués de raison. Enfin, il convient encore, dans le présent sujet, de distinguer dans l’amour élicite, l’amour efficace et l’amour inefficace ou condi^ tionnel. L’amour elTicace présuppose le jugement de la raison touchant la bonté de l’objet désiré et la possibilité d’y atteindre ; l’amour conditionnel ou inefficace suppose le même jugement sur la bonté de l’objet à atteindre, mais inclut aussi le sentiment de l’impuis sance où l’on se trouve d’y atteindre. C’est donc plutôt une velléité qu’une volonté ferme. Et cette velléité elle-même peut être simplement confuse, si l’objet désiré et impossible à atteindre naturellement n’est connu que confusément ; ou explicite, si cet objet est connu distinctement. — b. Opinion des Augustinicns.

— Voir AuGusTiNiANisME, t. I col. 2485. Pour Berti, l’homme possède naturellement un appétit, en quelque sorte efficace, de la vision intuitive, mais non au sens de Baius. La vision intuitive est notre fin naturelle quant au désir que nous en avons ; mais elle demeure néanmoins une fin surnaturelle soit dans l’acte qui

nous met en sa possession, soit dans les moyens par lesquels nous y pouvons parvenir. Ces moyens, tout surnaturels qu’ils soient, Dieu se doit à lui-même, il doit à sa bonté, de ne les pas refuser à l’homme. Aussi, l’état de nature pure, théoriquement possible, en fait devient impossible. Berti, Opéra, t. v, diss. II, c. i, n. 1, 8. Dans cette théorie, on aboutit à cette antinomie, au moins apparente, de Dieu, auteur de la nature, donnant à l’homme un appétit inné vers une fin qu’il lui est impossible de lui faire atteindre naturellement. La théorie proposée côtoie ici les erreurs de Baius, et l’on ne voit pas bien comment en rigueur de logique il lui est possible de ne pas tomber sous le coup des réprobations qui ont frappé ces doctrines. — c. Opinion de Scot. — Voir Duns Scot, t. iv, col. 1936. Scot admet en nous un désir inné, naturel et cependant inefficace. La souveraine béatitude, parce que perfection et fin nécessaire de toutes choses, fonde cet appétit naturel inné ; mais parce qu’en fait l’objet béatifique n’est connu et saisi en lui-même que dans l’acte essentiellement surnaturel de la vision intuitive, le désir naturel inné demeure nécessairement inefficace. Cette opinion est également attribuée à Durand de Saint-Pourçain, à Dominique Soto, et Grégoire de Valencia semble y incliner. Cf. Banez, In Sum. theol. S. Thomæ, I", q. xii, a. 1 ; Jean de Saint-Thomas, In /*", q. xii, disp. XII, a. 3. Cette théorie, comme le remarque Jean de Saint-Thomas, loc. cit., semble inadmissible à plusieurs points de vue. Comment admettre un appétit inné, là où il n’existe aucune habitude, aucune convenance, aucune proportion de nature à nature ? Et puis, n’y a-t-il pas contradiction à concevoir un appétit à la fois essentiellement naturel (puisque, par là même qu’il est inné, il résulte des tendances même de la nature) et essentiellement surnaturel, en raison de l’objet formel auquel il est ordonné ? — rf. Opinion de Cafetan. — Elle est diamétralement opposée à celle de Scot. Le désir naturel de la créature ne saurait avoir un objet dépassant l’ordre naturel ; mais une fois supposée la connaissance de certains elïets appartenant à l’ordre surnaturel, la créaturc peut avoir le désir « connaturel » de la vision intuitive. Voir In 7 ara, q. xii, a. 1, n. 9, 10 ; — Cette opinion a été l’objet de la part des meilleurs interprètes de saint Thomas, de critiques serrées. On objecte d’abord à Cajétan que saint Thomas, dans sa doctrine du désir naturel du surnaturel, ne suppose nullement la nature déjà élevée à la connaissance du surnaturel. Voir Sylvestre de Ferrare, In Sum. cont. Génies, t. III, c. u ; et, dans leurs commentaires In / » "’, q. xii, a. 1, Banez, Jean de S. Thomas, les carmes de Salamanque, Gonet, Billuart, le cardinal Gotti, etc. On remarque ensuite cju’un tel désir ne serait plus à proprement parler un désir naturel, mais un désir conforme à la nature. La théorie de Cajétan simplifie la difi’iculté en la supprimant, mais elle ne la résout vraiment pas. — e. Explication admise communément par les thomisles.

— Les erreurs de Baius obligèrent les thomistes à préciser sur ce point la pensée du Maitre. Cette précision fut l’œuvre principalement de Banez et de Jean de Saint-Thomas, reprenant la voie déjà tracée par Sylvestre de Ferrare. Voici comment le P. Garrigou-Lagrange expose cette opinion : « Ce désir naturel est celui que nous éprouvons surtout lorsque nous nous interrogeons sur la conciliation intime des perfections divines. L’agnosticisme nous objecte que ces perfections sont inconciliables entre elles. Nous résolvons sans doute les antinomies, nous évitons la contradiction, mais le mode intime selon lequel se fait la conciliation des attributs divins nous échappe, nous ne l’atteignons que négativement et relativement ; ainsi parlons-nous de l’éminence de la Déité. S’il était possible de voir la Déité telle qu’elle est en soi, alors-