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INTERPRETATION DE L’ECRITURE


serait mettre en cause l’autorité même de l'Église. Seul un protestant peut avoir l’idée d’opposer un texte mort au magistère vivant. Pour un catholique, dès là qu’il tient l’enseignement spéculatif de l'Église comme règle de foi, l’exégèse de l'Église ne peut pas ne pas être regardée comme fixant le sens autlientique -des Écritures, qui sont un des éléments et une des sources de la foi.

b) Diverses formes du magisière extraordinaire. — En matjère d’interprétation scripturaire, comme dans l’enseignement doctrinal proprement dit, le magistère de l'Église peut prendre et a pris de fait des formes diverses Non seulement les documents ecclésiastiques ne se présentent pas tous suivant lemême moule extérieur, mais ils diftèrent considérablement par la manière plus ou moins catégorique d’affirmer la doctrine qui en fait l’objet. Sans prétendre énumérer toutes les modalités que l'étude des cas particuliers fait apparaître au lecteur attentif, il est indispensable d’indiquer au moins les principales. Quand il s’agit de textes officiels, les moindres nuances de rédaction ont leur prix. Ici elles ne vont à rien de moins qu'à nous donner la mesure dans laquelle l'Église entend s’engager.

On peut supposer tout d’abord que l’interprétation d’un texte scripturaire fasse l’objet direct et formel d’un acte conciliaire ou pontifical. Dans ce cas, il est évident que le magistère de l'Église revêt le maximum de valeur. Un vague rappel des Écritures ne pourrait donner que des indications générales : les cas de ce genre, s’il s’en présente, manquent nécessairement de netteté et d’efficacité pratiques. Mais il en va autrement quand il s’agit d’un texte circonscrit dont l'Église affirme le sens. Le cas peut se produire, et il s’est produit, pour des textes d’une particulière importance au point de vue dogmatique. Dès lors, l’objet étant nettement déterminé, si l'Église de son côté exprime clairement son intention de définir, on est en présence d’un véritable enseignement doctrinal, d’une définition stricte, qui ne diffère des autres que parce qu’elle repose sur une base documentaire. C’est, en effet, là ou jamais que l'Église remplit sa fonction de juge des Écritures, en arrêtant le sens contesté d’un texte qui est son bien, en interprétant d’une manière officielle sa signification dans l’ensemble d’une doctrine dont il contient partiellement l’expression.

Peu importe, en principe, que la formule de l’enseignement ecclésiastique soit positive ou seulement négative. Sans s’interdire les affirmations quand elles sont nécessaires, l'Église semble afi’ectionner de préférence cette dernière méthode, qui s’oppose plus directement aux variétés de l’erreur. Mais toute négation comporte une affirmation correspondante, surtout quand la forme négative, comme il arrive le plus souvent, n’est qu’une manière de suggérer la contradictoire affirmative. Dans le cas d’une interprétation Scripturaire, l’affirmation donne le sens à tenir, tandis que la négation se contente d'écarter un ou plusieurs sens inexacts. Quand le sens vrai en ressort immédiatement, le résultat est à peu près le même. Et s’il n’en ressort pas, c’est que l'Église a voulu manifester sa réprobation pour une erreur certaine, sans fixer à l’exégèle sa voie parmi les interprétations librement reçues. Car la logique oblige d’admettre qu’il y a bien des moyens différents de se mettre en garde contre une erreur donnée. De toute façon, l’enseignement de l'Église demeure, avec la nuance spéciale que celle-ci a jugé à propos d’y attacher.

A ces diverses manières d’interpréter directement le sens de l'Écriture faut-il ajouter le cas de ce qu’on a parfois appelé les définitions indirectes ? Il se produirait lorsque l'Église rapporte un texte scripturaire comme preuve d’une vérité dogrratique, sans cepen dant proprement le définir. Patrizzi, Instituiio de inlerpreiaiione Bibliorum, Rome, 1876, p. 103 et Corluy, U interprétation de la sainte Écriture, dans la Controverse, juillet 1885, p. 424, ont pensé qu’il y avait là une interprétation de fait équivalente à une définition. Là-contre on a fait observer que, d’après la jurisprudence universellement admise, il est entendu que l’autorité de l'Église ne porte que sur la définition proprement dite, sans garantir les arguments qu’elle peut invoquer à son appui.

Tout en reconnaissant « la justesse de cette raison », M. Vacant essaie de sauver la thèse au nom de » l’enseignement du magistère quotidien et universel, que les conciles et le pape supposent lorsqu’ils invoquent le sens d’un texte en preuve d’une définition. Invoquer ce sens, c’est dire, en effet, équivalemment qu’il est admis comme indubitable par l'Église, s Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 549. Sans doute ; mais ce n’est pas dire s’il est admis à titre dogmatique et comme intéressant la foi ou simplement utilisé à titre théologique, suivant les convictions personnelles de l’auteur ou la science du moment. Le principe est donc insuffisant en lui-même pour garantir une certitude. Au surplus, il serait difficile, de l’accommoder avec tant de cas où l’on voit un enseignement du magistère appuyé sur des arguments notoirement caducs. Qui voudrait soutenir, par exemple, que l’autorité de la bulle JJnam sanctam couvre l’allégorie des deux glaives ou les autres adaptations scripturaires qui en forment le dispositif ? « Par conséquent, conclut le même théologien, les textes invoqués par un concile ou un pape en preuve d’une vérité définie doivent être considérés comme prouvant cette vérité. » Ibid. On ne peut admettre cette conclusion qu’en ajoutant : dans l’esprit de leur auteur. « Un texte apporté comme argument, même dans un document ex cathedra, n’est pas censé, par ce fait seul, être authentiquement défini, bien qu’il jouisse, de ce chef, d’une autorité particulière. » Alfred Durand, S. J., Dictionnaire apologétique., art. Exégèse, t. i, col. 1838.

Au lieu de chercher une solution de principe applicable à tous les cas, peut-être serait-il d’une meilleure méthode de distinguer les espèces. Il arrive quelquefois qu’un texte biblique soit invoqué par l'Église comme base unique d’une vérité et presque identique avec elle. Dans ce cas, il est juste de dire que la garantie de la vérité s’applique aussi à cette première énonciation scripturaire et que le texte en question bénéficie d’une définition implicite. Il n’en est plus de même pour les textes introduits entre bien d’autres et pour ainsi dire à titre d’explication, en tout cas sans rapport immédiat, nécessaire et exclusif, avec la vérité sur laquelle porte la déclaration dogmatique.

Peut-être pourrait-on trouver d’autres modes d’interprétation implicite en dehors du dossier justificatif plus ou moins compact qui précède généralement les définitions. Ce serait le cas lorsque la pensée de l'Église, sans être formellement exprimée, se déduit nécessairement d’un autre acte doctrinal autorisé. De même qu’il y a des conclusions théologiques plus ou moins rattachées à la foi, il peut y avoir des conclusions exégétiques plus ou moins imposées comme prémisses ou conséquences d’une manifestation plus générale du magistère où elles se trouvent comprises.

Il n’y a pas lieu, bien entendu, de faire état des textes allégués dans les documents officiels à titre d’exhortation pieuse ou de formule littéraire : l'Église s’en sert alors à des fins toutes pratiques et leur laisse leur sens usuel sans autrement le garantir. Autant faut-il en dire de tous les textes cités en passant, sans que rien indique la volonté de les définir. <i C’est pour ce motif, dit le savant P. Corluy, toc. cit.. p. 425 et