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INTERPRETATION DE L’ECRITURE


Cela étant, les amendements proposés ne pouvaient être approuvés. En particulier, on ne pouvait omettre les mots in rébus, etc., il n’y avait aucune raison suffisante de le faire, surtout si l’on voulait conserver intégralement le texte du concile de Trente.

Le nouveau texte, proposépar Mgr Casser fut admis par tous, à l’exception d’un petit nombre de Pères. Cette modilication adoptée, il n’y avait plus lieu de voter sur les autres amendements, qui ne furent pas soumis au vote. Ibid., col. 144-147.

Après le vote de ce nouveau texte, un Père demanda la suppression des mots restrictifs : in rébus fidei et morum, etc., et il justifia longuement sa proposition. L'Église est, sans aucune exception, l’interprète infaillible de la révélation divine qui est contenue dans l'Écriture et la tradition. Cette divine prérogative d’interprétation paraît être restreinte aux seules matières exprimées par ces mots, comme si elle ne valait pas pour les autres matières. Si ces termes ne sont pas exclusifs, mais significatifs, ils excluent les matières qui ne sont pas indiquées, ou ils les révoquent au moins eu doute. Si on répond que tout le contenu de l'Écriture appartient à la foi et aux mœurs, la spécification faite des choses de la foi et des mœurs est absolument superflue et vaine. Ensuite, si on restreint l’interprétation de l'Église à ces choses de la foi et des mœurs dans l’interprétation des autres matières par exemple, des récits historiques et autres, on laissera à chacun la liberté d’interpréter la très sainte parole de Dieu avec une licence effrénée, surtout en ces temps de tempête où mythistes, rationalistes et mille autres erreurs ramènent presque toute l'Écriture à des fables. On dira peut-être que l’infaillibilité de l'Éghse ne porte que sur les choses de la foi et des mœurs, qu’en cela seulement nous sommes obligés de suivre son interprétation, mais que pour tout le reste nous sommes libres. Au contraire, tout ce qui est révélé est objet de foi et la révélation est contenue dans l'Écriture, à laquelle nous devons donner notre assentiment. Par conséquent, l'Écriture tout entière est soumise au jugement de l'Église, d’après l’affirmation de saint Paul, II Tim., iii, 16. Enfin ces mots sont empruntés au concile de Trente. Or ce concile ne les a pas employés, quand il a parlé du droit d’interprétation de l'Église comme s’il posait des barrières à l’exercice de son pouvoir infaillible ; il les a employés pour indiquer la matière sur laquelle les esprits insubordonnés qu’il voulait contenir détournaient l'Écriture à leur sens dépravé et ainsi l’offensaient très gravement. Ibid., col. 226.

Mgr Casser discuta cet amendement en congrégation générale. L’objection est d’importance et l'évêque de Brixen demanda l’autorisation de s’y arrêter, d’autant que, par suite d’une inadvertance de la députation de la foi, la formule discutée avait été omise dans le texte imprimé soumis aux Pères. L’omission fut vite réparée, du reste. L’auteur de l’amendement demande que ces mots ne soient pas employés au sujet du sens véritable de l'Écriture qu’un catholique doit accepter. On ne peut pas les retrancher, puisqu’ils se lisent dans le décret de Trente. Mgr Casser discute les arguments proposés. Quant au premier, il concède que l'Église a le droit de juger du véritable sens de l'Écriture, non seulement dans les choses de la foi, c’est-à-dire dans les dogmes spéculatifs, et dans les choses des mœurs, mais encore dans les vérités historiques, etc. Mais il nie la conséquence qui en est tirée.

Ces mots, ajoute-t-on, sont équivoques et n’ont pas dans la constitution Dei Filius le même sens que dans le décret de Trente. Ce concile, dit-on, les emploierait seulement pour indiquer les matières dans lesquelles il voulait arrêter les esprits inconsidérés. La constitution étudiée les emploie pour le pouvoir d’interpré tation de l'Église. Cette objection n’est pas fondée, Dans le texte de Trente, les mots : ad coercenda petulantia ingénia, mis en avant, indiquent le motif du décret ; ce décret suit et défend à tout particulier d’oser au nom de son propre sentiment interpréter l'Écriture contre le sens tenu par l'Église. Sa décision comprend deux parties : que personne, dit-il, n’ose plier l'Écriture à son propre sentiment, ensuite que chacun soit tenu à ne pas interpréter l'Écriture autrement que selon le sentiment de l'Église, mais sous cette condition que ce soit in rébus, etc. Cette restriction porte, il est vrai, sur les deux parties du décret, et il n’y a pas de véritable différence entre ce décret et la constitution du Vatican. On ne pourrait y voir une différence que si les termes du décret de Trente étaient ainsi disposés : Prælerea, ad coercenda, in rébus ftdei et morum, etc., pelulanfia ingénia, decernit, etc. Si donc, dans le décret de Trente, les mots en question avaient été rattachés à ad coercenda petulantia ingénia, l’objection aurait quelque apparence de vérité. Mais comme ils se rapportent à l’autre partie du décret, c’est-à-dire à la règle d’interprétation scripturaire, il n’y a aucune différence entre les deux documents. Ibid., col. 240241.

Le texte définitif fut promulgué à la III » session du concile le 24 avril 1870. Ibid., col. 251.

c) Valeur et portée du décret. — L’une et l’autre ont déjà été déterminées dans les pages précédentes ; car le texte n’a pu être établi sans que sa signification ait été fixée dans les rapports de Mgr Casser. Mais nous devons tenir compte des interprétations des théologiens postérieurs qui, ou n’ont pas connu les Actes du concile du Vatican, ou, les ayant connus, tiennent compte des termes mêmes des décisions conciliaires bien plus que des idées émises au cours des discussions et que des explications officiellement données au nom de la députation de la foi pour diriger le vote de l’assemblée.

a. Quoi qu’il en ait été du décret de Trente, quoique, même après le concile du Vatican, U. Ubaldi, Introductio in sac. Scripturam. Rome, 1881, t. iii, p. 260, ait dit que ce texte n'était pas un décret dogmatique, puisqu’il n'était suivi d’aucun anathème, mais une simple loi disciplinaire imposant aux contrevenants des peines canoniques, en ajoutant toutefois qu’il renfermait une déclaration doctrinale, il est certain que l’affirmation du droit et du pouvoir de l'Église de juger du véritable sens des Écritures, l’assertion d’autre part qu’il faut interpréter l'Écriture, dans le sens qu’a tenu et que tient l'Église, insérées dans une déclaration dogmatique, n’ont pas une portée purement disciplinaire, mais une valeur doctrinale, qui s’impose à tous les catholiques, L'Église est donc l’interprète infaillible de l'Écriture inspirée. Aussi quand, par ses organes, officiels elle a interprété le sens véritable d’un passage biblique, tout catholique doit accepter intérieurement, proposer et défendre extérieurement ce sens comme véritable et comme seul véritable, de telle sorte que celui qui refuserait de le faire, commettrait un péché contre la foi et un acte d’hérésie. Cf. cardinal Newman, L’inspiration de l'Écriture sainte, dans Le Correspondant, du 25 mai 1884, t. cxxxv. p. 684-686.

b. Bien plus importante et bien plus délicate est l’interprétation des termes : in rébus fidei et morum, adœdificationemdoctrinœchristianse pertinent ium. Dans les décrets de Trente et du Vatican, ces mots ont indubitablement une signification restrictive et indiquent que le texte conciliaire ne vise pas tout le contenu de la Bible, mais seulement les choses de la foi et des mœurs qui appartiennent à l'édifice de la doctrine chrétienne. Aussi beaucoup de théologiens, avant et après le concile du Vatican, ont-ils soutenu qu’en