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INTERPRETATION DE L’ÉCRITURE


Supernse majestalis, qui termine le cinquième concile de Latran, le pape L(^on X, s’adressant à tous ceux qui evangelicam verilaiem populum docturi essent, leur demande ul…S.Scripturam juxla declarationem, inlerpretalionem et ampliationem doclorum qiios Ecclesia vel usus diulurnus approbavil explanareni. Mansi, t. XXXII, col 946.

L’Église elle-même, dans les grandes circonstances, se conforme fxoressément à ce principe. Avant de condamner la tausse interprétation donnée par Olivi de Joa., XIX, 33 sq., le pape Clément V se réfère ad tam prasclarum lesiimonium ac sandorum Patrum et doclorum communem sententiam, Denzinger-Bannwart, n. 480. En affirmant la primauté de saint Pierre, le concile du Vatican s’appuie sur la doctrine de l’Écriture, ut ab Ecclesia catholica semper intellecta est, Denzinger-Bannwart, n. 1822 : ce qui est une manière indirecte d’en appeler aux Pères, dont il est fait mention expresse un peu plus loin à propos de l’infaillibilité. Ibid., n. 1836. Plusieurs des décrets déjà cités de la commission biblique invoquent nommément l’autorité des Pères. Voir par exemple n. 2122, 2126, 2136, 2181.

Sans parler de ces faits plus récents, il est facile de voir, en tout cas, que le concile de Trente, en donnant comme règle d’interprétation l’accord unanime des Pères, ne formulait pas précisément une règle nouvelle. Il ne faisait que consacrer, avec le relief spécial que demandaient les circonstances, un principe depuis longtemps accrédité et parfaitement conforme à l’esprit de l’Église.

2. De là cette règle est passée dans la profession de foi de Pie IV, sauf qu’elle s’y présente sous une forme positive, résultant elle-même d’une double négation qui en accentue la vigueur et la portée. Après avoir affirmé sa pleine soumission au sens de l’Église, le croyant continue, comme pour tirer une conséquence de cette position initiale : Nec eam (Scripturam) unquam nisi juxla unanimem consensun Palrum accipiam et interprelahor. Denzinger-Bannwart, n. 995. Le formule conciliaire n’est pas sensiblement modifiée ; mais la construction affirmative qu’elle reçoit, l’adverbe nec unquam qui en précise la stricte universalité, la conjonction nisi qui en marque le caractère absolu contribuent certainement à en mettre en plus grand relief la plénitude doctrinale et à rendre incontestables les obligations pratiques qu’elle impose.

3. En renouvelant le Decretum Tridenlinum, le concile du Vatican s’est préoccupé d’en conserver intégralement la teneur. Cependant l’introduction de la clause relative au sentiment des Pères a eu toute une histoire, dont les actes du concile ont gardé longuement la trace.

Dans le premier projet, œuvre de Franzelin, le consentement des Pères figurait à côté du jugement de l’Église et sur le même plan positif : Illum s. Scripluræ sensum verum habendum esse, quem ab Ecclesia… vel unanimi consensione Patrum declaralum aut defînilum esse constiterit. Coll. Lac, t. vii, col. 509. Une note justificative expliquait que ce parallélisme était voulu, parce que le consentement unanime des Pères n’est pas autre chose dans ce cas que le consentement même de l’Église : Quod pra-lcr judicium Ecclesiæ etiam unanimis consensus Patrum statuitur tamquam norma interpretationis, facile palet hujusmodi… consensum. .. esse consensum ipsius Ecclesiæ. Ibid., col. 523.

C’est peut-être pour cela que cette mention fut jugée superflue. Toujours est-il que, dans les séances d’études tenues par la députation de la foi, les 4 et 6 mars, divers amendements furent présentés en vue de supprimer ce passage. Ibid., col. 1653 et 1655. Il tut, en elTet, supprimé dans le nouveau texte soumis

aux délibérations de l’assemblée. Ibid., col. 72. Une note additionnelle exposait le motif de cette suppression. Elle avait été demandée par la majorité des Pères, plurtum non omnium Patrum sententia, parce que cette règle paraissait faire double emploi avec le Jugement de l’Eglise qui précédait. In idem recidunl quod, cognito unanimi Palrum consensu, Ecclesiæ sensum cognoscitur. Elenim unanimis ille consensus Patrum Ecclesiæ sensum et fidem testatur et Ecclesia semper prolessa est se Patrum vesligiis inhærere. Ibid., col 80.

Battue en commission, la minorité prit sa revanche dans la discussion publique. Cinq amendements proposaient avec des nuances diverses de rétablir, sous une forme ou sous une autre, l’idée, sinon le texte, du concile de Trente. La raison principale était qu’on ne voulait pas avoir l’air de corriger un document aussi vénérable. Mais il y avait en outre des scrupules théologiques : les uns tenaient ce critère pour insuffisant, practice non est régula interpretationis adasquata, tandis que d’autres semblaient le donner comme nécessaire, lessera ad cognoscendum quid Ecclesia teneat. Ibid., col. 124. Renvoyée à la commission, la question y fut l’objet de longs et vifs débats.

Nulla de re, témoigne le rapporteur, MgiCasser, loties et tam acriler in deputatione fidei dispututum et decertatum est quam de hac re. La formule positive insérée dans la première rédaction paraissait acceptable au regard des principes ; mais elle semblait imposer une nouvelle limite à la liberté des savants catholiques et instituer pour ainsi dire deux tribunaux : l’un officiel, celui de l’Église, l’autre soumis à l’appréciation privée, le sentiment des Pères. D’autre part, la » formule tronquée » de la deuxième rédaction soulevait des oppositions irréductibles de la part de la minorité. Cela étant, in tanla difficullate rerum, on aboutit à une transaction. Le rapporteur proposa une formule double, formula quasi duplicata. Elle affirmait d’une part le sens tenu par l’Église comme positivement obligatoire et par là précisait la pensée du concile de Trente contre les erreurs du jour. D’autre part, elle ajoutait, à titre de complément, la formule négative adoptée à Trente, où le consentement des Pères est inscrit à côté du sens de l’Église, le tout formant la double règle qu’il est interdit àl’exégètedevioler. Ibid., col. 144-146.

Mgr Casser concluait modestement : In tanla penuria boni concilii, nihil aliud possum facere quam hanc formulam commendare. Cet effort de conciliation ne fut pas vain. La formule à double étage ainsi élaborée donna satisfaction à la quasi-unanimité des Pères, ab omnibus admissa est paucissiuiis exceptis. Ibid., col. 147. C’est elle qui est entrée dans le projet définitif, et qui votée en congrégation générale, est devenue le texte officiel.

Il ressort des Actes conciliaires qu’on vient d’analyser que ces discussions n’eurent jamais pour cause une incertitude, ou seulement une hésitation, sur le bien fondé de cette règle, mais uniquement l’opportunité d’en faire mention expresse et, dans ce cas, la manière de la libeller. Le problème était de conserver l’affirmation traditionnelle sur l’autorité des Pères, sans avoir l’air de la mettre en concurrence avec l’assertion relative à l’autorité de l’Église. Il fut résolu par une distinction des plans logiques, où les deux éléments sont pratiquement sauvegardés et spéculativement équilibrés. La règle fondamentale d’interprétation scripturaire, positivement obligatoire pour le catholique, est de s’en tenir au sens reçu par l’Église : is pro vero sensu… habeatur quem tenuit ac tenet… Ecclesia. Mais il en résulte comme conséquence qu’il n’est permis à personne d’aller, soit contre ce sens, soit contre le sentiment unanime des Pères : atque ideo nemini licere contra hune sensum auletiam contra unani-