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INTERPRETATION DE L’ECRITURE

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peut constater que la plupart, surtout les plus péremptoires, ne vont guère qu’à exclure des interprétations tendancieuses ou erronées, qui mettraient l’Écriture en contradiction flagrante avec elle-même ou avec l’enseignement authentique de l’Église. Il reste, au demeurant, bien des moyens d’échapper à l’erreur, entre lesquels la proscription de celle-ci laisse le choix. A cet égard l’analogie de la foi ne peut guère fournir qu’une direction générale que les lois de l’herméneutique serviront ensuite à préciser.

Théologiens et exégèles sont d’accord sur la portée qu’il convient, en dernière analyse, d’attribuer à cette règle. « Comme norme négative, pour écarter un sens erroné, l’analogie de la foi se suffit à elle-même ; mais, s’il s’agit d’en faire une norme positive, on n’avancera ici qu’à bon escient, avec toutes les précautions commandées par la nature même du procédé. » A. Durand, loc. cil., col. 1834. Franzelin aboutit à une semblable conclusion : « La règle de foi se recommande comme canon nécessaire et universel de l’interprétation des Écritures aussi bien que de toute autre science, si on comprend ce canon dans un sens seulement négatif. Il ne faut pourtant pas le donner sans distinction comme canon positif, en ce sens qu’il serait une source d’où l’on puisse tirer toutes les vérités de la science humaine ou l’interprétation de tous les passages de l’Écriture. » Op. cit., p. 223.

Enfin il y a lieu d’appliquer à l’analogie de la foi ce qui est vrai pour tous les arguments d’autorité. S’ils imposent des conclusions, ils ne déterminent pas la manière de les démontrer et ce serait une erreur de confondre leur valeur doctrinale avec leur portée scientifique. Une même idée peut.se présenter sous des formes bien différentes : au point de vue logique, elle peut être plus ou moins explicite et, au point de vue historique, plus ou moins associée à des nuances individuelles d’expression. Autant il serait excessif de sacrifier à ces contingences de forme l’identité du fond, autant il serait illicite d’étendre à celles-là la fixité de celui-ci. C’est dire qu’avec l’analogie de la foi il faut faire entrer en ligne de compte la loi du développement.

On a pu se plaindre qu’elle fût parfois négligée. « Le danger le plus sérieux que la formule actuelle du dogme fait courir à l’interprétation des anciens textes est de méconnaître le développement doctrinal qui s’est fait de l’Ancien Testament au Nouveau et de celui-ci jusqu’à nos jours..Si l’on n’y prend garde, on ne tient pas compte de la distance qui sépare deux textes l’un de l’autre, on voit dans le premier une plénitude de sens qui n’est en réalité que dans le second. » Pour parer à ce « danger », l’exégèle, tout en s’attachant avec raison aux certitudes de la foi, doit se préoccuper de suivre une méthode strictement historique, de manière à ne pas confondre « la signification absolue d’une proposition avec le sens qu’elle pouvait avoir raisonnablement sous la plume de tel auteur, étant donné l’époque et les circonstances où il vivait. » A. Durand, loc. cit., col. 1832-1833.

La même règle s’applique^également aux textes définis par le magistère ordinaire ou extraordinaire.

« Même dans ce cas, observe le P. Lagrange, la critique

pourrait suivre ses méthodes propres. » La méthode historique, p. 18. C’est-à-dire qu’en tenant pour vrai le sens imposé par le nuigistère, elle garde le droit de chercher dans quelle luesure et sous quelle forme il est contenu dans le texte en question. Tout le travail scientifique est là. Le même auteur en cite un exemple frappant. « C’est ainsi, dit-il, que le P. Cornely, auteur classique, après avoir cité dans son introduction le texte de saint Paul aux Romains sur le péché originel, Rom., v, 12, comme défini directement par l’Église, dans sou commentaire de cette Épître écarte la tra duction in qiio récitée par le concile d’après la Vulgate. Commentaire, ud h. loc. » Ibid., note 1. Une fois admise, quand il y a lieu, la certitude de la thèse, cette précision critique de la preuve est tout ce qu’il y a de plus conforme aux principes de l’Église et aux traditions de la saine théologie.

Dans cette voie, on s’est demandé si l’Église, au moins dans certaines circonstances, ne s’attacherait pas à un sens spirituel qui relève des méthodes dogmatiques mais déborde la compétence de l’exégèse. Léon XIII a écrit des auteurs sacrés : « Sous leurs paroles l’Esprit Saint, auteur des Écritures, a caché bien des choses qui dépassent de beaucoup la portée et le regard de la raison humaine : savoir les mystères divins et les multiples éléments qui s’impliquent. Ce sont là des vues plus étendues et plus profondes que ne semble l’indiquer le sens littéral et que les lois de l’herméneutique ne suffisent pas à dégager. » Eue. Prouidenti.ssimus, dans Cavallera, n. 71.

Après avoir relevé ce passage, le P. Lagrange continue :

« Ces paroles seml^lent faire allusion à un sens

en quelque sorte supra-littéral qui ne peut être déterminé que par une autorité compétente… Mais, le saint Père nous le fait remarquer, il peut arriver que cette interprétation dépasse de beaucoup le sens obvie tel qu’il résulterait des règles de l’herméneutique… Et dans ce cas le simple exégète ne pourrait-il pas le faire remarquer ? Il en résulterait qu’en admettant le sens fixé par l’Église, il pourrait constater que ce sens ne résulte pas d’une simple explication littérale du texte pris en lui-même ; que par conséquent l’explication grammaticale du texte pourrait par exemple être différente de la forme donnée par un concile d’après la Vulgate. S’il en était ainsi, on serait frappé d’une harmonie parfaite entre l’enseignement divin infaillible donné au moyen des hommes… et… l’interprétation infaillible de l’Église qui saisirait cet enseignement divin à travers l’élément humain des instruments que Dieu a employés, laissant aux exégètes le soin de le déterminer, en usant eux aussi, et sous sa surveillance, des facultés humaines. Ne seraitce pas l’accord de l’autorité et de la liberté ? » Revue biblique, 1900, p. 141-142.

Celte suggestion que le P. Lagrange rattache à l’Encyclique Providentissimus appuie et complète très à propos la doctrine classique formulée par le cardinal Franzelin : Si qiiando disciplina humanæ interpretalionis scopnm suuin non assequerctur, non ideo sensus ccclesiaslicd definitionc deternnnatus minus certns reddcretur ; sed humanæ scient iæ proderetur dejectus, et scientia ipsa uc benc consulta ndio poslularet ut fatereniiir aliqnid ad veram intelligentiam assequendam ncccssarium nos latere. Op. cit., p. 218.

Au moyen de ces principes et à l’exemple des maîtres qui s’y sont conformés, l’exégète catholique trouvera dans la pleine soumission au magistère de l’Église, tant ordinaire qu’extraordinaire, la direction à la fois large et sûre pour découvrir le vrai sens de l’Écriture sans manquer aux exigences ni de la science ni de la foi. Il lui revient ainsi de vérifier les promesses de Léon XIII : « Par ses règles pleines de sagesse, l’Église ne retarde ni n’arrête nullement les investigations de la science biblique. Tout au contraire, elle la prénaunit contre l’erreur et contribue puissamment à son véritable progrés. Car devant chaque docteur privé s’ouvre un vaste champ où il peut en toute assurance se distinguer dans l’art de l’interprétation et servir utilement l’Église. Pour les endroits de la sainte Écriture qui attendent encore une exposition certaine et définie, il peut, suivant les desseins de la Providence, mûrir, par ses études préparatoires, le jugement de l’autorité ecclésiastique. Quant aux textes déjà définis, il peut également rendre des services, soit en les