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INTERDIT


lentiæ, menace ceux qui violent une église ou un cimei tière par des actes qui exigent une réconciliation. Gan. 2329. Cet interdit se trouvait déjà dans le Décret de Gratien, part. II, caus. xvii, q. iv, c. Il ; Friedberg, t. I, col. 818.

2. Ab homine.

En dehors des interdits ferendæ sententiæ, que nous venons d’énumérer d’après le Gode, et qui sont en partie a jure, puisque le droit les prévoit, en partie ab homine, puisqu’ils ont besoin d’une sentence qui les applique, nous ne pouvons songer à citer les divers cas qui peuvent être sanctionnés par un interdit. Le Gode prévoit seulement les règles suivantes relatives soit à l’autorité qui peut prononcer l’interdit, soit aux formalités que doit revêtir la sentence d’interdit.

L’autorité qui peut porter l’interdit est nécessairement celle qui a pouvoir législatif ou judiciaire au for externe, c’est-à-dire l’autorité épiscopale. Gan. 2220, § 1. Le code ajoute même, ibid., ^ 2, que le vicaire général ne peut infliger aucune peine sans un mandat spécial. Mais tout interdit n’est pas de la compétence de l’évêque. Un interdit général, soit local sur le territoire d’un État ou sur tout un diocèse, soit personnel sur le peuple d’un État ou d’un diocèse ne peut être porté que par le Saint-Siège ou sur son ordre. L’évêque a le droit de prononcer un interdit, soit général sur une paroisse ou son peuple, soit particulier sur un lieu ou une personne. Gan. 2269.

La sentence d’interdit sera d’ordinaire précédée de toutes les formalités d’un jugement en forme. Mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Gomme les autres peines, l’interdit peut être prononcé sans jugement, par manière de précepte, à condition que le délit à punir soit certain. Gan. 1933, § 4

IV. Effets.

Pour comprendre la sentence d’interdit et savoir à qui et à quoi elle s’étend, quels en doivent être les effets, il faut avant tout en prendre connaissance et en étudier les termes. Il peut s’y trouver des précisions spéciales, dans le sens de la rigueur ou de l’indulgence, auxquelles on devra se conformer. Les règles qui suivent n’ont d’application qu’à défaut de ces précisions particulières ; elles serviront à interpréter les interdits prononcés par le code ou les sentences d’interdits prononcées sans autre explication.

Mais avant d’exposer la législation actuelle sur les effets de l’interdit, il n’est pas sans intérêt de voir ce que fut l’interdit dans le passé et de suivre les adoucissements successifs par lesquels il est devenu peu à peu ce qu’il est aujourd’hui.

Ancienne discipline.

Une sentence bien connue est celle par laquelle Pierre de Gapoue, légat d’Innocent III, frappa d’interdit le royaume de France en 1198. Elle a été publiée par dom Martène, Thésaurus anecdolorum, t. iv, col. 147, et reproduite par Migne, dans son édition des Gesta Innocenta papae III, P. L., t. ccxiv, col. xcvii, note 60. En voici les principales dispositions : les églises seront absolument fermées aux fidèles ; on n’y admettra personne que pour baptiser des enfants. Une seule messe y sera célébrée par semaine, le vendredi, pour consacrer la sainte Eucharistie pour les malades, et il n’y aura avec le prêtre célébrant que l’enfant qui répond à la messe. Aucune messe ne sera célébrée le dimanche ; au lieu de messe, une prédication devant l’église. Aucune messe non plus durant la semaine sainte ; le jour de Pâques seulement les prêtres pourront dire une messe, mais privée avec un seul servant. Aucune communion que la communion des malades en danger de mort. A Pâques même, on se contentera de réunir les paroissiens devant l’église pour leur annoncer la fin du carême et la permission de manger gras. — On ne refusera pas d’entendre les fidèles en confession, mais seulement sous le porche de l’église : tout au plus, s’il

n’y a pas de porche et que le temps soit mauvais^ pourra-t-on ouvrir la porte de l’église, et la confession aura lieu sur le seuil même. On ne donnera pas l’extrême-onction aux malades. On ne fera aucune sépulture en terre bénite.

Innocent III ne semble pas d’ailleurs avoir été disposé à mitiger beaucoup les sentences d’interdits de ses légats, sentences qui probablement ressemblaient beaucoup à celle que nous venons de citer. Il admet bien qu’une sentence d’interdit prononcée par un évêque ou un archevêque, sauf mandat spécial du Saint-Siège, ne puisse atteindre tel couvent, lib. I, epist. cxxxvii, P. L., t. ccxiv, col. 123 ; mais ailleurs, il donne au contraire à un évêque le pouvoir de soumettre tous ses diocésains, même les religieux, à une sentence d’interdit. L. I, epist. cxxxii, P. L., ibid., col. 120 ; epist. cclxv, col. 222. Il accorde à l’évêque de Pampelune de célébrer la messe ou de l’entendre tous les jours, malgré l’interdit général sur le royaume de Léon, mais « les portes closes, sans sonnerie de cloches et à voix basse. » L. I, epist. cclxxxvii, P. L., ibid., col. 244. Plus tard, en 1203, il permet aux moines de Saint-Germain-l’Auxerrois, au cas où l’un d’entre eux mourrait en temps d’interdit, « de sonner une seule cloche à ses obsèques, au jour même de l’enterrement, pourvu que les sonneries ne soient ni très espacées, ni prolongées. » L. VI, epist. xxiii, P. L., t. ccxv, col. 27. En 1208, la ville de Ferrare ayant été mise en interdit, et la sentence portant que tout sacrement était défendu, hormis le baptême des enfants et la pénitence pour les mourants, il déclare que l’on pourra également donner la confirmation. L. XI, epist. ccLxvii, P. L., t. ccxv, col. 1582 sq.

Si rigoureuse que fût cette discipline de l’interdit, elle semble douce en comparaison d’une sentence que porta Alexandre III en 1173 à propos des démêlés entre Henri II d’Angleterre et ses fils. Elle est terrible dans sa brièveté. Le roi doit, dans les quarante jours, rendre à ses fils leurs épouses ; sinon, toute la province où il les tient prisonnières sera mise en interdit de telle sorte que « tout office divin y cessera, hormis le baptême des enfants et la pénitence des mourants. Epist., Mvii, P. L., t. ce, col. 966.

Les plus importantes mitigations furent apportées par Boniface VIII (1293-1303) : avec lui la discipUne commence vraiment à se modifier et on ne se sent plus très loin de la discipline actuelle. Il permet, en temps d’interdit, de consacrer le saint chrême au jour du jeudi saint, Sexte, t. V, tit xi, c. 19, Friedberg, t. II, col. 1104 ; dans toutes les églises ou couvents, on dira les messes, on fera les ofiices comme auparavant, mais portes closes, sans sonnerie de cloches, et à voix basse ; bien plus aux quatre grandes fêtes, c’est-à-dire à Noël, à Pâques, à la Pentecôte et à l’Assomption, les portes seront ouvertes, on sonnera les cloches, on célébrera solennellement les offices : seuls les excommuniés n’y seront point admis. Ibid., c 24, Friedberg, t. II, col. 1106. Plus tard, à ces quatre fêtes, furent ajoutées l’octave du Saint-Sacrement, bulle Ineffabile de Martin V, 1429, et Excellentissimam, d’Eugène IV, 1433, Magnum Bullarium romanum, Luxembourg, t. ii, p. 308 et 323. D’après Ferraris, Prompta bibliolhêca, éd. Migne, t. iv, col. 769, Léon X aurait de plus excepté de l’interdit la fête de la Gonception de la sainte Vierge avec son octave ; mais nous n’avons pas trouvé la bulle qui contiendrait cette disposition.

Telles furent les principales mitigations qui furent apportées à la discipline des interdits : elles constituèrent le droit jusqu’au Gode de droit canonique qui les renouvelle, les complète ou sur certains points les modifie. G’est cette discipline actuelle, qu’il nous reste à étudier.

Discipline actuelle.

1, Effets de l’interdit local. —