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INTERPRETATION DE L’ECRITURE


dans les matières scientifiques que celles-ci contient, sa condamnation a rapport à notre sujet.

12° ExegetiE, si velit utiliter studiis biblicis incuinbere iinprimis, queinlibet præconceptum opinioneni de supernaturali origine Scripturse sacras seponere débet, eamque non aliter interpretarl quani cœtera documenta mère humana. Denzinger-Bannwart, n. 2012 ; Cavallera, n. 98, 12.

M. Loisy a commenté cette proposition en ces termes : « L’intelligence d’un livre, quel qu’il soit, ne peut être que faussée, si, avant tout examen, l’on se fait une idée de son caractère à laquelle les conclusions de l’examen postérieur devront, coûte que coûte, se conformer. C’est ce qui arrive si l’on apporte à la lecture de la Bible l’idée commune du livre inspiré, exempt de toute erreur, et rempli de toute vérité. Il faut torturer les textes pour en adapter l’inteprétation à ce concept absolu et sans réalité. Les livres de l’Écriture, ayant été rédigés par des hommes et pour des hommes, sont à interpréter selon les règles que l’on applique aux produits ordinaires de l’esprit humain. Et l’on ne voit pas bien, d’ailleurs quel autre principe on pourrait employer. Les prescriptions de l’Église touchant l’obligation d’interpréter l’Écriture selon la tradition des Pères et l’analogie de la foi ne concernent pas l’investigation du sens historique, qu’elles empêcheraient plutôt de découvrir, mais la prédication chrétienne et l’enseignement théologique. » Simples réflexions, p. 45-56.

Comme nous l’avons dit au début de cet article, les règles ordinaires d’herméneutique s’appliquent aux livres inspirés, et à leur texte entier en tout et avant tout, comme aux livres ordinaires de l’antiquité, puisqu’ils ont été écrits par des hommes, en langage humain, et pour des hommes. Mais la foi nous apprend qu’ils sont aussi divins par leur origine et qu’ils contiennent sans erreur des vérités surnaturelles, que Dieu a enseignées aux hommes par les hagiographes et dont il a confié la garde et l’interprétation à l’Église. Et c’est à ce titre que leur interprétation est sujette à des règles spéciales, qui ne s’appliquent pas directement à tout le contenu de l’Écriture, mais seulement aux vérités révélées, et indirectement aux vérités secondaires ou purement humaines, qui sont en connexité avec la révélation. Ce secours d’interprétation surnaturelle, quand il est donné, ce qui est rare, comme nous le dirons bientôt, loin d’empêcher de découvrir le sens véritable des pensées que Dieu a révélées aux hommes, en facilite, au contraire, la découverte, sans péril d’erreur. Ces considérations justifient l’emploi des règles catholiques d’interprétation de l’Écriture, que nous exposons dans cet article.

6. Enfin, dans l’encyclique Spiritus Paraclitus, du 15 septembre 1920, Benoît XV, exposant les dispositions que saint Jérôme apportait à l’étude de l’Écriture sainte et les proposant comme modèles à tous les chrétiens, signale, à côté du culte de la tradition catholique, l’amour docile et dévoué que saint Jérôme portait à l’Église romaine, à la chaire de Pierre. « Persévéramment fidèle, dans l’étude de l’Écriture sainte à cette règle de foi, il invoque ce seul argument, pour réfuter une fausse interprétation du texte sacré : « Mais l’Église de Dieu n’admet point cette opinion. » In Daniel., iii, 37, P. L., t. xxv, col. 510. Acta apostolicæ sedis, 1920, t. xii, p. 403. L’invitation du pape à imiter saint Jérôme dans l’étude de l’Écriture et dans sa soumission à la règle de foi du siège apostolique, confirme tout ce que nous avons dit de l’obligation d’interpréter l’Écriture conformément au sens qu’a tenu et que tient notre sainte mère l’Église. Cf. F. Valente, S. Girolamo c Vencyclica Spiritus Paraclitus del S. ponte flce Benedetto XV sulla sacra Scrittura, Rome, s. d. (1921), p. 130-134.

3 » Application de cette règle. — Elle est tout entière dominée par les principes généraux relatifs au magistère ecclésiastique, dont l’interprétation des Écritures est un aspect ou une foucLion. Il suffira de rappeler ici ce qui a trait à ce cas spécial. Pour le reste, voir Église, t. IV, col. 2175-2200.

1. Interprétation par le magistère extraordinaire. — Chargée de proposer au monde la vérité surnaturelle dont eUe a reçu le dépôl, l’Église le fait de diverses façons. La plus saillante, sinon la plus importante, est le magistère extraordinaire, qui s’exerce par l’organe autorisé des conciles œcuméniques ou des papes prononçant ex catliedra. Il a pour caractère distinctif de s’exercer dans des circonstances rares et avec des formes solennelles, généralement pour trancher des controverses urgentes, et d’aboutir en conséquence à des documents officiels, où l’Église consigne sa pensée sur les erreurs à écarter ou les vérités à tenir. On conçoit dès lors que l’interprétation de l’Écriture soit particulièrement de son ressort.

a) Compétence du magistère extraordinaire. — Du moment que l’Église, comme tout catholique fait profession de le croire, a crualité pour garder et interpréter la révélation divine, il faut lui reconnaître les moyens nécessaires à cette fin. C’est pourquoi, avec la révélation elle-même, elle doit avoir juridiction sur les sources qui la contiennent. L’Écriture rentre donc, au premier chef, dans le domaine de son enseignement. Étant inspirée et, par conséquent, parole de Dieu, elle appartient directement, par sa nature même et dans tout son contenu, au dépôt doctrinal. Sans lui attribuer l’importance excessive que lui donnent les protestants, il s’ensuit du moins qu’elle devient pour les croyants une autorité vénérable en matière d’enseignement religieux, un guide de leur conduite et de leur pensée. Ce principe est surtout vrai du Nouveau Testament, où est résumée la prédication de Jésus et la doctrine de ses témoins immédiats. Par conséquent, il est capital d’assurer aux fidèles la vraie signification de l’Écriture et de prévenir les erreurs qui pourraient se couvrir de son nom. C’est dire que l’Église manquerait à sa mission théorique et pratique si ses pouvoirs ne s’étendaient jusque-là.

Voilà pourquoi le concile de Trente et, après lui, le concile du Vatican, voir plus haut col. 2294 sq., posent comme une sorte de postulat le droit qui appartient à l’Église de se prononcer, soit, d’un point de vue extérieur, sur l’interprétation des Écritures, soit, d’un point de vue objectif et intérieur, sur leur véritable sens : Ecctesia cujus est judicare de vero sensu et interpretatione Scriplurarum sanctarum, privilège lié à tout le dogme de l’Église, et dont la justification a pris un grand développement en théologie depuis la controverse protestante.

Or le magistère extraordinaire est, à n’en pfis douter, un des moyens les plus autorisés par où se manifeste l’enseignement de l’Église. A ce titre, il bénéficie d’une assistance spéciale du Saint-Esprit et peut, dans les conditions voulues, offrir le caractère d’infaillibilité. Gomme, par hyiDothèse, il entre en action dans des circonstances déterminées et s’exprime en documents précis, il a tout ce qu’il faut pour se prononcer avec la clarté désirable, Si donc le besoin se fait sentir d’éclairer sur quelque point le sens de l’Écriture ou de trancher quelque controverse soulevée à son sujet, le magistère extraordinaire est apte à le faire tout à la fois avec précision et avec autorité.

C’est évidemment à l’Église qu’il faut laisser le soin d’apprécier s’il est pour elle opportun ou non d’intervenir ; mais il est certain qu’en intervenant elle reste dans son rôle. Et si l’on suppose que le pape ou un concile interprète officiellement le sens de tel passage scripturaire, ne pas accepter cette interprétation