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INTERPRETATION DE L’ÉCRITURE
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dogmatis régulas inlerprelentur. Commonitorium, 27, P. L., t. L, col. 674. Aussi le même saint Augustin se faisait-il une règle d’écarter comme faux, dans les traités scientifiques de son époque, quidqiiid… his noslris litteris, id est catholicæ fldei, conlrarium proliierint. De Gen. ad litt., ]. I, c. xxi, n. 41. P. L., t. xxxn’, col. 262. Il préférait supposer une erreur de copiste ou se déclarer incapable de comprendre plutôt que d’admettre aliquid… quod videatur conlrarium veritali. EpisL, lxxxii, 1, 3, P. L., t. xxxiii, col. 277. Ou bien, guidé par le même principe, il avait recours au sens figuré : quidquid in sermone divino neque ad morum honestatem neque ad fldei verilatem proprie referri potest, fig.ralum esse cognoscas. De doctr. christ., t. III, c. x, n. 14, P. L., t. xxxiv, col. 71. Cette fidei Veritas, cette catholici dogmatis régula ne sont pas autre chose que ce que la théologie moderne devait traduire en termes techniques par l’analogie de la foi.

La raison théologique de cette règle est fort bien dégagée par Léon XIII. « Étant donné que les livres saints et la doctrine déposée dans l’Église ont le même Dieu pour auteur, il ne peut se faire qu’on tire de ceux-là, par voie de légitime interprétation, un sens qui contredise gelle-ci. D’où il suit, continue le pape par manière de conséquence, qu’il faut rejeter comme inexacte et fausse toute interprétation qui aboutit à mettre les écrivains inspirés en conflit quelconque, soit entre eux, soit avec la doctrine de l’Église. » Cavallera, Thésaurus, n. 73 et Denzinger-Bannwart, n. 1943.

Ces principes s’imposent tellement bien à l’exégète croyant que, parmi les premiers protestants eux-mêmes, quelques-uns faisaient profession de ne pas s’en écarter, lllam dumtaxat interpretationem pro orihodoxa recipimus, quæ ex ipsis Scripturis est petila… cum régula fldei et caritatis congruit et ad gloriam Dei hominumque salutem eximie facit, proclamait la deuxième confession helvétique. Niemeyer, Collectio confessionum, Leipzig, 1840, p. 469. Les presbytériens d’Ecosse affirmaient en termes tout semblables : Nullam interpretationem admittere audemus. quæ alicui principali articulo fldei aut alicui piano textui Scripturæ aut caritatis regulæ répugnât. Conf., Scotica, i, 18, ibid., p. 351.

Déclarations tendancieuses et quelque peu contradictoires, quand il s’agissait de vérifier un système doctrinal censément fondé sur l’Écriture seule. Les controversistes catholiques ont bien relevé la pétition de principe qu’elles recelaient, sans en méconnaître l’inspiration traditionnelle. « Ceux-ci désirent traiter les Écritures suivant l’analogie de la foi réformée : nous, suivant l’analogie de la foi qui s’est continuée depuis les apôtres jusqu’à nous. Ceux-ci, suivant l’analogie établie par les confessions des Églises réformées de France ; nous, suivant l’analogie des confessions garanties par le consentement unanime des Pères. » Walenburg, De controv., i, 4, 1, dans Migne, Theologiæ cursus, 1. 1, col. 1043.

Au point de vue scientifique, l’analogie de la foi rentre dans une loi générale bien mise en évidence par le P. Lagrange : « Nous suivons une excellente méthode en pratiquant la critique sans jamais perdre de vue l’autorité de l’Église, parce que la règle même de la critique c’est de tenir compte du milieu, et que l’Éghse est précisément le milieu où a paru l’Écriture, La méthode historique, Paris, 1903, p. 19, et aussi, faut-il ajouter, le milieu où l’Écriture n’a cessé de vivre et de fructifier. D’après les seules vraisemblances humaines, c’est en se jetant en plein courant du fleuve qu’on a toutes les chances de recueillir les eaux de la source, tandis que vouloir chercher celle-ci sans tenir compte de celui-là est toujours une entreprise risquée et que prétendre les mettre en opposition ne saurait être qu’un paradoxe aussi fragile que séduisant.

Ce n’est pas que l’a priori ne puisse entraîner des abus. « Que l’exégèse traditionnelle se soit parfois laissé conduire par des préoccupations dogmatiques, et qu’à cause de cela elle ait méconnu le sens et la portée du texte ; qu’elle soit devenue, çà et là, tendancieuse et polémique à l’excès, c’est un fait que l’apologiste doit reconnaître. Du moins, peut-il plaider ici les circonstances atténuantes. » A. Durand, loc. cit., col. 1830. Et si c’est une raison pour montrer dans les applications le discernement nécessaire, ce n’en est pas une pour abandonner une règle que la tradition catholique et la méthode scientifique s’accordent à justifier.

Quelques exemples.

Plus encore que pour le consentement des Pères, les auteurs sont généralement discrets quand il s’agit de montrer des exemples où s’applique l’analogie de la foi. Sous le bénéfice des mêmes réserves que précédemment, on essaiera d’en indiquer ici quelques-uns.

1. Interprétation de F Ancien Testament par le Nouveau. — On peut d’abord y faire entrer, au moins dans une certaine mesure, l’interprétation de l’Ancien Testament pai" le Nouveau. C’est le cas ou jamais de se rappeler qu’il y a continuité dans le développement providentiel de la révélation, à tel point que, d’après saint Thomas, quoad substantiam articulorum fidei, la foi des anciens était identique à la nôtre. Sum. th., IP Use, q. I, art. 7. Novum Testamentum in Veteri latet. Vêtus in Nova patet : cet adage augustinien a toujours été de règle dans l’Église. Les Évangiles et les écrits apostoliques attestent que le Christ et ses premiers disciples n’eurent rien plus à cœur que de relier la nouvelle économie à l’ancienne. Jésus déclare être venu pour « accomplir » la Loi, Matth., v, 17 ; il sait que les Écritures lui rendent témoignage, Joa., v, 39 ; d’une manière plus générale, saint Paul enseigne que tout l’Ancien Testament tend vers le Christ : Finis legis Christus, Rom., x, 4, et l’épître aux Hébreux y trouve « l’ombre des biens à venir ». Hebr., x, 11.

De cette conviction fondamentale est issu tout un dossier d’interprétations messianiques, commencé par Jésus lui-même, élargi par les Évangéhstes, achevé par les premiers apôtres, dans le but de justifier par l’Ancien Testament la personne et l’œuvre du Sauveur. Personne ne conteste que, dans l’ensemble, le Nouveau Testament ne soit la clé de l’Ancien. « Il est aisé de constater, l’histoire en main, l’unité profonde de l’action divine mettant tout en œuvre pour conserver ce monothéisme qui doit être la religion de toute la terre et pour en préparer la diffusion. Il est aisé de saisir les liens qui unissent les deux Testaments comme les deux parts d’un seul et même tableau. » J. Touzard, art. Juif (peuple), dans Dictionnaire apologétique, t. II, col. 1650. Mais avant d’étendre cette certitude à tous les détails, il faut se rappeler que « l’exégèse des auteurs du N. T. ne présente aucun caractère qui soit réellement nouveau ; elle a seulemept accentué certains traits de l’exégèse communément reçue des Juifs et pratiquée par le Christ en personne. » Ainsi font-ils tous « au sens spirituel une large place » et saint Paul, en particulier, porte la marque de son éducation rabbinique : d’où il arrive que « le raisonnement perde parfois quelque peu de sa portée absolue. » A. Durand, loc. cit., col. 1817-1819.

En négligeant les traits qui peuvent tenir aux méthodes exégétiques du temps, il reste néanmoins incontestable que le christianisme dégage et précise les grandes lignes de l’économie religieuse qui l’avait préparé, que, dès lors, le Nouveau Testament nous aide à déchiflrer la signification de l’Ancien. Sur la notion du Dieu unique, Père des hommes et Providence du monde ; sur le caractère spirituel et universel du royaume promis aux vrais fils d’Abraham ; sur la venue du Messie Rédempteur et son double avène-