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INTERPRETATION DE L’ECRITURE

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est vrai qu’il n’est pas une seule de ces vérités qui ne soit attestée par ailleurs et dont, par suite, on puisse dire qu’elle dépende strictement de l’interprétation de ces textes. Cependant la tradition exégétique est assez ferme sur ces points pour qu’il semble bien qu’on ne puisse rompre avec elle sans quelque apparence de témérité.

Plus topique sans doute est l’accord des Pères à voir la création ex nihilo dans le premier verset de la Genèse. Voir Hurter, Theol. dogm. compendium, Inspruck, 10e édit., 1900, t. ii, p. 203 et Création, t. iii, col. 20460uHexaméron, t.vi, col. 2347. Car il s’agit ici d’une vérité qui découle de la notion de Dieu et qui put appartenir dès lors à la première forme de la révélation. De fait, tout le monde s’accorde à en faire une des caractéristiques de la religion juive A plus forte raison doit-on en dire autant de l’exégèse qui voit dans les premiers chapitres de la Genèse l’élévation de l’humanité à un état vraiment surnaturel, accompagnée de l’épreuve et suivie de la chute. Le dogme du péché originel postule la réalité historique et la signification traditionnelle de cet antique et unique témoignage. Ces divers points ont été précisément consacrés par le décret de la Commission biblique en date du 30 juin 1909. Denzinger-Bannwart, n. 2123.

Le Nouveau Testament est pour nous une source beaucoup plus riche et plus directe de révélation. Aussi avons-nous vu que le souci de veiller sur l’origine de certains dogmes particulièrement contestés a inspiré plusieurs actes du magistère ecclésiastique. Ces décisions furent précédées et préparées par l’enseignement traditionnel du magistère ordinaire, auquel le concile de Trente se réfère ex professa, Denzinger-Bannwart, n. 874 et 938, et tout de même le concile du Vatican, ibid., n. 1822.

On peut également citer quelques exemples de textes, non encore canoniquement interprétés par l’Église, où le sentiment des Pères semtile bien réunir toutes les conditions pour s’imposer d’une manière indiscutable. Ainsi en est-il pour la consubstantialité du Verbe au Père dans Joa., i, 1, Trochon, op. cit., p. 521, ou encore pour la connaissance naturelle de Dieu dans Rom., i, 20-21 et pour l’universalité d’un minimum de conscience morale chez tous les hommes, Rom., II, 14-15. La tradition a fixé de même ce qu’il pourrait y avoir d’un peu incertain dans les déclarations évangéliques sur le feu éternel. Voir Hurter, t. III, p. 592-598. Elle a explicité la pleine portée des paroles : Hoc est corpus meiim en invitant à y lire la transsubstantiation, que certains scolastiques, Scot notamment, ne trouvaient pas suffisamment exprimée dans le texte seul. Voir Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 314. Aux pseudo-mystiques qui attendaient la révélation du Saint-Esprit pour remédier à la corruption de l’Église, on a toujours opposé les promesses du Christ, Matth., xvi, 18, comme signifiant l’indéfectibilité autant que l’infaillibilité. Nul doute qu’il n’y eût une véritable imprudence à ne pas voir le sacrement de confirmation dans l’imposition des mains mentionnée par Act., viii, 17 et xix, 6. Les subtiles échappatoires de l’augustinisme se heurtent à la grande tradition catholique, qui a toujours entendu la parole de l’apôtre : Deus vult omnes homines saloos fieri, ITim., ii, 4, d’une volonté effective en Dieu de fournir à tous les hommes les moyens suffisants du salut. Voir Hurter, t. ii, p. 81-82.

Chacun de ces cas et autres similaires doit faire l’objet d’un examen approfondi. Mais ces exemples suffiront sans doute à montrer que le consentement unanime des Pères en matière d’exégèse doctrinale est encore une règle qui a un sens, au moins à titre subsidiaire, à côté du rôle principal qui revient au magis tère officiel de l’Église. Pour diffuse et parfois flottante qu’en puisse être l’expression, cette forme du magistère ordinaire est aussi pour l’exégète catholique, non seulement une autorité dont il doit tenir compte, mais une source dont il peut tirer parti.

Valeur de cette règle.

En théorie, cette règle possède, comme la précédente, une valeur positive aussi bien que négative. Le consentement des Pères, n’étant, quand il se présente dans les conditions requises de précision et d’unanimité, qu’un aspect du magistère ecclésiastique, il ne suffit pas d’éviter de le contredire : il faut le considérer comme apte à nous fixer sur le vrai sens des Écritures et donc suivre ses indications, sous peine de manquer à l’esprit même de l’Église.

Mais, à le considérer d’un point de vue pratique, il faut bien reconnaître que les services de ce magistère ordinaire ne sauraient égaler ceux du magistère extraordinaire. Sa nature même l’empêche d’avoir jamais la même netteté. Franzelin en fait justement la remarque. « De même que le pontife romain et le concile peuvent définir le véritable sens d’un texte, le sentiment de l’Église se manifeste dans le consentement unanime des Pères, quand ils s’accordent tous, certa et definita sententia, dans l’interprétation d’un passage dogmatique ou moral. Cependant la première manière fait ressortir le sentiment ecclésiastique plus clairement et plus facilement que la seconde. » De divina trad. et Script., p. 218-219. On ne peut, en effet, vraiment connaître la tradition patristique qu’au prix d’une enquête toujours longue et dont le résultat est parfois loin d’être clair. Ce défaut tient au caractère propre du magistère ordinaire et se retrouve en toute autre matière doctrinale sur laquelle on veut interroger son témoignage ; il est seulement accru ici d’un degré, à raison de la précision même de l’objet sur lequel on lui demande de se prononcer.

Il faut ajouter que les conditions indispensables auxquelles il est soumis se trouvent, quand on y regai’de de près, moins souvent réunies qu’on ne pourrait le croire. Or l’absence ou l’insuffisance d’une seule en infirme la valeur, suivant l’adage : Bonum ex intégra causa, malum ex quocumque defectu. A supposer qu’on puisse arriver à une certitude spéculative, il suffit que subsiste une raison de douter, même dénuée de fondement, pour que la règle perde en fait son efficacité. Seule une décision officielle peut exclure toutes les hésitations, tandis que le consentement des Pères reste toujours, comme on le fit observer au concile du Vatican, un critère relevant du jugement privé et qui ne porte pas en lui-même de quoi s’imposer en cas de contestation. Aussi a-t-on pu dire que, « pratiquement, le recours aux commentaires des Pères de l’Église fournit le plus souvent une direction plutôt qu’une règle de foi. » A. Durand, loc. cit., col. 1839. « On pourrait même soutenir, comme règle pratique, que l’exégète catholique qui respecte les termes des deux conciles ne peut être convaincu de manquer à cette règle qui dérive des principes généraux que si ses adversaires font réellement la preuve, au lieu d’alléguer vaguement : tous les Pères… qu’ils n’ont pas lus. » Lagi’ange, loc. cit., p. 141.

C’est surtout le cas pour les questions nouvelles que la controverse fait surgir ou qu’on peut croire n’avoir pas été envisagées par les Pères sous le même jour.

« Môme dans le cas où le commentaire traditionnel des

anciens se présente avec un caractère dogmatique bien défini, s’il s’agit de questions controversées aujourd’hui entre catholiques, une intervention de l’Église sera le plus souvent nécessaire pour le faire accepter de tous. » A. Durand, ibid., col. 1840. Et l’on peut en dire autant des textes pour lesquels la tradition d’abord hésitante a fini par se fixer. Témoin le juge