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INTERPRETATION DE L’ECRITUl^E


cinia, c’est-à-dire de vraies prédictions de l’avenir et qui dépassent les intuitions naturelles du voyant. Ibid., n. 2115. A la date du 30 juin 1909, la commission se prononce, dons un décret très circonstancié, sur le caractère historique des trois premiers chapitres de la Genèse, en précisant qu’il faut se tenir au sens littéral iibi agitur de jadis… qiiæ christianse religionis jundamenta atlingunt et indiquant en même temps la part de symljolisnie qui reste autorisée. Ibid., n. 21212128. Dans le décret du f"^ mai 1910 sur le Psautier, la dernière question fournit l’occasion de proclamer qu’il y a pliires psalnii prophetici et messianici et qu’il faut absolument rejeter l’opinion de ceux qui les voudraient entendre tous du peuple juif et de son avenir. Ibid., n. 2136. Plus tard, la commission s’est encore expliquée, d’une manière générale, sur la valeur historique de l’Évangile de saint Matthieu, ibid., n. 2153, de saint Luc, ibid., n. 2163 et du livre des Actes, ibid., n. 2170-2171. D’une manière plus précise, le 18 juin 1915, elle interdit de voir, au détriment de l’interprétation traditionnelle, l’affirmation de la parousie prochaine dans les écrits de saint Paul. Ibid., n. 21792181.

Ces divers décrets portent tous in rébus fidei vel moriim et appartiennent, par conséquent, à l’objet sur lequel s’exerce d’une matière incontestable la juridiction de l’Église en matière d’exégèse biblique. Il est aujourd’hui reconnu qu’il n’en était pas de même pour le célèbre décret du saint-office qui condamne les théories de Galilée comme contraires à l’Écriture, et qu’un théologien prudent appelle nutissimus casus erroris. Bainvel, De Scriptura sacra, p. 39. Voir Galilée, t. vi, col. 1075-1082.

Or le pape Pie X, par un motu proprio en date du 18 novembre 1907, a conféré à la commission biblique la même autorité qu’aux congrégations précédemment établies et, partant, imposé à tous les fidèles un devoir formel de soumission, sous peine de désobéissance et de témérité. Denzinger-Bannwart, n. 2113-2114. La théologie analyse la nature exacte de cette autorité et le genre d’adhésion qui en est la conséquence. Voir Congrégations romaines, t. iii, col. 1108-11Il et L. Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Paris, 2e édit.on, 1913. Il suffit de noter ici que cette source n’est pas à négliger pour connaître l’interprétation ecclésiastique des Écritures et que l’exégète doit tenir compte, dans la mesure prescrite par les principes généraux du droit, des enseignements qu’elle fournit.

II. Règles auxiliaires : Le sentiment des Pères DE l’Église. — Après avoir étudié en détail la’règle fondamentale d’interprélation catholique, qui consiste à suivre le sens tenu par l’Église, il reste peu à dire sur les autres règles, qui ne sont, au total, que des auxiliaires de la précédente et se réfèrent au même principe sans guère soulever de problèmes nouveaux. On se contentera de rappeler ce qui est propre à chacune. La première est fournie par la tradition patristique, dont l’autorité devait se retrouver dans la présente matière comme dans le reste de la théologie. Voir Pères de l’Église.

Principe de cette règle.

1. Elle est formellement énoncée dans le décret du concile de Trente cité plus haut. Il est même à remarquer, d’après la construction du texte, qu’elle est mise exactement sur le même pied que l’autorité de l’Église proprement dite : Nemo sacram Scripturani… contra eum sensum quem tenuit et tenet sancta mater Ecclesia… aux etiam contra unanimem consensum Pcdrum ipsam Scripturam sacram interpretari audeat. Désireux de contenir les petulantia ingénia dont l’esprit de la Réforme a multiplié les audaces, le concile oppose aux initiatives désordonnées du libre examen une double barrière : l’inter prétation de l’Église et l’accord unanime des Pères. Ce rapprochement indique assez que ces deux règles ne sont pas étrangères l’une à l’autre : la voix des Pères, dans les conditions voulues, n’est qu’une autre manière de faire entendre la voix même de l’Église. Le concile venait de consacrer, à rencontre des protestants, l’autorité de la tradition comme source de la révélation. Sess. IV, Décret, de can. script., Denzinger-Bannwart, n. 783. Il était normal qu’il fit à cette tradition, exprimée par le consensus des Pères, une place officielle dans l’interprétation des Écritures.

Cette règle n’avait, au demeurant, rien que de traditionnel. Il est inutile de démontrer ici l’autorité prépondérante de la tradition dans l’ancienne Église. Contre les hérétiques du temps, saint Irénée déjà, Contra hær., i IV, c xxvi, 5, P. G., t. vii, col. 1056, et TertuJlien, De præscripl. hær., c. xvii-xix, font profession d’y subordonner l’intelligence de l’Écriture sainte. Ainsi en est-il des grands exégètes catholiques du iv<e siècle. Convaincu qu’on ne peut rien comprendre aux « Écritures sans la grâce de Dieu et la doctrine des anciens, » saint Jérôme porte sur ce terrain ce souci habituel qu’il exprimait à Théophile : Nabis nihil esse antiquius quam Christi jura servare nec Pairum transjerre terminas, Episl., lxiii, 2, P. L., t. xxii, col. 607. En conséquence, il se préoccupe de connaître et se fait un devoir de suivre, dans ses études scripturaires, la doctrine des anciens. Ëpist., xlviii, 15 et Lxxxiii, 3, col. 505 et 745. A la même époque, saint Basile et saint Grégoire de Nazianze, au rapport de Ru fin, cherchaient dans leur solitude la science des Écritures ex majorum scriptis et auctoritate…, quos et ipsos ex apostolica successione intelligendi regulam suscepisse constabat. Rufln, Hist. eccl., ii, 9, P. L., t. XXI, col. 518.

Pour justifier cette ! n/e//ijenrf( rebuta, saint Augustin en appelle au bon sens. Si, pour apprendre la moindre science humaine on a besoin d’un maître, c’est folie de vouloir s’en passer pour la science divine. Quid temerarix superbiæ plenius quam divinorum sacramentorum libros ab interpretibus suis nolle cognoscere ! De util, crcdendi, c. xvii, 35, P. L., t. xlii, col. 91. Saint Vincent de Lérins soumet l’interprétation des Écritures à son système général de la tradition, synthétisé dans l’adage : Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditumest. Commonitorium, 2 et 27, P. L., t. L, col. 640, 674. En pleine controverse christoiogique saint Léon rappelle contre Eutychès le principe qui interdit aliter de Scriptaris divinis sapere quam beati apostoli et patres noslri didicerunt atque docuerunt. Epist., lxxxii, 1, P. I.. t. Liv, col. 918. Aux juifs et aux hérétiques voués à un individualisme ruineux, saint Grégoire, ou du moins l’auteur du commentaire sur le livre des Rois qui porte son nom, oppose la sécurité du catholique. Securi sumus… quia per auctoritalem sanctorum prædicatorum Scripturx intellectum agnoscimus. In I Reg. expos., I. IV, c. V, 13, P. L., t. lxxix, col. 290.

De cette règle traditionnelle l’autorité ecclésiastique ne manqua pas, à l’occasion, de faire une loi. Le concile dit in Trullo, où l’Église d’Orient a fixé ses plus chères traditions, ordonne aux pasteurs d’âmes de prèclier surtout d’après l’Écriture, mais sans franchir les bornes fixées et la doctrine reçue des Pères. « Si une controverse sur l’Écriture, continue-t-il, vient à surgir, qu’ils ne l’interprètent pas d’une autre manière que les lumières de l’Église et les docteurs dans leurs écrits. Ils en retireront plus de gloire qu’à s’exercer à des compositions personnelles. » Can. 19, Mansi, Concil., t. XI, col. 952. Comme on le voit, ces dispositions sont d’ordre tout pratique, mais elles indiquent bien le sentiment commun de l’Église sur le respect dû aux Pères. On les retrouve en termes presque identiques au seuil des temps modernes. Dans la bulle