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INTERPRETATION DE L’ECRITURE


Dans son rapport sur ce paragraphe de la constitution, Mgi' Casser faisait observer qu’il renouvelait le décret de Trente et qu’il en expliquait plus exactement l’esprit, afin de proscrire deux erreurs. Celle qui prétend que le décret de Trente est purement disciplinaire est écartée dans une constitution dogmatique où l’on affirme que l’on renouvelle un décret que, le concile de Trente avait salutairement porté. La seconde erreur est celle des auteurs qui distinguent entre l’interprétation dogmatique proposée par l'Église et le dogme qui, au sentiment de l'Église, se trouve dans un passage biljlique. Ilsprctendentque l’exégète catholique satisfait au décret de Trente, même quand il s'écarte de l’interprétation de l'Église catholique, pourvu qu’il ne rejette pas le dogme qui, au sentiment de l'Église, est contenu dans ce passage de la Bible. Pour proscrire cette erreur, il est dit que, dans les choses de la foi et des mœurs, le véritaljle sens de l'Écriture est celui qu’a tenu et que tient notre sainte mère l'Église. Ibid., col. 143-144.

Cette seconde erreur, avait été soutenue par quelques critiques catholiques d’Allemagne. J. Jalin avait enseigné à Vienne, dès 1818, que le concile de Trente avait seulement défendu aux exégètes de mépriser le magistère de l'Église catholique et par conséquent de détourner l'Écriture sainte à leur propre sentiment. Introduclio in libros sacros Veteris Fœderis. 2e édit., revue par Ackermann, Vienne, 1830, part. I, §91, p. 8889. D’autre part Arigler, Hermeneulica Bibliorumgeneralis, Vienne, 1813, p. 31-32, ouvrage publié de nouveau à Leipzig, parunanonymeenl822, et Lang, Pa^rologie, Bade, 1859, p. 279, distinguaient entre l’interprétation dogmatique que l'Église fait d’un texte bibhque et le dogme qui, au jugement de l'Église, serait exprimé dans ce texte. Un interprète catholique ne contreviendrait pas au décret de Trente, lors même qu’il rejetterait l’interprétation de l'Église, pourvu qu’ilneniâl pasledogme défini, et ils citaient l’exemple du texte de saint Jacques, mentionné par Franzelin.

b) Élaboration du texte du décret. — La déclaration proposée par Franzelin pour préciser le décret de Trente énonçait : In rébus fldei et morum ad œdificationem doctrinie christianæ pertinentiam illum sacrée Scripluræ sensum verum habendum esse, quem ab Ecclesia, infnlUbili verbi Dei custode ac interprète, vel unanimi consensione Patrum declaralum aui definitum esse constilerit. Collectio Lacensis, t. vii, col. 509 et 523. Ce théologien proposait donc déjà de substituer à la formule négative de Trente une formule positive, qui obligeait de tenir pour le véritable sens de l'Écriture celui que l'Église infaillibleavait déclaré ou défini. Le schéma, remanié par Mgr Martin, conservait cette formule positive pour expliquer l’esprit du concile de Trente : Idem decretum (celui de Trente) hoc approbante concilio rénovantes, hanc ejus mentem esse definimus, ut in rébus ftdei et morum, is pro vero Scripturse sensus habendus sit, quem tenuitac lenet S. mater Ecclesia aut quem SS. Patrum consensus communis atieslatur. Ibid., col. 1629. La députationdela foi faisait observer, dans une note annexée, que le concile de Trente, par la forme négative de son décret, avait suffisamment indiqué que le sens de l'Écriture ainsi déclaré était le véritable sens et devait être tenu pour le vrai sens, et que Pie IV, dans sa profession de foi, avait déjà adopté la forme positive de l’affirmation. Ibid., col. 80.

Plusieurs amendements furent proposés au sujet de cette rédaction. L’un d’eux substituait au texte le suivant : El quia non désuni petulanlia ingénia a quibus Scriplura sacra ad aliénas sensus detorquetur contra eum sensum, quem Icnuil ac lenet sancta mater Ecclesia, hinc innovantes quæ a S. Tridentina sijnodo circa Scripluræ sacræ inlerprctationem prxcepla fuerc.

declaramus, in rébus fldei et morum, ad œdiflcationem doctrinæ christianæ pertinenlium, illum Scripturse sacræ verum habendum esse, quem ab Ecclesia injallibili verbi Dei custode ac interprète vel etiam unanimi consensione Patrum declaralum aut deflnitum esse constiteril. Un autre demandait l’omission des mots in rébus fldei et morum. Un troisième disait qu’il ne convenait pas de laisser voir qu’on avait corrigé le décret de Trente. D’autre part, tenir le sens que l'Église a tenu et tient n’est pas pratiquement une règle adéquate d’interprétation, quoiqu’on dise dans les notes, et la profession de foi de Pie IV y ajoute aussitôt, comme le concile de Trente, le consentement unanime des Pères. Aussi trois autres évêqucs demandent d’ajouter la mention de ce consentement, que la députationde la foi avait supprimé. Ibid., col. 124., J

Dans son rapport, Mgr Casser discuta les amendeS ments proposés. Aucune question n’a été plus fortement discutée dans les séances de la députation de la foi que celle de la forme à donner au décret. La forme négative a été écartée parce qu’elle ne suffisait pas à ' proscrire l’erreur que l’on voulait condamner. La for- [ mule positive suivant laquelle le sens d’un passage biblique est celui que l'Église a tenu et tient, ou encore celui que tient le consentement unanime des Pères, aurait pu être adoptée, car elle condamne très bien l’erreur qu’on veut proscrire et elle est certainement aussi dans l’esprit du concile deTrente. D’après Pallavicini, les Pères de Trente voulaient, en effet, imposer le sens biblique ainsi qualifié, et si néanmoins ils ont adopté la forme négative, ce fut pour exprimer avec quelque précision que l’interprète catholique peut en toute liberté proposer un nouveau sens d’un texte piblique, tant qu’il n’a pas constaté que l’esprit de l'Église, ou le consentement unanime des Pères, n’a pas défini dogmatiquement, comme nous disons, un passage de la Bible. La formule aurait donc pu être adoptée, et elle l’a été dans la profession de foi de Pie IV, qui est l’explication authentique du décret de Trente.

Cependant cette formule n’a pas été acceptée, ni dans les congrégations où on a discuté le premier scliéma, ni par la majorité dans les réunions de la députation de la foi, et cela pour deux causes. La première est que quelques Pères ont pensé que cette règle positive restreignait par une loi nouvelle la liberté de l’exégète catholique. La seconde est qu’ainsi on constituait comme deux tribunaux, celui de l'Église définissant dogmatiquement un passage biblique, et un tribunal de jugement privé, celui du consentement unanime des Pères, qu’il aurait fallu tenir obstinément, même contre le sens défini par l'Église.

La députation de la foi a donc déterminé que le sens tenu par l'Église était le véritable sens de l'Écriture, en ne mentionnant pas les Pères, pour écarter ainsi au moins une des difficultés précédemment rapportées. Mais cette forme déplut vivement à la minorité de la députationde la foi et aussi à plusieurs Pères dans les congrégations générales.

La députation présenta donc une nouvelle formule : Declaramus decretum hoc rénovantes, hanc illius (scilicet decreti) esse mentem, ut in rébus fldei et morum, ad œdiflcationem doclrinæ christianæ pertinenlium, is pro vero sensu sacræ Scripluræ habendus sil quem tenuit ac lenet sancta mater Ecclesia, cujus est judicare de vero sensu et inlerprelalione sacrarum Scripturarum, alque ideo nemini lirere contra hune sensum, aut etiam contra unanimem consensum Patrum ipsam Scripturam sacram inlerprelari. La formule nouvelle était, pour ainsi dire, double : la première partie proscrivait directement l’erreur qu’on voulait condamner, la seconde reproduisait simplement la formule négative du concile de Trente.