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INTERSTICES


plissent par ailleurs les conditions exigées par les lois de l’Église, conditions que le pape énuinère, ils pourront tout de suite « être lecteurs, ou notaires, ou défenseurs » ; au bout de trois mois, ils seront acolytes, s’ils ont l’âge suffisant ; trois mois après, on les admettra au rang des sous-diacres ; puis, s’ils se montrent de mœurs modestes et de volonté droite, après un nouveau délai de Irois mois, ils seront diacres, et, après trois autres mois, prêtres. Epist., ix, 2 ; P. L., t. xx, col. 49.

2. Infractions à la loi des interstices.

Si sage qu’elle fût, et bien que tempérée par des adoucissements comme celui que nous venons de citer, la loi des interstices subit bien des infractions.

Dans certains cas, elles étaient légitimées par le mérite exceptionnel du candidat ou par les besoins urgents de l’Église. La hâte fut parfois si grande qu’on omit quelques-uns des ordres inférieurs. Mais devant la nécessité ou la valeur éclatante de l’élu, les protestations n’osaient se faire entendre. C)’est ainsi que d’après le diacre Pontius, il semble que saint Cyprien reçut la prêtrise sans passer par les premiers degrés de la cléricature, presbyteriiim et sacerdotiuni statim <iccepit. De vita et passione sancti Cypriani, c. 3, P.L., t. III, col. 1484. Il en fut probablement de rfième pour saint Augustin, Possidius, Vita sancti Aiigiistini, c 4, P. L., t. XXXII, col. 37. Le cas de saint Amiu’oise est encore plus significatif. En quelques jours, Ambroise simple catéchumène reçoit le baptême et les ordres majeurs, y compris l’épiscopat.

Mais d’autres fois, de semblables dérogations à la loi étaient motivées surtout par des ambitions personnelles ou par des intrigues de parti ; elles furent alors causes de troubles parfois très graves. Rien d’ailleurs ne démontre mieux la persistance de la loi que de semblables violations, à cause des protestations véhémentes qu’elles soulevèrent. Nous ne citerons que quelques fait^, parce qu’ils sont plus connus et paraissent plus significatifs, et surtout parce qu’ils manifestent l’état rudinientaire où est restée longtemps la théologie du sacrement de l’Ordre.

A la mort du pape Paul I, 28 juin 767, le duc de Népi, Toto, se met à la tête du parti militaire romain et fait proclamer pape son frère Constantin qui n’était même pas clerc. L’évêque de Préiieste, Georges, lui confère immédiatement la tonsure ; le lendemain, on l’ordonne sous-diacre, puis diacre et prêtre ; le 5 juillet, il est consacré évêque de Rome. Les lois de l’Église avaient été violées ; d’abord la coutume qui réglait la forme des élections pontificales, ensuite et surtout la règle relative aux interstices à garder. Quand, l’année suivante, une réaction du parti ecclésiastique, excitée par le primicier Christophe, eut, avec le secours des Lombards de Spolète, renversé Constantin pour élever à sa place Etienne III quillet-août 768), on s’occupa tout ensemble de régler les querelles de parti et en même temps de venger les lois et d’empêcher qu’elles fussent de nouveau violées. Un concile, où siégeaient avec les évêques italiens, un certain nombre de prélats francs, envoyés par Charleiiiagne, se réunit au Lalran après les fêtes de Pâques 769. On fit sortir de sa prison le malheureux pape déchu, dont les yeux avaient été crevés par le peuple révolté, et les juges lui demandèrent compte de sa conduite. Parmi les reproches qui lui furent faits, celui d’avoir été ordonné hâtivement était certainement en bonne place d’après la réponse de Constantin €t d’après les mesures prises. L’accusé essaya de se justifier en alléguant la violence qui lui avait été faite pour l’élever au trône pontifical ; il invoqua l’exemple d’autres évêques, en particulier ceux de Ravenne et de Naples, qui étaient encore laïques à la veille de leur élection. Pour toute réponse, on le frappa et on le

chassa de l’église. Puis le décret de son élection fut brûlé ; les ordinations et autres actes accomplis par lui furent déclarés nuls à l’exception des baptêmes ; on défendit, sous peine d’anathème, d’élever un laïque au souverain pontificat ; il fut même spécifié que le pape ne pourrait désormais être choisi que parmi les cardinaux diacres ou prêtres. Voir Liber pontifïcalis, cdit. Duchesne, 1. 1, p. 468 sq ; Duchesne, Les premiers temps de VÉtat pontifical, Paris, 1904, p. 114-125 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, p. 727-737 ; Hemmer, art. Constantin II, t. iii, col. 1225. Pour résoudre la question théologique que soulève l’annulation des ordinations faites par Constantin, voir Saltet, Les réordinations, étude sur le sacrement de l’ordre, Paris, 1907, p. 104-106.

Un autre fait non moins typique est l’élection et la condamnation de Photius. Lorsqu’il fut choisi par le César Bardas pour remplacer sur le siège de Constantinople en 857, le patriarche Ignace exilé, Photius était simple laïque, et ses fonctions précédentes ne l’avaient nullement préparé aux dignités ecclésiastiques. Son élévation fut entachée de plusieurs irrégularités. Avant tout, Ignace était en vie et avait refusé d’abdiquer ; Photius était donc un intrus. Mais de plus il fut ordonné avec une précipitation que condamnaient les lois de l’Église, puisque, tonsuré le 20 décembre, il reçut les ordres inférieurs les jours suivants, fut proclamé patriarche le 23, dans un conciliabule tenu au palais impérial, et reçut la consécration épiscopa’e le 25 des mains de Gr.goire Asbesta, archevêque de Syracuse, dont la situation ecclésiastique était loin d’être claire. Les divers documents qui critiquèrent ou condamnèrent Photius relèvent en particulier le caractère précipité de ses ordinations..u concile du Latran de 863, on lui reprocha d’avoir été tonsuré trop tôt après avoir ((uitté le service de l’État et les rangs de l’armée, et le qualificatif de néophijte, qui soulignait l’opposition entre sa conduite et la prescription de saint Paul, I Tiin., iii, 6, lui fut appliqué à diverses reprises. Anathem. 1 et 3, Hefele-Leclercq, op. cit., t. iv, p. 327 et 329. Le même reproche, mêlé à beaucoup d’autres, se retrouve dans une lettre du pape Nicolas l" k Photius. 13 novembre 866 : le pape lui oppose les lois du concile de Sardique qui ont prescrit les interstices et les ordres même de saint Paul. Epist., xcix, P. L., t. c.xix, col. 1051. Au concile de Constantinople, 869870, un disciple de Photius, Zacharie, évêque de Chalcédoinc, s’efforça d’écarter de son maître la condamnation qui le menaçait ; il rappela divers exemples célèbres d’évêques pris dans les rangs des laïques et élevés sans retard à l’épiscopat ; il essaya d’interpréter les lois de l’Église et de démontrer que, si elles exigent des délais avant les ordinations, elles n’exigent pas qu’on dépose ceux qui ne les ont pas observés. Hefele-Leclercq, toc. cit., p. 506. Malgré les efforts de ses défenseurs, Photius fut condamné et le 5 « canon rappela et précisa de nouveau la loi des interstices. Il est ainsi donné par Hefele, l jc. cit., p. 523 : « Aucun sénateur, et en général aucun l.iïque qui reçoit la tonsure dans l’espoir d’arriver à u.i évêché ou à un patriarcat et devient ainsi clerc ou moine, ne doit être promu à cette dignité qu’il a.ubitionne, ou bien on attendra qu’il ait passé un temps d’épreuve suffisant dans tous les degrés et fonctions ecclésiastiques…. Par contre, celui qui, sans aucune ambition, abandonne une haute dignilé du monde, devient clerc ou moine et passe dans chaque degré le temps requis, c’est-à-dire qui est un an lecteur, deux ans sous-diacre, trois ans diacre et quatre ans prêtre, peut être élevé à l’épiscopat. Pour ceux qui, n’étant que clercs ou moines, se sont pendant longtemps acquittés de leurs fonctions d’une manière exemplaire et qui paraissent dignes de l’épiscopat, les évêques pourront abréger le temps