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INTUITIVE (VISION)


Pères), t. IV, col. 1009 sq., et spécialement 1082-1098. Voir également Thomassin, De Deo Deique proprictatibus, t. VI, c. xix ; Petau, De Deo Deique proprietalibus, t. VII, c. I.

4. Documents du magistère ecclc’siastique.

La doctrine catholique a été promulguée sur ce point à plusieurs reprises, mais notamment au xive siècle, contre les Béghards, prop. 4 et 5, Denzlnger-Bannwart, n. 474, 475. Voir t. ii, col. 532 ; au xvi’e siècle, contre Baius, celui-ci affirmant, pour l’ange fidèle et pour l’homme dans l’état d’intégrité, la caractère naturel et dû de la félicité éternelle, prop. 3, 4, 5, Denzinger-Bannwart, n. 1003, 1004, 1005 ; cf. t. ii, col. 74, 76, 77 ; enfin, au xix'e siècle, dans la condamnation de l’ontologisme, prop. 1, 2, 3, 4, 5, Denzinger-Bannwart, n. 1659-1663, et du rosminianisme, prop. 1, sq., id., n. 1891, sq. ; voir Ontologis.me ; Rosmini.

5. La raison tlu’ul)(/ique. — La raison démontre péremptoirement que l’intelligence, soit humaine, soit angélique ne saurait par ses seules lumières s’élever jusqu’à la connaissance intuitive de la divinité. Pour connaître, en effet, l’intelligence doit être touchée, excitée, « actuée », comme dit l’école, par la forme intelligible de l’objet à connaître : autrement, comment pourrait-elle passer à l’acte intellectuel qui doit précisénient lui donner la connaissance de cet objet ? Mais il faut de toute nécessité que cette forme intelligible reçue dans la faculté intellectuelle lui soit proportionnée et pour ainsi dire s’adapte à ses conditions d’existence et d’opération : quidquid recipitur, quidquid concipitur, recipitur ad modum recipientis, concipientis. De là, il est facile de conclure que Dieu, dépassant infiniment toute condition d’être et d’opération des créatures, ne pourra jamais être représenté naturellement dans une intelligence créée par une fornre intelligible proportionnée d’une part aux conditions d’être et d’opération de ces créatures et d’autre part aux conditions d’être de la divinité. Toute forme intelligible reçue dans une intelligence créée sera nécessairement la représentation d’un être créé et fini. Voir Billot, De Deo uno, Rome, 1910, p. 141. Et d’ailleurs, aucune forme intelligible distincte de l’essence thvine elle-même ne saurait représenter Dieu adéquatement. A ce raisonnement on ne saurait objecter le désir naturel que possède l’intelligence créée de voir Dieu en lui-même, désir sur lequel insistent à maintes reprises, après saint Thomas, Sum. theol. I^, q. xii, a. 1 ; I^’-II » ^, q. iii, a. 8 ; Cont. Cent., t. III, c. L ; De veritate, q. viii, a. i ; Quodlibet., vii, a. 2, la plupart de ses commentateurs In 1^°^, q. xii, a. 1, surtout Jean de Saint-Thomas, les Salmanticenses, Gonet, Billuart, et, d’autre part, Sylvestre de Ferrare dans son commentaire sur la Somme contre les Gentils, t. III, c. i.i. On a résolu cette objection à Appéfit, t. i, col. 1698. Aux auteurs cités à cet endroit, on ajoutera l’excellent commentaire du P. Garrigou-Lagrange, soit dans Dieu, son existence et sa nature, Paris, 1920, p. 393, soit dans De rcuelatione, Paris, 1918, t. i, p. 376-403.

6. Conclusion : caractère essentiellement surnaturel de la vision intuiUue. — Ce qu’on vient de dire sur l’impossibilité naturelle où se trouve tout esprit créé d’atteindre par ses seules forces la vision intuitive, semble démontrer le caractère essentiellement surnaturel de cette vision. Il sera toujours contradictoire, en effet, d’admettre que l’acte pur puisse être représenté comme tel dans un être fini et borné comme la créature. Aucune exigence de la vision béatifiquc et de l’ordre surnaturel qui la prépare ne peut se concevoir en une créature, quelle que soit l’hypothèse qu’on émette à son sujet et dût-on invoquer la puissance absolue de Dieu. Il faudra toujours, en effet, que Dieu lui-même vienne combler par une perfection d’ordre divin l’abîme qui sépare le fini de l’infini et attire

ainsi jusqu’à lui la créature qui ne peut d’elle-même s’élever jusque-là. Certains théologiens ont cependant défendu l’opinion contraire, à savoir que, de puissance absolue. Dieu peut créer un esprit à qui la vision intuitive serait naturellement due. C’est la question de l’être créé substantiellement surnaturel, soulevée par Ripalda, De ente supernaturcdi, disp. XXIII. On compte parmi les partisans de cette opinion théologiquement improbable et philosophiquement fausse, Suarez, De Deo, t. II, c. xvi, n. 5-7 ; Molina. In /am Sum. S. Tlwmæ, q. xii, disp. I ; Vasquez, id., disp. XLVI ; Becanus, Summa theologise scholasticie, t. I, c. IX, q. v, etc. Voir la discussion de cette opinion à Surnaturel. Une controverse récente à signaler sur ce point est celle de MM. Morlais et Bellamy, dans la Revue du Clergé Français, 1902, t. xxxi, p. 464 ; 1903, t. xxxv, p.419. Parmi les disciples de saint Thomas, voir la défense de l’opinion communément reçue dans les Salmanticenses, De visione Dei, disp. III, dub. ii ; disp. IV, dub. iv ; Gonet, De Deo, disp. III, a. 3 ; Jean de Saint-Thomas, £)e Deo, disp. XIV, a. 5, Billuart, De Deo, dissert. IV, a. 5, § 4.

Possibilité surnaturelle de la vision intuitive.


L’Église s’appuyant sur la révélation a défini le fait, c’est-à-dire l’existence de la vision intuitive chez les esprits bienheureux. Cette existence certaine, vérité de foi divine et catholique, emporte évidemment la possibilité.

Au simple point de vue de la raison, la démonstration de la possibilité surnaturelle de la vision intuitive ne peut être strictement établie. Il s’agit ici, en elîet, d’un mystère proprement dit.

Toutefois, la possibilité de la vision intuitive peut faire l’objet d’une démonstration rationnelle de convenance. Et cette démonstration peut ici revêtir deux formes, soit qu’elle prenne comme point de départ la notion de l’objet adéquat de notre intelligence, soit qu’elle s’appuie sur le désir naturel de voir Dieu. De plus, il appartient encore à la raison de démontrer négativement la possibilité de la vision intuitive en l’exposant de manière à éliminer de son concept toute contradiction.

1. Convenance de la vision intuitive, eu égard à la notion de l’objet adéquat de notre intelligence. — Voici la forme sous laquelle, après saint Thomas, Sum. llieoL, I », q. xii, a. 4, ad 3, les commentateurs thomistes de ce passage, présentent l’argument. Il y a en nous, une puissance obédientielle qui nous permet d’atteindre la connaissance des réalités qui dépassent l’objet propre, mais ne dépassent pas l’objet adéquat de notre intelligence. Or, Dieu, envisagé sous l’aspect même de la divinité connue en elle-même, ne dépasse pas l’objet adéquat de notre intelligence, lequel est l’être pris dans toute son extension, bien qu’il dépasse l’objet propre de cette intelligence, lequel est l’essence des choses sensibles. Donc, il existe dans l’homme une puissance obédientielle lui permettant d’atteindre surnaturellement la vie intime de Dieu, c’est-à-dire de connaître Dieu en lui-nième. Cet argument demande quelques éclaircissements. — a) Puissance obédientielle. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III", q. xi, a. 1 ; q. I, a. 3 ; De virt. in communi, a. 10, ad 2, ad 13 ; Compend. theologiæ, c. civ. Rappelons quelques notions. On divise la puissance en puissance objective ou simple possibilité n’impliquant aucune répugnance, eucune contradiction dans les termes, et puissance subjective, qui est déjà un principe réel d’existence, d’action ou de passion. A son tour, la puissance subjective se divise en puissance active, principe d’action ou d’opération, et en puissance passive, simple aptitude à recevoir d’un agent extérieur une détermination à l’être ou à l’opération. La volonté est une puissance active, l’intelligence, en tant que déterminée