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INTERPRETATION DE L’ÉCRITURE

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ment que le P. Lebre’.on porte en liistorien sur les fondements patristiqufe de la doctrine de saint Thomas quant à la science humaine du Christ, à propos de Marc, xni, 32. « C’est une théologie fondée sur une tradition très authentique et dont le témoignage, depuis le aie siècle du moins, est sur les points essentiels moralement unanime. » Les origines du dogme de la Trinité, 4e édit., Paris, 1919, note C, p. 543-544. Il s’en suit donc qu’avant le viie siècle cette unanimité n’existait pas, voir ibid., p. 515. La précédente édition du même ouvrage, p. 449-458, marquait mieux la diversité des interprétations anciennes sur ce point. Dès lors, la question se pose de savoir si l’on peut encore s’en tenir aux positions des Pères du ivo et du ve siècle ou s’il faut accepter l’exégèse des âges suivants. La règle tirée du consentement des Pères ne peut toute seule en décider.

Il reste que l’exégète comme le théologien catholique doit avoir à cœur de connaître exactement la tradition patristique et, pour autant que la foi est en cause, de se conformer en toute loyauté à son enseignement.

5 » Aulnriié des autres commentateurs. — Jusqu’ici il n’a été question, suivant les ternies stricts des décrets conciliaires, que des Pères proprement dits. Qu’en est-il des commentateurs plus récents ? v A mtsure qu’ils s’éloignent des origines, ils ont de moins en moins qualité pour être des témoins de la foi même. On ne peut oublier cependant, même mise à part leur valeur scientifique, qu’ils expriment dans une certaine mesure la tradition de l’Église. C’est à ce titre que Léon XIII invite l’exégète catholique à en tenir compte. « Leur autorité assurément est moindre (que celle des Pères). Étant donné cependant que les études bibliques ont suivi dans l’Église un progrès continu, il faut accorder également à leurs commentaires l’honneur qui leur est dû. On peut y trouver beaucoup d’éléments très heureux pour résoudre les objections ou débrouiller les points difficiles. » Enc. Providentissimus. Denzinger-Bannwart, ii. 1945.

En pratique, « il faut garder son indépendance visà-vis des auteurs et n’accepter leurs explications que si elles sont conformes aux règles de la critique et de l’herméneutique. Il ne faut pas s’attacher obstinément à un interprète en particulier, mais consulter les principaux et les comparer entre eux. En agissant de cette façon, il sera difficile de ne pas y trouver quelque profit. Les divergences que l’on remarquera entre leurs opinions seront elles-mêmes fort utiles ; car elles forceront à réfléchir. » Trochon, op. cit., p. 522. Dans les diverses disciplines humaines, les travailleurs ne suivant pas d’autres principes à l’égard des spécialistes qui les ont précédés.

^, L’Église met très justement ses fidèles en garde contre les commentateurs hétérodoxes, sans méconnaître toutefois les services qu’ils peuvent rendre à qui les consulte avec la prudence voulue. Cette précaution s’impose surtout à l’égard des protestants, dont les travaux bibliques, pour importants qu’ils puissent être, restent si souvent tendancieux. » Il est particulièrement inconvenant, a dit Léon XIII, d’ignorer ou négliger les œuvres remarquables que les nôtres nous ont laissées en abondance pour leur préférer les livres des hétérodoxes, au péril de la saine doctrine et souvent même au détriment de la foi. Enc. Providenlissimus, ibid., n. 1945.

S’inspirant de ces principes, le décret Lamentabili a condamné la proposition suivante : Ilelerodoxi exegetae fidelius expresserunt sensum verum Scripturarum quam cxegetæ callwlici. Prop. 19, Denzinger-liannwart, n. 2019. Toutes choses égales d’ailleurs, il est certain que les exégètes catholiques, parce que fils dociles de l’Église, sont plus qualifiés pour interpréter le vrai sens

des Écritures qui sont un bien d’Église, tandis que les adversaires restent exposés à l’esprit de secte ou aux caprices du libre examen. Ce qui n’empêche pas qu’on ne puisse utilement les consulter en matière de philologie, de critique et d’histoire, où leur compétence scientifique peut beaucoup servir à mieux entendre le texte sacré. Cornely, op. cit., p. 612-613.

m. Règles auxiliaires : L’analogie de la foi. — Bien qu’elle ne soit pas expressément mentionnée par les conciles de Trente et du Vatican, cette troisième règle n’en doit pas moins être comprise dans le magistère ordinaire de l’Église.

Signification de cette règle.

Mot à mot, l’expression

« analogie de la foi » est prise de saint Paul, qui,

parmi les divers charismes répartis aux chrétiens, signale en premier lieu TtpocpTjTeîavxaTà tyjv àva^oyCav Tvjç TiCaTeoç, Rom., xii, 6 : texte que laVulgate a traduit par prophetiam secundum ralionem ftdei Par où l’apôtre entend sans doute cette sorte de prophétie qui se conforme au caractère de la foi et a pour but de la commenter au lieu de la détruire, à la différence de celles qui diraient anathème à Jésus, I Cor., xii, 3. Telle est du moins l’interprétation des théologiens récents. Cornely, In Rom., p. 656.

Quoi qu’il en soit de sa signification originelle, l’analogie de la foi est devenue un terme d’école pour signifier la solidarité qui unit entre elles les vérités chrétiennes. Son acception dans ce sens paraît d’ailleurs avoir été assez tardive ; mais elle est acquise au moment de la Réforme et la controverse contribue à la propager. Car cette formule a la chance d’être acceptée dans les deux camps. Voir Bellarmin, De verbo Dei, m, 10, édit. Vives, t. i, p. 190, qui la recueille chez les protestants, et les frères Walenburg, De controv., i, 4, 1, dans Migne, Theologiæ cursus, t. i, col. 1043. Depuis longtemps elle a pénétré dans tous les manuels, où elle tient une place plus ou moins grande, plus ou moins explicite, au traité De locis Iheologicis.

Sous ce nom on désigne, non plus le rapport de la foi avec son objet transcendant, voir Analogie, t. i, col. 1142-1154, mais la cohésion intime du christianisme, due à l’harmonie de ses dogmes entre eux. C’est dans ce sens que le concile du Vatican a parlé, dans un contexte où il est précisément question d’analogie, du my.steriorum ipsorum nexii inter se et cum fin", hominis ullimo. Const. Dei Filius, cap. iv, Denzinger-Bannwart, n. 1796. L’étude de ce nexus est une des ressources que le concile olïre aux théologiens pour acquérir l’intelligence de la foi et l’on sait que ceux-ci en ont toujours usé pour établir, soit la synthèse générale des dogmes chrétiens, soit l’analyse spéciale de chacun. Cette méthode se justifie par un postulat dogmatique élémentaire, savoir que la révélation, étant l’œuvre du Dieu de vérité, doit porter en elle la marque suprême du vrai, c’est-à-dire l’unité logique de ses éléments constitutifs, de telle façon que notre raison, puissance de vérité parce que fille de Dieu, a le droit et le devoir d’en découvrir la loi.

On peut chercher l’analogie de la foi, soit dans l’ordre scripturaire, soit dans l’ordre proprement dogmatique. Dans le premier cas il s’agit de comparer entre eux les divers livres de l’Écriture, pour retrouver l’unité profonde qui les régit au nom de leur origine divine et de leur commune inspiration. En termes d’école, on obtient ainsi l’analogie de la foi biblique. C’était la méthode favorite des anciens protestants, pour qui la Bible est la source unique de la révélation. Sans la dédaigner entièrement, les théologiens catholiques la complètent en rapportant l’Écriture elle-même à l’enseignement de l’Église, celle-ci ayant mission, en tant que source prochaine de la foi, d’interpréter celle-là, qui n’en est que la source lointaine. C’est_alors^proprement l’analogie de la