Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/529

Cette page n’a pas encore été corrigée
2307
2308
INTERPRETATION DE L’ECRITURE


Le P. Granderatli défendit et expliqua son opinion, dans Der Katholik, octobre et novembre 1898, p. 289 sq., 383 sq.

Le P. J.-B. Nisius, S. J., a placé la question de l’interprétation de l’Écriture par l’Église sur un terrain plus vaste. Ueber das Verhâllnis der kirchlichen Lehrgewall zur Schriflauslegung, dans Zeitschrijt fur katholisclie Théologie, Inspruck, 1899, p. 282-311. 460-500. Dans l’interprétation des décrets de Trente et du Vatican, il prend les termes in rebas ftdei et morum, etc., dans leur sens naturel, et en les comparant à la distinction de saint Thomas, rappelée plus haut, des credibilia per se et des credibilia per accidens, il constate leur ressemblance et il en conclut que très vraisemblablement les Pères de Trente avaient dans l’esprit cette distinction et qu’ils n’ont voulu imposer positivement aux exégètes catholiques que les seules interprétations de l’Église, qui portaient sur des textes de la première catégorie. C’était aussi la pensée de Mgr Casser. Les res fidei et morurn des décrets sont donc exclusivement, à ses yeux, les dogmnta fidei et leurs interprétations obligatoires, si l’Église en a données. Telle est l’obligation positivement imposée par les décrets. Le P. Nisius ajoute toutefois que l’interprétation de l’Écriture par l’Église, ce qu’il appelle V intellecias catholiciis, influe négativement sur l’explication des autres passages scnpturaires non officiellement interprétés par l’Église. Ceci n’est qu’une application de la troisième règle catholique d’interprétation, fondée sur l’analogie de la foi. Voir plus loin.

Son sentiment personnel établi, le P. Nisius réfute les opinions différentes des autres théologiens. M. Vacant a expliqué les décrets d’après l’objet de l’infaillibilité de l’Église. Sa démonstration théologique prouve bien que le pouvoir interprétatif de l’Écriture par l’Église s’étend au delà des vérités de foi et de mœurs Cette étendue du pouvoir de l’Église ne peut être prouvée par les termes mêmes des décrets. L’opinion du P. Granderath est très vague et trop générale. La sphère d’interprétation de l’Écriture fixée positivement par les décrets ne comprend pas toutes les choses religieuses de leur nature, par opposition aux choses profanes, mais seulement les res fidei et morum. A M. Schœpfer, le P. Nisius ne reproche que des défauts de méthode ; mais il lui reconnaît le mérite d’avoir bien saisi le sens positif des décrets.

Les opinions nouvelles que le P. Nisius a combattues tendent à prouver que le droit positif de l’Église à interpréter infailliblement l’Écriture s’étend à toutes les propositions de celle-ci, ou au moins à toutes les vérités religieuses qui y sont exprimées. Elles sont opposées au sentiment exprès de saint Thomas, rapporté plus haut. J. Vinati prétend, il est vrai, que les asserta per accidens, dont parle le saint docteur, appartiennent à la foi catholique et divine que l’Église a le droit d’interpréter infailliblement. Mais il n’est pas prouvé que ces asserta per accidens soient credenda fide CAtaoLiCA et dioina, et par conséquent soumis au jugement positif de l’Église. Tant que celle-ci n’a pas interprété un passage scripturaire, le sens de ce passage n’est pas de foi catlwtigue. Assurément, l’Église a été instituée par Jésus-Christ comme la gardieime et l’interprète de toute la révélation chrétienne, dont les Livres inspirés contiennent une partie. Il n’en résulte pas que les asserta per accidens, qa’i sont consignés dans les livres inspirés, appartiennent directement à la révélation chrétienne et au droit positif que l’Église a de les interpréter infailliblement, de telle sorte que l’exégôte catholique soit tenu d’en accepter le sens. L’Église est la gardienne du dépôt de la foi, qu’elle doit conserver intact. Or, il ne lui suffit pas, pour conserver ce trésor, de sauvegarder le canon

complet des Écritures ; elle doit aussi en conserver le sens ; elle n’est pas gardienne de la lettre morte de la parole de Dieu, elle l’est du sens vivant de cette parole, ce qui suppose son droit d’interpréter et de fixer ce sens vivant. Cet argument est indiscutable, à la condition d’entendre le depositum fidei au sens strict du mot. Mais il n’est pas prouvé que tout le contenu de l’Écriture, notamment de l’Ancien Testament, appartienne au dépôt de la foi confié par Jésus-Christ à l’Église, et par suite que l’Église ait le droit de l’interpréter infailliblement. Même dans le Nouveau Testament, comme on le voit par les Actes et les Épîtres, Il y a des faits qui sont postérieurs à la fondation de l’Église. Or, quoique ces faits soient relatés dans des écrits inspirés, ils ne sont pas objet de la révélation chrétienne, mais simplement objet de l’histoire inspirée. Mgr Egger fait état de la réponse de Mgr Gasser au concile du Vatican : l’Église a le droit déjuger même les vérités historiques, qui sont contenues dans l’Écriture. Le rapporteur excepte au moins les choses porfanes, dont l’interprétation peut être librement discutée, pourvu que l’exégète n’aille pas contre l’inspiration de l’Écriture. Voir col. 2301. Le concile du Vatican a donc reconnu la liberté des exégètes catholiques en ces matières.

Au sentiment du P. Nisius, il n’est donc pas prouvé que l’Église ait le pouvoir positif d’interpréter tous les passages de l’Écriture ; elle n’a reçu ce droit que comme gardienne du dépôt de la foi, c’est-à-dire pour la conservation du sens des vérités révélées. De soi, son pouvoir interprétatif ne porte que sur les vérités révélées contenues dans l’Écriture. Mais indirectement, elle peut porter un jugement négatif, c’est-à-dire condamner des interprétations de passages scripturaires n’appartenant pas directement au dépôt de la foi, si elles aljoutissent à nier des vérités révélées, ou même simplement à mettre en doute l’inspiration de la Bible, qui est un dogme de notre foi.

Le P. Lagrange, L’interprétation de la sainte Écriture, dans la Heuue biblique, 1900, t. ix, p. 135-142, a analysé les deux articles du P. Nisius et en a adopté, la doctrine, sauf de légères nuances. En concluant p. 140, il s’est demandé quel intérêt pratique pouvait présenter la distinction entre le pouvoir négatif et indirect de l’Église d’interpréter même les faits historiques et les sujets profanes traités dans la Bible, et le pouvoir positif et direct qu’il restreint aux dogmes de la foi. Serait-ce une vaine subtilité, puisque l’exégète catholique est soumis à tout ce que l’Église a décidé et décidera, quel que soit le pouvoir dont elle use, puisque les décisions de l’Église pourraient éventuellement porter sur des points juges purement historiques et qu’alors il faudrait reconnaître que l’Église y a justemeut reconnu un rapport avec la foi ? L’exégôte n’est-il pas aussi lié que si le droit de l’Église d’interpréter l’Écriture était aussi universellement positif qu’il est indirectement universel ? Pratiquement, la différence est cependant immense. « Dans toutes les matières historiques et scientifiques, l’exégète aura soin de ne porter aucune atteinte à la règle de foi, et ce soin lui sera aussi aisé que doux. De plus, il devra respecter toutes les explications dogmatiques positives données par l’Église. Elles sont peu nombreuses », comme nous le dirons bientôt.

La troisième des Qnestione bibliche du P. Bonaccorsi, Bologne, 1901, concerne l’interpréltition de l’Écriture sainte selon la doctrine cnltioliqae. L’auteur restreint le pouvoir qu’a l’Église de déterminer infailliblement le vrai sens de l’Écriture au.x choses de la foi et des mœurs strictement dites, c’est-à-dire à la révélation divine et il nie que ce pouvoir s’étende même aux faits dogmatiques. Un des exemples qu’il cite est le fait de la venue de saint