Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/527

Cette page n’a pas encore été corrigée
2303
2304
INTERPRETAT I0^" DE L’ECRlTllll' :


vertu de ces décrets les exégètes catholiques n'étaient pas tenus d’accepter et de suivre le sens qu’a tenu et que tient l'Église dans des textes non dogmatiques ou moraux. Ainsi, avant le concile du Vatican, Bossuet, Instructions sur la version du N. T. imprimée à Trévoux, I" instruction, 1°= remarque, n. 7, dans Œuvres complètes, Besancon, 1836, t. vii, p. 127-128 ; F. X. Patrizi, Inslitulio de interpretaiione Bibliorum, 2e édit., Rome, 1876, p. 38-61, et, après ce concile, U. Ubaldi, Introduclio in sac. Scripturam, Rome, 1881, t. III, p. 259 ; Ch. Tiochon, Introduction générale, dans La Sainte Bible de Lethielleux, Paris, 1886, t. i, p. 520 ; J. Corluy, V interprétation de la sainte Écriture, dans La Controverse, juillet 1885, p. 430, et dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de Jaugey, Paris, 1889, p. 957-959 ; S. di Bartolo, Critères théologiques, trad. franc., Paris, 1899, p. 264-265. Tous ces auteurs, qui n’avaient consulté ni les Actes du concile de Trente ni ceux du concile du Vatican, excluaient donc de l’objet des décrets de ces conciles l’interprétation des passages scripturaires où il s’agit de choses étrangères par elles-mêmes à la foi et aux mœurs, par conséquent ceux qui traitent de l’histoire profane, de la géographie et des sciences naturelles, disciplines sur lesquelles l'Église n’a pas coutume de se prononcer. La difficulté consistait, pour eux, à distinguer d’une façon précise les passages doctrinaux de l'Écriture de ceux qui ne le sont pas.

Quelques théologiens ont étabU, pour tracer cette ligne de démarcations, des distinctions arbitraires et sans base doctrinale. L’abbé Motais, Le déluge biblique devant la /oi, l'Écriture et la science, Paris, 1885, p. 118126, regardait comme pouvant être l’objet de l’interprétation de l'Église les sujets d’une portée profonde, ayant un rapport immédiat et frappant avec les bases du dogme catholique, à savoir, la divinité de Jésus et la vie divine de l'Église. Les mille choses diverses qui, dans la Bible, sont sans connexion nécessaire ou même apparente avec ces vérités premières, n’entrent pas, par elles-mêmes, dans le patrimoine divin que l'Église a reçu la mission d’enseigner.. L’anonyme allemand, dont Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, 3e édit., Rome, 1882, p. 564-582, a réfuté l’opinion sur l'étendue de l’inspiration, prétendait que l'Église n'était infaillible que dans les seules choses qui concernent la foi et les mœurs et il ne tenait pour inspirés que les passages bibliques énonçant les vérités religieuses et les faits sans lesquels la vérité religieuse ne pouvait subsister. Le chanoine Jules Didiot, Logique surnaturelle subjective, Paris, Lille, 1881, p. 103 ; Traitéde la Sainte Écriture, Paris, Lille, 1894, p. 161-170, 238-248, enseignait une doctrine semblable et pensait que la Bible et l'Église n'étaient infaillibles que dans les choses qui concernent la foi et les mœurs ; quant aux matières secondaires, que Dieu n’a pas voulu enseigner dans l'Écriture, et dont celle-ci ne fait que parler, elles ne sont pas l’objet de l’infaillible magistère de l'Église. Le cardinal Newman admettait deux dogmes relativement à l’autorité de l'Écriture et à son inspiration. « En ce qui regarde l’autorité de l'Écriture, nous sommes tenus de croire qu’elle est, en matière de foi et de mœurs, divinement et entièrement inspirée ; en ce qui regarde son interprétation, nous sommes tenus de croire que l'Église est, en matière de foi et de mœurs, le seul interprète infaillible de ce texte inspiré. » Or, il paraît indigne de Dieu que, dans le révélation qu’il nous adonnée de lui-même, il ait pris un rôle purementprofane et ait assumé l’office de simple narrateur, d’historien, de géographe, sinon dans la mesure où les matières profanes importent directement à la vérité révélée. La foi et les mœurs sont, d’après les deux conciles, les doux objets garantis par l’inspiration. Cependant, les faits racontés

dans l'Écriture ont, en quelque manière, la garantie de l’inspiration. Car les res fidei et morum, que l'Église a le droit d’interpréter, comportent des faits historiques, puisque des faits liistoriques sont des dogmes de de notre foi. L^ inspiration de la sainte Écriture, dans Le Correspondant, du 25 mai 1884, t. cxxxv, p. 681685. Finalement, le P. J. Corluy reconnaissait que les faits historiques qui avaient un rapport direct avec la doctrine révélée étaient seuls doctrinaux et rentraient dans les res fidei et morum, visées par les conciles, mais en ajoutant que les faits qui n’avaient avec cette doctrine qu’un rapport indirect n'étaient pas l’objet de l’interprétation doctrinale de l'Église. L’interprétation de la sainte Écriture, dans La Controverse, imUet 1885, p. 432-433. Cf. Le Prêtre, 1892-1893, t. IV, p. 1381-1385.

Cependant, au cours de la discussion du décret, Mgr Casser avait émis une distinction qui, bien comprise, avait une très grande et très juste portée. Dans la dernière congrégation générale qui précéda le vote définitif, ayant à répondre à un Père qui demandait la suppression des mots in rébus, etc., comme étant restrictifs du pouvoir d’interprétation de l'Église, il reconnut que l'Église avait le droit d’interpréter toute l'Écriture ; mais pour sauvegarder la liberté des exégètes catholiques dans l’explication des matières historiques et autres semblables, il fît observer que leurs interprétations ou bien ne vont pas contre le dogme de l’inspiration, ou bien lui sont contraires. Dans le premier cas, elles sont libres ; dans le second, elles ne le sont pas, puisqu’elles iraient à rencontre du dogme de l’inspiration qui est une question de foi et dès lors l'Église a le droit d’intervenir et de se prononcer contre une interprétation qui nierait l’inspiration de l'Écriture. Coll. lac. t. vii, col. 240.

Cette distinction ne s’applique pas seulement aux questions d’histoire profane, que Mgr Casser avait citées comme exemple ; mais elle s’applique à toutes les interprétations de l'Écriture entière, de telle sorte que celles qui seraient contraires au dogme de l’inspiration et à ses conséquences seraient à rejeter et seraient justiciables du droit qu’a l'Église de les réprouver. R. Cornely, .Introductio in U. T. libros sacros, t. i, Introductio generalis, 2^ édit., Paris, 1894, p. 592-607. Aussi le P. Th. Granderath ne trouve absolument rien à reprendre à l’exposé de Mgr Casser. Il s’est demandé seulement si le décret du Vatican avait réellement le sens que lui a donné l'évêque de Brixen, si les mots in rébus fidei et morum, etc., y désignent les passages scripturaires dont l’objet est religieux, par opposition à ceux dont le contenu est profane, si, par conséquent, l’obligation imposée à l’exégète de suivre l’interprétation de l'Église est restreinte aux premiers. Le fait que cette explication du décret a été donnée en pleine assemblée conciliaire avant le vote final, par le représentant de la députation de la foi, donne à cette exégèse une très haute autorité ; à lui seul, il ne suffit pourtant pas, semble-t-il, à l’imposer définitivement. Si la députation de la foi avait trouvé ellemêmecette formule, elsi son rapporteur l’avait exposée on son nom, le sens ne saurait plus en être douteux. Mais ce n’est pas le concile du Vatican qui a rédigé cette partie du décret ; elle se trouve déjà dans le décret du concile de Trente sur l’interprétation tion des Écritures, que celui du Vatican a voulu se borner à renouveler. C’est donc d’après l’histoire du concile de Trente qu’on devra chercher à établir le sens exact de cette formule. » Th. Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad. C. Kirch, Bruxelles, 1911, t. II, b, p. 135-137. Or, cette raison n’est pas valable.

Les Actes du concile publiés par le P. Granderath, prouvent que, tout en renouvelant le décret de Trente,