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INTERPRETATION DE L’ECRITURE


426, que l’illustré commentateur Mgr Beelen n’a pas cru manquer de respect aux Pères du concile de Trente en interprétant de l’amour de Dieu pour nous ces paroles de l’apôlre : Charilas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spintum Sanctum, Rom., v, 5, quoique le concile (Sess. vi, c. 7, Denzinger-Bannwart, n. 800) les eût employées incidemment dans le sens de l’amour que nous portons à Dieu. » "Vacant, op. cit., p. 550.

Ce qu’il y a lieu de retenir de cette analyse, c’est que l’autorité du magistère ecclésiastique, en matière d’interprétation scripturaire comme en toute autre forme d’enseignement doctrinal, doit être vérifiée de près sur les textes eux-mêmes, sans autre souci que de recueillir la pensée de l’Église avec les diverses nuances dont il lui a plu de l’entourer.

c) Quelques exemples. — Tous les auteurs admettent que les interprétations authentiques de l’Écriture par le magistère extraordinaire sont rares. Ainsi Cornely, Introduciio in U. T. libros sacros, Paris, 1894, 1. 1, p. 610 : Texlus quorum sensum directa deflnitione determinavit (Ecclesia) non admodum multi sunt ; Vacant, op. cit., p. 552 et le P. Lagrange, Revue biblique, 1900, p. 140. Corluy croit pouvoir préciser : " Nous doutons qu’il soit possible d’en énumérer une vingtaine. » Loc. cit., p. 426. Encore ce chilTre est-il sans doute bien approximatif. « On peut dire, écrit le P. Alfred Durand, que le nombre des textes directement définis par l’Église ne dépasse pas la douzaine. » Op. cit., col. 1838. Les interventions ecclésiastiques sont particulièrement rares dans les premiers siècles. Elles se sont surtout produites avec et après le concile de Trente, lorsque les protestants émirent la prétention de trouver dans l’Écriture une arme contre l’Église. Sans vouloir les énumérer toutes, nous en relevons ici quelques-unes à titre d’exemple, suivant les principales catégories que nous avons essayé de distinguer plus haut.

Le symbole de Nicée-Constantinople olïre un spécimen de déclaration tout à fait générale, quand il écrit que le Christ est ressuscité le troisième jour selon les Écritures : citation de saint Paul, I Cor., xv, 4, qui s’applique sans doute plutôt à l’Ancien Testament, sans qu’il soit aisé de dire à quel texte exact, et que l’Église ne précise pas plus que l’apôtre. Il est évident qu’aucune exégèse ne saurait ressortir d’enseignements aussi indéterminés.

D’autres portent sur des textes précis, mais seulement d’une manière négative. Ainsi le concile de Carthage décide contre les pélagiens que des paroles telles que Matth., vi, 12 et I Joa., i, 8 ne doivent pas être entendues comme de simples formules d’humilité, Denzinger-Bannwart, n. 106 et 108, mais signifient que chacun de nous a vraiment des péchés sur la conscience, sans d’ailleurs dire lesquels. A l’encontre des protestants, le concile de Trente, ibid., n. 930, enseigne que le chapitre sixième de saint Jean ne donne pas comme étant de précepte divin la communion sous les deux espèces. Cet enseignement vise surtout les versets 54, 55 et 57, mais uniquement pour réprouver l’interprétation protestante, sans préjuger, comme le concile s’en explique formellement, aucune des opinions exégétiques accréditées par les Pères et les docteurs, ulcumque juxla varias sanctorum Patrum et doctorum interpretationes intelligedur. La condamnation de la doctrine luthérienne sur la concupiscence a la même portée par rapport à Rom., vi, 12 sq. Sess. V. can. 5 ; ibid., n. 792. « Ainsi en condamnant cette proposition de Baius : Quamdiu aliquid concupiscentiie carnalis in diligente est, non jacit præceptum : Diliges DominumDeum ex loto corde tuo, Prop. 76, Denzinger-Bannwart, n. 1076, fÉglise nous a laissés libres de choisir entre les divers autres

sens que les exégètes catholiques donnent aux mots : ex tolo corde tuo. Vacant, op. cit., t. i, p. 548. Et l’on peut en dire autant des propositions 22, 50 et 75. Denzinger-Bannwart, n. 1022, 1050 et 1075. Ces sortes de décisions ecclésiastiques ont moins pour but de déterminer le vrai sens de l’Écriture que de condamner l’abus que des hérétiques ou des théologiens mal inspirés en faisaient indûment au profit de thèses tendancieuses ou fausses.

Mais il est aussi des cas où la condamnation d’une interprétation erronée s’accompagne d’un enseignement positif, directement destiné aux croyants. Le plus ancien et le plus complet serait un symbole du concile de Sardique (343), qui rejette d’abord comme blasphématoire et insensée l’exégèse d’après laquelle les Ariens ne voient dans le texte : Ego et Pater unum sumus, Joa., x, 30, qu’un accord des volontés entre le Père et le Fils. « Quant à nous, continue-t-il, nous croyons, affirmons et pensons que cette parole divine est dite à cause de l’unité d’hypostase qui existe entre eux. » Mansi, Concil., t. iii, col. 85. Malheureusement cette profession de foi, qui n’est connue que par Théodoret, Hist. eccL, ii, 6, P. G., t. lxxxii, col. 1013 et 1016, est regardée comme^^ apocryphe. Voir la note de Séverin Binius, dans Mansi, col. 85-88. Il faut donc renoncer à s’en servir, comme on avait cru pouvoir le faire dans le Dictionnaire de la Bible, art. Herméneutique, t. II, col. 621.

Le concile de Trente fournit des exemples non moins topiques et d’une incontestable authenticité. Ainsi le texte de Joa., iii, 5, doit s’entendre d’une « eau véritable et naturelle i, c’est-à-dire du rite baptismal, et non pas d’un sens métaphorique quelconque. Sess. vii. De bapt., can. 2, Denzinger-Bannwart, n. 858. De même faut-il lire la présence réelle dans les paroles de l’institution eucharistique, cum propriam illam et apertissimam significationem præ se ferant secundum quam a Patribus intellecta sunt, sess. xiii, cap. 1, ibid., n. 874 ; le sacrement d’cxtrême-onction dans le texte de Jac, v, 14-15, avec l’indication de ses effets et de son ministre, sess. xiv, cap. 1-3, ibid., n. 908910 ; le pouvoir sacramentel de remettre les péchés et non le droit de prêcher fÉvangile dans Joa., xx, 22, même session, can. 3, cf. can. 10 ibid., n. 913 et 920 ; l’institution du sacerdoce dans les paroles : Hoc facile in meam commemorationem, prononcées par le Christ à la dernière cène, sess. xxii, can. 2, ibid., n. 949.

Beaucoup plus nombreuses seraient les définitions indirectes, si l’on pouvait accorder ce titre à tous les arguments bibliques invoqués dans les documents conciliaires ou pontificaux. Mais on a vu plus haut qu’il faut apporter à ce principe de sérieuses atténuations. Tout au plus peut-on retenir les cas où un texte biblique est tellement incorporé au dogme qu’affirmer celui-ci équivaut à définir celui-là. Ainsi le célèbre passage de saint Paul, Rom., v, 12, déjà cité par le concile de Carthage comme preuve du péché originel, Denzinger-Bannwart, n. 102, et repris dans ce même sens par le concile de Trente, sess. v, can. 2 et 4, ibid., n. 789 et 791. Ou encore les textes évangéliques, Matth., xvi, 17-19 et Joa., xxi, 15-17, rapportés par le concile du Vatican pour légitimer la primauté universelle et immédiate de saint Pierre, sess. iv, cap. 1, ibid., n. 1822.,

Plus lâche est déjà le lien que le concile d’Orange établit entre ses définitions dogmatiques et les textes scripturaires qu’il invoque pour les justifier. Can. 1 sq., ibid., n. 174 sq. De la grâce en particulier il est dit : Innumerabilia sunt sanctarum scriplurarum testimonia quæ possunt ad probandam graliam projerrri, sed brevitatis studio prsetermissa sunt. Ibid., n. 199. Ce qui tend à suggérer que le dossier scripturaire du concile