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INTERDIT


son légat en Espagne, de jeter l’interdit sur le royaume de Léon pour forcer le roi Alphonse à se séparer de Bérengère de Castille avec laquelle il avait contracté un mariage que les lois de l’Église ne reconnaissaient pas. Regesta, t. I, epist. xcii ; t. II, epist. lxxv ; t. VII, epist. Lxvii et xciv ; P. L., t. ccxiv, col. 79 sq., 610 sq., t ccxv, col. 345 et 376. Toujours la même année, le même légat reçoit du pape l’ordre de jeter l’interdit sur le royaume de Navarre, s’il est vrai que le roi s’est aUié avec les Maures contre Alphonse de Castille. L. I, epist. xcii, P. L., t. ccxiv, col. 80.

Il est inutile de pousser plus loin cette enquête. Ce fut alors l’apogée du pouvoir de H papauté. Bientôt ce pouvoir décrut ; l’interdit porté contre un royaume serait une arme sans force au milieu d’aune société moins foncièrement chrétienne. Et d’ailleurs l’incroyable abus qui fut fait pendant quelque temps de ce moyen de coercition en avait singulièrement diminué la valeur. A force de frapper l’arme s’est émoussée. Au xve siècle, les papes voulant unir les forces de l’Europe contre la puissance des Turcs, brandissent encore quelquefois la menace de l’interdit ; ils n’osent plus guère en venir à la sentence proprement dite.

Et pourtant on eut, en plein xixe siècle, une preuve de ce que pourrait encore une pareille sentence. L’archevêque de Posen, Martin de Dunin, ayant été emprisonné pour avoir désobéi aux lois antireligieuses portées par le gouvernement prussien, le clergé de Posnanie pratiqua un véritable interdit dans toute la province, sans qu’une sentence pontificale l’ait prononcé (1839-1840). : » il ordonnait dans toutes les églises un deuil permanent ; et malgré les sommations royales, il aimait mieux payer amendes sur amendes que de rétablir ses pompes du culte. L’orgue était devenu sans voix et se refusait à célébrer Dieu tant que l’archevêque serait captif. » G. Goyau, L’Allemagne religieuse, le catholicisme, Paris, 1910, t. ii, p. 201. Ce fut un des épisodes de la lutte par laquelle l’Église d’Allemagne reconquit sa liberté.

III. Intebdits en vigueur.

L’interdit peut être porté par le droit ou par une sentence judiciaire, a jure ou ab homine.

A jure.

Le droit ancien contenait un assez grand nombre d’interdits. Ferraris, loc. cit., col. 765767.

Parmi ceux que connaissait le Corpus juris, i faut citer au moins les cinq interdits locaux généraux portés : 1. contre les provinces ou royaumes dont les chefs empêcheraient les légats ou nonces apostoliques de remplir leur office, Extrav. comm., t. I, tit. i, c. i, Friedberg. Corpus juris, t. ii, col. 1237 ; 2. contre toute ville, à l’exception de Rome, qui attaque des cardinaux ou prête secours et aide à des agresseurs de cardinaux, Sexte, t. V, tit. ix, c. 5, ibid., col. 1093 ; 3. contre le territoire d’un prince qui a frappé, banni ou emprisonné son évoque, contre les lieux où cet évêque sera retenu en prison. Clément., t. V, tit. viii, c. 1, ibid., col. 1188 ; 4. contre la ville où doit se tenir le conclave et qui empêche d’observer les règles prescrites pour l’élection du pape, Sexte, t. I, tit. vi, c. 3, ibid., col. 948 ; 5. contre les villes qui admettent l’usure ou contre les domaines de ceux qui favorisent les usuriers, Sexte, t. V, tit. v, c. l, ibid., col. 1081.

Dans la législation décrétée par le concile de Trente pour la réforme de l’Église, deux nouveaux interdits furent prononcés : 1. contre le chapitre qui donnerait des lettres dimissoriales sans nécessité, avant une année de vacance du siège épiscopal, sess. vii, c, 10, De reformatione ; 2. contre le métropolitain ou à son défaut, l’évêque le plus ancien de la province, qui ne dénoncerait pas dans les trois mois un évêque manquant plus d’un an, sans motif ou permission, à la loi

de la résidence : l’évêque ou le métropolitain négligent était frappé d’un interdit ab ingressu ecclesiæ, sess. VI, c. 1, De reformaUone.

Ces deux interdits du concile de Trente furent maintenus dans la constitution Apostolicæ sedis du 12 octobre 1869. De tous les interdits antérieurement portés

  • par le droit, elle ne gardait que les suivants : 1. les collèges,

universités ou chapitres qui feraient appel des ordres du pape à un futur concile général étaient frappés d’un interdit spécialement réservé au pape, const. Apostolicæ sedis, § 6, n. 1 (interdit porté précédemment par la bulle dite Cœnee, c. 2) ; 2. ceux qui célébreraient ou feraient célébrer des offices divins dans des églises ou autres lieux interdits, ou qui admettraient aux offices divins, aux sacrements ou à la sépulture ecclésiastique des personnes excommuniées nommément, seraient frappés d’un interdit ab ingressu ecclesiæ, jusqu’à ce qu’ils aient accompli les satisfactions exigées par celui dont ils auraient méprisé la sentence, const. Apostolicæ sedis, § 6, n. 2 (interdit porté par les Décrétales de Grégoire IX, t. V, tit. xxvii, c. 7, Friedberg, t. ii, col. 831).

A ces quatre interdits de la constitution Apostolicæ sedis et du concile de Trente, la constitution Romanus ponlifcx du 28 août 1873 en ajoute un cinquième : interdit ab ingressu ecclesiæ spécialement réservé au pape contre ceux qui, revêtus du caractère épiscopal, admettraient au gouvernement d’un diocèse le candidat nommé ou présenté, avant les lettres apostoliques qui lui conféreraient l’institution.

Le Code de droit canonique a considérablement modifié sur ce point la législation antérieure :

!. Il maintient l’interdit ipso facto, spécialement réservé au pape, contre les universités, collèges, chapitres ou autres personnes morales, sous quelque nom qu’on les désigne, qui feraient appel des décrets du pape régnant à un futur concile général. Can. 2332 (les mots en italiques ont été ajoutés par le Code).

2. Il fait revivre un interdit prononcé par l’ancien droit, qui atteint ipso facto et personnellement les personnes coupables du fait qui a motivé un interdit collégial ou local. Can. 2338, § 4 (Sexte, t. V, tit. vii, c. Il ; tit. XI, c. 24, Friedberg, t. ii, col. 1089 et 1106).

3. Il prononce un interdit nouveau, mais ferendæ sententiæ, contre ceux qui, pour voler ou dans toute autre intention coupable, violent des cadavres ou des sépultures. Can. 2328.

4. Même menace contre ceux qui, pendant un premier mariage, essaient d’en contracter un second, même purement civil, si, avertis par l’ordinaire, ils persévèrent dans leur union illégitime. Can. 2356.

5. Il prononce un interdit ipso facto, ab ingressu ecclesiæ, réservé à l’ordinaire, contre ceux qui, sans y être forcés, donneraient la sépulture ecclésiastique à des infidèles, apostats, hérétiques, schismatiques, excommuniés ou interdits, à moins qu’avant de mourir ils n’aient donné des signes de repentir. Can. 2339. Ainsi se trouve précisée et quelque peu modifiée la teneur de la constitution Apostolicæ sedis, § 6, n. 2, in fin.

6. Un interdit ipso fado, ab ingressu ecclesiœ^ mais non réservé, est porté contre ceux qui sciemment célèbrent ou font célébrer des offices divins dans des lieux interdits ; contre les cures ou gardiens responsables qui admettent à célébrer des offices divins qui leur sont défendus, des clercs excommuniés, interdits ou suspens, après une sentence qui les condamne ou les déclare tels ; l’interdit ne peut être levé que quand les coupables auront accompli une satisfaction convenable, au gré de celui dont ils ont méprisé la sentence. Can. 2338, § 3. C’est à peu près la reproduction de la constitution Apostolicæ sedis, § 6, n. 2.

7. Un interdit ab ingressu ecclesiæ, mais ferendæ sen-