Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/544

Cette page n’a pas encore été corrigée
2331
2326
INTERPRETATION DE L’ECRITURE

2338

ment, l’un dans l’humilité, l’autre dans la gloire, les textes et plus encore les faits du Nouveau Testament jettent une lumière décisive.

Il faut en dire autant pour l’abrogation des parties caduques de l’ancienne alliance. Jésus lui-même a marqué, dans le discours sur la montagne, l’opposition de son idéal moral et religieux avec l’esprit ou les pratiques de la Loi, Matth., v, 21-48 ; il a prononcé l’abolition du divorce et ramené le mariage à sa pureté primitive, ibid., xix, 3-10. Après lui, les apôtres ont annulé la circoncision et autres observances légales, proclamé la déchéance du temple et de son rituel. Ces positions fondamentales du christianisme fixent la valeur toute relative de la Loi et interdisent d’en concevoir, soit la perpétuelle conservation caressée par les judaïsants du premier jour, soit a fortiori la restauration rêvée par quelques visionnaires protestants. Ici l’analogie de la foi aboutit à des conclusions péremptoires, parce qu’elle se confond avec le dogme de l’Église et de sa surnaturelle mission.

2. Analogie de la foi biblique.

Sur le terrain plus proprement exégétique, l’analogie de la foi autorise et invite à expliquer les uns par les autres les écrits du Nouveau Testament. Chacun est incomplet et tous se ressentent plus ou moins de leur origine occasionnelle : ce qui interdit d’y chercher une doctrine absolument systématique et arrêtée. D’autre part, tous furent reçus par l’Église comme des expressions variées de la commune foi : ce qui permet de les considérer comme un tout moral, dont les diverses parties sont faites pour se compléter et s’éclairer. La Réforme a voulu étal.’lir entre eux des préférences exclusives conformes à son système doctrinal ; moins dogmatique, mais non moins individualiste, la critique moderne y a cherché des courants et des tendances qu’elle pousse volontiers jusqu’à l’opposition. Avec un sens plus exact des réalités, l’Église reconnaît l’identité fondamentale de leur inspiration et les reçoit dès lors comme un témoignage de ses croyances et un moment de sa vie. Cette conviction prescrit au théologien de ne jamais admettre aucune interprétation susceptible de rompre le lien de solidarité historique et religieuse qui les unit.

La commission biblique a consacré le principe de cette méthode, lorsque, pour déterminer le vrai caractère de l’enseignement cschatologique dans saint Paul, elle invite à faire entrer en ligne de compte, avec le dogme de l’inspiration et ses conséquences, la notion exacte de l’apostolat et la fidélité incontestable de l’apôtre aux doctrines du Maître, puis encore les textes de ses Épîtres où il se conforme au langage du Seigneur. Décret du 18 juin 1915, Denzinger-Bannwart, n. 2180. Ce qui revient à mettre saint Paul d’accord avec lui-même et avec la position générale de témoin qu’il adopte partout à l’égard de l’Évangile. Ainsi faut-il maintenir qu’il n’y a rien dans son enseignement qui ne concorde parfaitement avec cette ignorance du jour du Seigneur que le Clirist lui-même proclamait être le lot des hommes ici-bas. La solution du problème très actuel des rapports entre Jésus et Paul tient pour une large part à une application généralisée de cette analogie de la foi néo-testamentaire et de même en est-il pour la relation de nos trois Synoptiques avec l’Évangile de saint Jean.

11 n’est pas jusqu’à certaines questions de critique textuelle qui ne puissent être tranchées par là. Le P. Lagrange en donne un exemple tout à fait précis.

« Serait-ce d’un bon critique d’admettre comme génuine

la leçon du sinaïtique Lewis (de Matth., i, 10), à supposer qu’elle compromette la conception surnaturelle de Jésus ? Je ne parle même pas de l’opposition de tous les autres endroits. Je dis qu’un pareil texte n’a pas pu naître dans l’Église à l’origine. Nous ne devons, en effet,

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

jamais perdre de vue les rapports réciproques de l’Écriture avec l’Église, de l’Église avec l’Écriture. Un texte authentique des apôtres faisait loi ; mais par cela même il devenait donc la foi de l’Église. Un texte dont l’authenticité n’était pas certaine — à supposer qu’il put prévaloir, comme l’admettent certains critiques — c’était donc qu’il était conforme à ce qu’on croyait déjà. » La méthode historique, p. 19-20. Ici l’affirmât ion nette de la conception virginale dans tous les textes évangéliques prouve à elle seule que la leçon divergente du manuscrit Lewis n’a pas d’autre portée que celle d’un accident isolé.

On invoque un semblable critère pour établir l’authenticité, dans le récit de la Cène au troisième Évangile, des versets 196-20 omis par le Codex Bezee et quelques autres manuscrits. Leur présence ferme dans tous les manuscrits grecs connus fait légitimement conclure à un accident de la tradition occidentale. Mgr Batiffol, U Eucharistie, 5e édition, Paris, 1913, p. 121-126 et Mgr Ruch, art. Eucharistie, t. v, col. 2063-2064. Sous cet empirisme de la critique textuelle se trouve latent le principe qu’un texte obscur ou coirtesté ne saurait prévaloir contre les textes formels où s’accuse en traits précis la primitive tradition.

A plus forte raison l’analogie de la foi est-elle de mise en matière d’interprétation théologique. « On regardera donc saint Joseph comme le père putatif, et non comme le père réel de Jésus, conçu d’une vierge par l’opération du Saint-Esprit. » Mgouroux-Brassac, Manuel Biblique, U" ; édition, Paris, 1917, t. i, p. 254. La parole : Pater major me est, Joa., xiv, 28, doit être accordée avec cette autre non moins formelle : Ego et Pater unum sumas, x, 30. Ce fut à maintenir et combiner les deux que consista le principal effort de la christologie orthodoxe contre l’exclusivisme arien. De même les passages où s’énonce l’unité divine ne sauraient entrer en conflit avec ceux qui affirment la multiplicité des personnes, et vice versa. A l’encontre de l’ancien modalisme ou de l’unitarisme moderne, tous s’harmonisent dans le dogme chrétien de la Trinité.

C’est surtout la controverse protestante, avec sa tendance à jouer des Écritures comme d’une arme contre la tradition catholique, qui a donné lieu à de fréquentes applications de l’analogie de la foi. Le luthéranisme primitif se plaisait à mettre en opposition saint Paul et saint Jacques sur la justification. Seul l’esprit de système prétendrait immoler les œuvres préconisées par celui-ci à la foi réclamée par celui-là, quand il est élémentaire de les synthétiser en une harmonie supérieure, dont chacun d’eux contient du reste les éléments. Il est pareillement chimérique et tendancieux d’opposer le magistère unique du Christ, Matth., xxiii, 10, à la mission d’enseignement dévolue aux apôtres, ou les pouvoirs collectivement distribués aux douze, Matth., xviii, 18, à la primauté personnelle de Pierre, ibid., xvi, 18-19. Le sacerdoce universel dont il est question dans I Petr., ii, 5, 9 et Apoc, i, 6 ne peut s’entendre que d’un point de vue mystique, dès là qu’il appert que les fonctions proprement sacerdotales sont réservées aux apôtres et à ceux qui ont reçu d’eu.x l’imposition des mains.

Beaucoup moins encore peut-on admettre une con^ tradiction chez le même auteur. Ainsi la fameuse exception nisi ob fornicationem, Matth., xix, 9, ne saurait-elle autoriser le divorce, qui est formellement exclu quelques lignes plus haut comme contraire au plan divin primitif, t 4-6. Il est également contre toute méthode de vouloir réduire la sotériologie entière de l’Évangile au pardon gratuit qui s’affirme dans les paraboles, quand Jésus lui-même parle ailleurs de sa mort comme d’une rançon donnée pour nous, Matth., XX, 28, ou d’un sacrifice offert pour nos péchés, ibid., XXVI, 28. Et si saint Paul parle d’achever dans sa

VIL

74