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INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE


talions futures de l'Église. En dehors de leur décision nous admettons la distinction faite par le P. Nisius, sur le pouvoir d’interprétation de l'Écriture par l'Église : l'Église a un pouvoir positif et direct de fixer le sens de la Bible dans les matières de foi ; dans les matières mixtes ou même simplement profanes, qui sont traitées dans la Bible, elle a seulement un pouvoir indirect et négatif de les interpréter. Existe-t-il des cas où l'Église aurait déjà exercé ce pouvoir indirect et négatif ? Nous n’en connaissons aucun exemple. Mais nous concevons qu’il pourrait se présenter des cas où, même dans les matières connexes à la foi ou simplement inspirées per accidens, fussent-elles purement profanes, des interprétations proposées aboutiraient à nier quelque point de foi ou même seulement le dogme de l’inspiration des Livres saints. Alors l'Église aurait le droit d’intervenir pour sauvegarder le dépôt de la foi, en condamnant au moins les interprétations contraires, sinon en déterminant le sens exact des passages mal compris. Elle userait ainsi de son pouvoir indirect et négatif d’interpréter l'Écriture et les catholiques seraient obligés de recevoir comme vraie et fondée la condamnation d’interprétations fausses, portée par l'Église. En attendant qu’elle exerce ce droit, nous laisserons aux théologiens le droit de discuter théoriquement le pouvoir interprétatif de l'Église, pourvu qu’ils ne sacrifient aucun point du dogme de l’inspiration et qu’ils soient disposés à se soumettre à l’autorité de l'Église, au cas où elle interviendrait en des matières pour lesquelles ils discutaient son pouvoir. N’admettons-nous pas tous que l'ÉgMse fixe elle-même son droit d’intervenir, quand elle intervient ? L’usage qu’elle fait de son magistère infaillible en détermine l’objet.

4. Dans le décret Lamentabili, du 3 juillet 1907, le Saint-Ofiice a condamné plusieurs propositions fausses, qui concernent l’interprétation de l'Écriture par l'Église. Elles visent presque toutes des opinions de M. Loisy.

2° Ecclesiae interpretatio sacrorum librorum non est quidemspernenda, subjacet tamen accuratiori exegetaruni judicio et correctioni. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 2002 ; CavaJlera, Thésaurus, n. 98, 2.

Cette proposition est vraisemblablement empruntée â M. Loisy, Autour d’un petit livre, Paris, 1903, p. 15 : « Sans doute, l'Église aussi est un témoin historique et qui n’est point à négliger pour l’interprétation du témoignage bildique, mais le témoignage historique de l'Église n’a pas la rigueur d’un jugement dogmatique ; avant d'être employé, il a besoin d'être analysé, discuté, pesé, comme tout autre témoignage. » Il s’agissait de l’interprétation des écrits évangéliques d’après la foi postérieure de l'Église. « On n’alléguera pas le symbole de Nicée pour déterminer le sens de la formule « fils de Dieu », dans les Évangiles synoptiques. Le sens des textes évangéliques est indépendant de l’interprétation qui en a été donnée plus tard, au moyen d’une philosophie religieuse qui n’est pas dans la prédication de Jésus. » Ibid., p. 15-16. Dans Simples réflexions sur le décret du Saint-Office Lamentabili et sur V encyclique Pascendi dominici gregis, Paris, 1908, p. 32-33. M. Loisy a cherché à justifier sa pensée : « L'Église exploite à son gré l'Écriture pour l’instruction religieuse et l'édification morale de ses fidèles. Mais les opinions que" l'Église a professées et professe touchant… sa façon de les interpréter (les Livres saints) et le sens qu’elle leur attribue ne s’imposent pas au critique comme des jugements qui fixeraient l’histoire de ces livres et leur sens original…. Ce qu’elle a prêché, en s’autorisant de l'Écriture, est tout autre chose qu’un commentaire purement historique de la Bible…. Entre la pensée des

écrivains sacrés et l’enseignement ecclésiastique de nos jours, se place tout le travail de la pensée chrétienne depuis dix-huit siècles. L’historien en fait abstraction. » La critique ayant gagné son droit d’interpréter la Bible comme elle l’entend, droit que l'Église lui refuse pour la Bible, elle ne le lâchera plus. Il s’agit donc de l’interprétation courante, pratique, que l'Église a donnée à l'Écriture, plutôt que de l’interprétation officielle de quelques textes en particulier. C’est cette interprétation que M. Loisy ne tenait pas pour un jugement définitif sur le vrai sens des Écritures, et que la critique avait droit d’examiner, de contrôler et de rejeter.

La 4'^ proposition vise les interprétations officielles de l'Écriture par l'Église.

4° Magisterium Ecclesise ne per dogmaticas quidem definitiones genulnum sacrarum Scripturarum sensum determinare potest. Denzinger-Bannwart, n. 2004 ; Cavallera, n. 98, 4.

Dans la lettre à un supérieur de grand séminaire M. Loisy, Autour d’un petit livre, p. 221, avait écrit : « L’histoire se fait, disais-je, avec des témoignages historiques, ce que ne sont pas les décrets du concile de Trente, si ce n’est en ce qui regarde la pensée de ceux qui les ont rédigés…. Vous me citiez un décret qui définit le sens historique de ce texte du quatrième Évangile (Jean., iii, 5) : Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’esprit. Le concile veut que l’on entende au sens propre le mot eau. Je vous répliquai que le concile avait parfaitement raison, mais que le vrai sens du texte ne résultait pas de la définition et que le concile défendait qu’on tournât la parole en métaphore pour éluder la nécessité du baptême réel ; il ne visait directement ni l’authenticité du passage en tant que parole du Seigneur, ni la forme particulière de sa signification dans l’esprit de l'évangéliste. »

Après avoir cité ces paroles dans Simples réflexions, p. 3° -36, M. Loisy ajoute : « L’histoire est ce qu’elle est et l’on ne voit pas ce que les définitions des conciles et des papes pourraient changer à l'état des témoignages et des faits. Nonobstant les apparences, l'Église n’a jamais défini le sens historique d’aucun passage, mais elle a interprété sa propre tradition sur le sens de tels et tels passages, et cette interprétation ne tend pas à représenter strictement la pensée des auteurs, mais…. tout le travail des siècles chrétiens sur les données primitives. Ce que le Saint-Ofïice entend par le a sens propre » de l'Écriture n’est pas, au fond, le sens historique, dont la S. Congrégation n’a nul souci, et qui ne dépend d’aucune autorité, mais la signification que telle donnée biblique doit prendre pour la foi. »

Assurément, ni l'Église ni le pape ni un concile ne font le sens d’un passage bibhque ; ce sens est déterminé par le texte du document : ils le constatent uniquement. S’ils le trouvent conforme à leur foi, ils ne l’y adaptent pas. Mais voilà ce qu’un « critique >, tel que M. Loisy, ne peut plus comprendre.

5 » Cum in deposito fidei veritates tantum révélât^ contineaiitur, nuUo sub respecta ad Ecclesiam pertinet judicium ferre de assertionibus disciplinarum humanaruni. Denzinger-Bannwart, n. 2005 ; Cavallera, n. 200.

M. Loisy a commenté ainsi cette proposition : t Je ne sais d’où vient cette proposition. Si on l’a déduite de mes livres, je ne proteste pas contre la conclusion. Mais je dirais : « Le magistère de l'Église ayant pour objet l’enseignement pratique de la religion et de la morale, il ne lui appartient pas de porter des jugements définitifs en matière de science. » Simples réflexions, p. 36-37.

Si le Saint-Office a eu en vue une proposition tendant à dénier à f Église le droit d’interpréter l'Écriture