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INTERPRETATION DE L’ÉCRITURE

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Voilà pourquoi, dans les gloses qui accompagnaient le premier schéma de la constitution De Fide, Franzelin parle d’un iinanimis consensus Patriim non opinando sed certa ac firma sententia opinantium. Coll. Lac, t. vii, col. 523. Le P. Cornely précise quelques cas où cette condition n’est pas vérifiée. « S’ils parlent d’une manière hésitante ou hypothétique, s’ils exposent comme probables diverses explications du même texte, s’ils touchent à un texte seulement en passant et sans en marquer la signification avec soin, ils ne jouent plus le rôle de témoins, mais de docteurs privés. … Il peut se faire aussi que les Pères soient unanimes à rejeter une certaine explication, mais qu’ils diftercnt entre eux sur l’exégèse positive du texte. Dans ce cas, il est clair que nous n’avons pas le droit d’admettre l’explication rejetée, mais que nous sommes libres de suivre pour la solution une voie différente de la leur. » Op. cit., p. 612.

5. Enfin il ne suffit même pas de vérifier isolément ces deux dernières conditions, il faut qu’elles soient réalisées simultanément. Le consentement des Pères doit présenter une exégèse ferme, et non seulement sur un objet de foi ou de mœurs, mais qui soit donné expressément comme tel et comme contenu dans tel texte donné. « C’est la circonstance la plus difficile à déterminer, mais aussi celle qui, malheureusement, retient le moins l’attention des auteurs. » A. Durand, loc. cit., col. 1839.

Il n’en est pourtant pas de plus nécessaire. Car si les Pères n’établissent pas une connexion directe et réfléchie entre telle interprétation scripturaire et telle affirmation doctrinale, nous n’avons pas le droit de l’établir en leur nom. On peut toujours, dans ce cas, supposer que l’uniformité de leur interprétation est due à des tradition ; d’école ou à toute autre cause accidentelle, que leur témoignage doctrinal provient d’autres sources et ne s’appuie sur le texte en question qu’à titre subsidiaire et scientifique. Il en va autrement lorsqu’ils font reposer expressément sur tel texte ou tel fait la foi même de l’Église. C’est dans ce sens que s’exprime Léon XIII. « Il faut soigneusement discerner dans leurs interprétations ce qu’ils enseignent en réalité comme appartenant à la foi ou tout à fait connexe avec elle, quienam reapse tradanl tamqiiam spectantia ad fidem aut cumea maxime copulata.t Enc. Providentissimus, Denzinger-Bannwart, n. 1948.

Suivant que cette connexion est plus ou moins marquée, divers cas se présentent. « Il nous semble qu’un fait peut avoir avec le dogme une connexion plus ou moins claire. Il est clair aussi qu’un fait peut être connexe avec le dogme sans que cette connexion soit nécessaire… Enfin un fait peut paraître certainement historique à une époque sans l’être en réalité. Ceci posé, il peut se faire que les Pères aient considéré un récit comme historique en notant clairement sa connexité avec le dogme : si le fait n’était pas réel, le dogme n’existerait pas. Il est clair que, dans ce cas, le consentement des Pères oblige, non seulement à recevoir l’enseignement dogmatique, mais aussi à admettre l’objectivité du fait. Mais il se peut aussi que tous les Pères qui ont traité d’un récit l’ont considéré comme historique pour des raisons indépendantes d’une connexité nécessaire entre les faits et le dogme… Les Pères ont suivi ici, non pas le sens de l’Église, mais le sens critique du temps. » Ces distinctions que le P. Lagrange, Revue Biblique, 1900, p. 140-141, énonce à propos des récits ou faits dogmatiques peuvent et doivent s’appliquer à toute autre espèce d’interprétation.

Ainsi les Pères anciens lisaient dans Prov., viii, 22, d’après la traduction des Septante : Kûpioç èy.ziaé [j-S et, pour répondre à l’objection des Ariens, apphquaient généralement ce texte au Verbe en tant

qu’incarné. Apologétique de circonstance et qui reposait même sur une version inexacte. En supposant donc qu’il faille prendre à la lettre ce qu’en dil Tournely : Patres unanimiter hune locum intelligunl de Sapientia incarnala, d’après le témoignage d’Eusèbe au concile de Nicée, dans Gélase de Cyzique, iîi’s^ conc. Nic., ii, 18, P. G., t. lxxxv, col. 1265, on ne saurait conclure d’une exégèse dont le caractère relatif est aussi évident que ce texte est dogmatiquement interprété, beaucoup moins encore invoquer cette interprétation, comme on a voulu le faire, en faveur de la thèse scotiste sur la priorité de l’Incarnation. Voir P. Chrysostome, Le motif de rincarnalion. Tours, 1921, p. 60-66.

Quand l’une ou l’autre de ces cinq conditions vient à faire défaut, le consentement des Pères ne peut plus s’imposer d’une manière absolue. Sans doute, suivant la remarque de Léon XIII, « il faut faire grand cas de leur opinion, alors même qu’ils se prononcent en ces matières comme docteurs privés » Enc. Providentissimus, dans Cavallera, Thésaurus, n. 75. Car ils se reconimandent à nous tant par leur science que par leur sainteté. Mais ce ne sont là que des titres humains et qui n’interdisent pas la discussion, si elle est raisonnablement motivée par ailleurs. La Commission biblique réserve formellement la liberté de l’exégèse, à propos des premiers chapitres de la Genèse, in interprelandis illis horum capitum lacis quos Patres et Doctores diverso modo intellexerunt, quin certi quippiam deflnitique tradiderint. Décret du 30 juin 1909, dub.iv, Denzinger-Bannwart, n. 1924. On reste dans l’esprit de l’Église et dans la ligne de la bonne théologie en appliquant à des cas analogues le principe officiellement posé pour ce cas particulier.

3 » Quelques exemples. — « Si le nombre est très petit des textes dont le sens a été défini par l’Église, ils sont moins nombreux encore, saut erreur de notre part, ceux dont l’explication est garantie par l’accord unanime des Pères." Cornely, op. cit., p. 615. Cf. Lagrange, toc. cit., p. 140 et Vacant, op. cit., t. i, p. 552. Voir col. 2317. La raison de ce fait paraît double. C’est que, d’une part, les décisions du magistère officiel s’étant de plus en plus multipliées au cours des âges, la place se fait d’autant plus restreinte à l’exercice isolé de cette forme du magistère ordinaire. D’autre part, celui-ci, par sa nature même, peut difficilement avoir une autorité décisive, sauf sur les points essentiels de la foi, tant qu’un enseignement formel de l’Église n’est pas intervenu.

C’est sans doute pour ce motif qu’on se contente le plus souvent d’énoncer la règle sans entreprendre d’en montrer l’application. Sous peine d’énoncer un principe en l’air, il faut cependant essayer de voir quelques cas où il ait chance d’entrer en jeu. Une enquête à travers le dossier scripturaire de la théologie courante en fait apparaître quelques-uns, dont l’importance et la certitude sont d’ailleurs fort inégales. Aussi les exemples cités le seront-ils surtout à titre d’indication, sans qu’on prétende en épuiser la série ni interdire d’en contrôler la valeur.

Un certain nombre de textes de l’Ancien Testament sont à peu près unanimement invoqués en faveur de certains dogmes du Nouveau. Ainsi le Protévangile, Gen., III, 15, est regardé comme contenant la première promesse d’un rédempteur ; la conception virginale du Sauveur est établie sur l’oracle d’Isaïe, vii, 14 : Ecce virgo concipiet ; le chapitre lui du même prophète est appliqué à la passion du Christ et au caractère expiatoire de ses souffrances ; les descriptions de la sagesse, Prov., viii-ix et Eccli., xxiv, au Fils éternel de Dieu ; le texte de Malachie, i, 11, au sacrifice eucharistique ; le fait de la prière pour les morts dont témoigne IIMacch., xii, 43 sq., à l’existence du purgatoire. Il