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INTERPRETATION DE L'ÉCRITURE


Pierre à Rome et il conclut que l'Église n’aurait pas le droit de le définir, si le texte des Actes, xii, 17, s’y rapportait ; mais ce texte ne fait aucune allusion au départ du prince des apôtres pour Rome. On ne peut rien conclure d’un exemple isolé. Les théologiens admettent aujourd’hui que l'Église est infaillible dans les faits dogmatiques, quand elle condamne, par exemple, la doctrine d’un livre in sensu librorum. Voir ÉGLISE, t. IV, col. 2188-2192. Y aurait-il exception, parce qu’vin fait dogmatique est rapporté dans un livre inspiré? Non, évidemment, surtout s’il s’agit d’un fait connexe à la foi. La limitation des rcs fidei et morum, excluant tous les faits dogmatiques, ne peut donc pas être admise. Nous l’avons déjà dit, il y a des faits historiques, qui sont des dogmes de notre foi. Il aurait fallu restreindre la discussion au pouvoir positif qu’aurait l'Église, selon quelques théologiens modernes, de fixer le sens de ce que saint Thomas a appelé les inspirata per accidens.

Le P. Bonaccorsi a nié aussi que toute assertion biblique, appartienne à la révélation et doive être crue de foi divine, et il a ajouté qu'à supposer même qu’elle fût directement objet de foi divine, l'Église n’aurait pas le droit de l’interpréter directement. Le P. Chr. Pesch a discutécesproposilionsdeBonaccorsi. Il maintient la conclusion tirée de l’inspiration de la Bible, que l'Écriture sainte est tout entière la parole de Dieu, qu’ainsi elle appartient par son origine à la révélation divine et que les hommes à qui elle est destinée doivent y croire de foi divine, ou au moins lui donner un assentiment surnaturel. Mais il insiste principalement sur la distinction de saint Thomas des inspirala per se et des inspirata per accidens. Dieu n’a ordonné à personne de faire un acte de foi aux seconds ; les chrétiens ne sont tenus qu’indirectement à croire comme vrai tout ce que Dieu a révélé de quelque manière, c’est-à-dire en inspirant les hagiographes qui rapportent ces vérités. Telle est la doctrine commune des théologiens. De inspiralione sacræ Scriptursé, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 416-417, note.

Pour justifier, sa conclusion le P. Bonaccorsi part des révélations privées, que l'Église n’a pas le droit d’interpréter directement. Le fait seul d’une révélation divine, conclut-il, ne donne pas à l'Église un droit d’interprétation. Mais la révélation contenue dans l'Écriture et confiée à l'Église est une révélation officielle, imposée par Dieu aux hommes. Sans doute, réplique-t-il ; mais la Bible n’est pas un code de propositions directement révélées par Dieu aux hagiographes, et, si la Bible entière est inspirée, elle n’est pas tout entière révélée. Donc, pour nier le droit de l'Église à interpréter la Bible entière, il faut nier que tout son contenu soit strictement révélé. C’est encore revenir à la distinction de saint Thomas entre les res fidei per se. Tes fidei per accidens.

Avec quelques dissidents qu’il cite, le P. Bonaccorsi conclut qu’il n’est pas certain, qu’il est plutôt tout à fait inadmissible que toute assertion des écrivains sacrés est une assertio Dei. Lorsque, en effet, l’hagiographe écrit librement ce qu’il sait, sans qu’intervienne aucune révélation ou suggestion divine spéciale, on ne comprend pas comment son affirmation peut être dite, au sens strict, un assertum dioinum, et deviendrait, ('pw/of/o, objet immédiat de foi divine. La direction et l’assistance de l’Esprit Saint, souvent ignorées de l’hagiographe, ne changent pas la nature de la chose. A priori même, il ne répugnerait pas que l’assertion de l’hagiographe, dans des choses purement profanes pût, nonobstant cette direction et assistance être objectivement erronée. De fait, il est vrai, la tradition constante de l'Église nous assure la pleine véracité des Livres saints ; mais qu’en résulte-t-il ? Le théologien et l’exégète catholique devront retenir comme

théologiquement certain que l’erreur ne peut se trouver dans les livres inspirés ; plus encore, si un jour l’absolue vérité de la Bible était définie comme dogme de foi qusqu'à présent c’est simplement une doctrine theologice certa). ils devraient condamner comme une hérésie le fait de refuser d’ajouter foi à une affirmation proprement dite des écrivains sacrés ; mais, nonobstant, cette affirmation demeurera toujours une affirmation entitativement humaine, laquelle, par conséquent, ne pourra jamais être objet direct et immédiat de foi divine. »

Les théologiens admettront difficilement cette conclusion. La tradition catholique est opposée à l’insertion d’une affirmation entitativement humaine de l’hagiographe lui-même dans son œuvre inspirée. D’autre part, si des affirmations de ce genre avaient pénétré dans la Bible, l’erreur n’aurait-elle pas pu se glisser en quelque/-unes ? Ainsi l’inerrance biblique serait compromise. Voir Inspiration. Saint Thomas reconnaît la vérité des inspirata per accidens, tout en constatant les interprétations différentes qu’on en a données. Mais quand l'Église s’est prononcée in rébus fidei et morum ad œdificationem doctrinte christianæ pertinenlium sur le sens véritable de l'Écriture, les catholiques doivent admettre le sens ainsi défini. La Revue biblique, 1905, p. 287-289, qui a analysé et discuté l'étude du P. Bonaccorsi, ajoute : « Pour les choses profanes, nous sommes prêts à croire à la véracité de l'Écriture ; mais personne ne peut nous obliger à faire un acte de foi particulier sur aucune proposition, si claire qu’elle paraisse, parce que rien ne prouve que cette proposition soit affirmée par l’auteur et imposée par lui à notre croyance, et parce qu’ayant pour objet des choses profanes, elle ne peut, en ellemême, être un objet de foi. Que s’il s’agit de matières mixtes, il y aura lieu simplement à une étude plus attentive de la tradition, avec une soumission entière vis-à-vis des solutions à intervenir du côté de l’autorité légitime. Livre divino-humain, interprétation divinohumaine. » Les théologiens de la Revue biblique, sont demeurés fidèles à l’opinion de plusieurs thomistes, suivant lesquels la vertu infuse de la foi ne s'étend qu’aux choses que Dieu a révélées à l'Église pour le salut de l’humanité. Ils ne nient pas toutefois, le droit de l'Église d’intervenir dans l’interprétation des matières mixtes, consignées dans la Bible, et ils sont disposés, le cas échéant, à se soumettre entièrement à l’intervention de l’autorité ecclésiastique.

Pour nous, nous nous rallions entièrement à l’opinion du P. Nisius. Les conciles de Trente et du Vatican n’ont pas eu rintenlion de définir l'étendue du pouvoir qu’a l'Église d’interpréter infailliblement l'Écriture. En face des abus de leur temps, ils ont seulement déclaré ce pouvoir et ils ont obligé les exégètes catholiques à recevoir comme le véritable sens de l'Écriture celui que notre sainte Mère l'Église a tenu et tient in rébus fidei et morum ad iedificationem doclrinie cliristianæ pertinenlium. Or, ces res fidei et morum ne sont que ce que saint Thomas appelait les inspirata per se, c’est-à-dire les dogmes de notre foi. Quand, en ces matières, l'Église a une fois adopté et fixé le vrai sens d’un passage biblique, les exégètes catholiques doivent l’accepter, le soutenir et le défendre contre ses adversaires. Les Pères de Trente et du Vatican ne sont pas allés plus loin et n’ont pas eu en vue des interprétations ecclésiastiques et oITicielles de passages bibliques, inspirala per accidens, énonçant non pas seulement des vérités profanes, comme le disait Mgr Casser, mais encore des faits accessoires de l’histoire sainte ellemême. Vraisemblablement, ils n’en connaissaient aucune de ce genre, et puisqu’ils ne visaient que les interprétations intervenues de leur temps, ils n’ont pas tranché jusqu’où pouvaient s'étendre les interpré-