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INTERSTICES

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ordre mineur ou des quatre ordres mineurs ensemble, on n’a pas à applic(uer la même restriction ; donc avec une coutume légitime, remplissant les conditions Indiquées au canon 5, il serait licite de continuer d’agir comme on le faisait avant le Code. C’est l’interprétation formelle de Prummer, Maniiale juris ecclesiastici, qua.’st. 320, Fribourg-en-Brisgau, 1920, p. 387, et de Blat, Commentarium texliis codicis juris canonici, t. III, de rébus, part. 1°, Rome, 1920, p. 406.

II. Les baisons de la loi des interstices.

La plupart des documents qui ont porté la loi en ont également indiqué les raisons.

« Il faut, disait le concile de Sardique, canon 10, que

(celui qui est promu aux ordres) reste assez longtemps dans chacun de ces degi’és pour que l’on puisse être fixé sur sa foi, sur ses mœurs, sur son caractère et sur ion talent… Une épreuve durable fera connaître les habitudes et les mœurs de chacun. » Hefcle-Leclercq, t. I, p. 791.

La même raison est donnée en quelques mots par le pape saint Sirice. On veut éprouver les ministres de Dieu et ne les faire monter plus haut que s’ils se sont montrés, par leur fidélité dans un ordre inférieur, dignes et capables de supporter les charges que suppose un rang plus élevé : c’est ce que signifient les incidentis qui reviennent à chaque détail des prescriptions : Si probabililer vixerit… si se ipse primitus continentici pnvcunte dignum probant… si laudabililer minislraril… si integritas vilæ ac fidei ejus fuerit approbnla. etc. P. L., t. xiii, col. 1142-1143.

Saint Zozime est plus explicite. Il répondait à un évêque qui, témoin de faits où était violée la loi des interstices, lui demandait la conduite à tenir ; et, avant de formuler la loi, il voulait d’abord en montrer le bien-fondé. Il le fait en ces termes : « Si, dans les fonctions séculières, on appelle à la première place, non pas celui qui entre dans le vestibule de la vie publique, mais celui qui a longuement prouvé sa valeur dans de nombreux emplois, trouvera-t-on quelqu’un assez arrogant, assez prétentieux pour vouloir être tout de suite un chef dans la milice du ciel… sans y avoir fait d’apprentissage, pour vouloir enseigner avant d’apprendre ? Qu’il commence par s’exercer dans le camp du Seigneur, par s’instruira des rudiments du service divin dans le rang des lecteurs ; qu’il n’ait pas honte d’être successivement exorciste, acolyte, sous-diacre et diacre, et cela non pas d’un bond, mais aux époques établies par les décrets de nos pères ; et seulement ensuite, cju’il parvienne au sommet du sacerdoce, quand l’âge aura complété le titre, quand les services rendus auront attesté le mérite de sa vertu. » Episl., ix, 1, P. L., t. xx, col. 671.

Dans tous ces documents primitifs, c’est doite la même raison qui se retrouve : il faut avoir fait ses preuves dans un ordre avant d’aspirer plus haut ; il faut se former à la science, à la vertu, aux obligations des charges ecclésiastiques pour être digne d’exercer des fonctions plus élevées ; il faut faire un apprentissage, sel : n le mot du pape Zozime : les interstices ne sont autre chose que l’apprentissage progressif du métier divin qu’est la conduite des âmes et de l’Église. Temps de probalion, temps de formation, c’est encore le sens que le concile de Trente donne aux interstices et la principale raison qu’il invoque pour les prescrire. Il y ajoute l’utilité et la convenance qu’il y a à ce que le clerc se soit bien exercé dans les fonctions de son ordre avant de recevoir l’ordre suivant. Les textes du concile sont assez suggestifs pour que nous les citions.

« Les ordres mineurs seront conférés en observant de>

interstices… pour que (ceux qui les reçoivent) puissent par là être instruits avec plus de soin de l’importanc ; de cet apprentissage et s’exercer dans chacune de ces fonctions, selon les ordres de l’évêque… Il faut qu’en

I eux le mérite de la vie et la science croissent avec I l’âge ; il faut qu’ils prouvent leurs progrès par l’exemple d’une bonne conduite, par l’assiduité de leur service dans l’Église, par un plus grand respect pour les prêtres et pour les ordres supérieurs, par une communion, plus fréquente qu’auparavant, du corps du (Christ. Et comme c’est par les ordres mineurs qu’on entre airx rangs plus élevés et aux très saints mystères, on ne doit y admettre que ceux dont on peut espérer qu’ils seront dignes des ordres majeurs. » Sess. XXIII, de reform., c. xi. Les motifs qui justifient ces premiers interstices sont vrais également des suivants ; le concile se contente aux chap. xiii et xiv de brèves allusions qu’il est inutile de relever.

Le Code suppose ces motifs sans les reproduire. Il n’en exprime qu’un au § 1 du can. 978 : on doit observer les interstices « pendant lesquels les promus puissent s’exercer dans les ordres reçus selon les prescriptions de l’évêque. »

III. Dispenses des interstices.

La discipline primitive ne semble pas avoir comporté de dispenses, du moins prévues dans les textes de lois. Dans la pratique, il y eut certainement de fort noinbreus ; s exceptions : exceptions individuelles ; nous en avons signalé quelques-unes ; elles n’excitèrent aucune protestation quand elles étaient justifiées par la valeur exceptionnelle des élus ; elles furent quelquefois cause de troubles très graves quand elles avaient pour origine l’intrigue ou l’ambition. Exceptions générales aussi : nous en avons vu un exemple dans les règles provisoires portées par saint Gélase en raison des circonstances critiques que traversait l’Église.

Le IV" concile de Constantinople, 869-870, can. 5, après avoir rappelé la loi, prévoit des dispenses possibles :

« Pour ceux qui, n’étant que clercs ou moines,

se sont pendant longtemps acquittés de leurs fonctions d’une manière exemplaire et qui paraissent dignes de l’épiscopat, les évêques pourront abréger le temps d’épreuve prescrit par les canons. » Hefele, trad. Leclercq, t. iv, p. 523.

Ce pouvoir discrétionnaire de l’évêque, le concile de Trente et le Code de droit canonique le reconnaissent. La loi prévoit et prescrit les interstices ; mais dans l’application de la loi, l’évoque est seul juge, et il ne doit considérer que la nécessité ou l’utilité de son Église et subsidiairement, par voie de conséquence, le mérite et la capacité du candidat.

Le concile de Trente prescrit des interstices entre les divers ordres mineurs nisi uliud Episcopo expedire magis videretur ; entre le dernier ordre mineur et le sous-diaconat nisi nece.ssitas aut Ecclesiæ utilitas, judicio Episcopi, aliud cxposcat ; entre le sous-diaconat et le diaconat, nisi aliud Episcopo videatur ; entre le diaconat et le prêtrise, nisi ob Ecclesiiv iililitatem ac nccssitatem aliud Episcopo videretur.

Il en est de même dans le Code. Les interstices à garder avant ou entre les ordres mineurs sont laissés prudent i Episcopi judicio ; les interstices avant ou entre les ordres majeurs sont fixés, mais avec cette réserve : nisi nécessitas.aut utilitas Ecclesia’, judicio Episcopi, cdiud exposcat, can. 978, § 2.

En réalité, ce n’est pas un droit de dispense qui est accordé à l’évêque ; car le mot de dispense n’est jamais prononcé ; c’est un pouvoir d’appliquer, comme il le jugera bon dans l’intérêt de son Église, la loi générale. Il y a des limites que l’évêque ne doit pas franchir, can. 978, S 3 ; mais en deçà de ces limites, l’évêque est maître absolu. LfÉglise lui montre l’idéal, et rend cet idéal obligatoire ; mais elle laisse l’évêque juge des possibilités ; il agira comme il lui semblera meilleur dans l’intérêt de son Église, et de son jugement ou de sa conduite, il ne doit de comptes à personne.

Ce pouvoir officiellement reconnu à l’évêque ôte à la