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INTENTION


sèment du rite extérieur, ne peut, par conséquent, suffire. Cette conclusion se dégage surtout d’un passage du chapitrevi de la session XI V « du concile de Trente : » Que le pénitent ne présume point de sa foi, à ce point qu’il pense être absous, lors même que le prêtre n’a pas l’intention d’agir sérieusement et d’absoudre en réalité. » La volonté d’absoudre représente sans doute l’intention interne, ou celle dont l’objet comporte autre chose que le rite extérieur, la rémission du péché, Mais pourquoi les deux incises : animas serio agendi et vere absolvendi ? Ou bien elles se complètent, ou bien elles sont synonymes ; si elles ont même signification, agir sérieusement ici revient à absoudre ; si elles se complètent, il est nécessaire que l’intention d’absoudre s’ajoute au rite sérieusement accompli : dans les deux cas l’intention interne est requise.

La condamnation par Alexandre VIII, en 1690, d’une proposition de Farvaques : i ! Valide est le baptême conféré par un ministre qui observe tout le rite extérieur et garde la forme du sacrement, mais dit fermement à part soi : Je n’ai pas l’intention de faire ce que fait l'Église, » porta à la doctrine de Catharin un coup à peu près décisif. Voir Alexandre VIII, t. I, col. 761. Catharin n’avait jamais rien avancé d’aussi catégorique touchant l’intention du ministre en son for intime ; la condamnation ne le visait donc pas personnellement, comme Rome l’a d’ailleurs déclaré. Toutefois son opinion, depuis lors gravement atteinte, ne cessa de perdre de son crédit, et < presque personne aujourd’hui, dit Pourrai, n’ose l’adopter franchement. » La théologie sacramentaire, p. 357.

Assurément il ne peut être question de la suivre en pratique. Car, lors même qu’elle demeurerait probable, il est prescrit dans l’administration des sacrements d’opter pour le parti le plus sûr. Si donc, contrairement à ce grave précepte, un sacrement a été conféré sans intention intérieure, il doit être réitéré sous condition, s’il est un de ceux qu’on ne reçoit qu’une seule fois et qui sont d’une suprême importance, comme le baptême ou l’ordination, à moins qu’on ait tout le temps de consulter le Saint-Siège sur la conduite à tenir. Le P. Pesch. estimant l’opinion de l’intention externe à peu près dénuée de toute probabilité, pense même que, si l’intention intérieure a fait certainement défaut, on pourra réitérer ce sacrement absolument. De sacramentis, 1. 1, th. I, n. 287.

L’intention doit être intérieure. Elle requiert encore d’autres qualités sans lesquelles un sacrement ne peut être valide. Comme nous les avons précédemment définies, il nous suffira de formuler les principes. L’intention actuelle est fort désirable, mais non indispensable à la validité d’un sacrement, personne ne pouvant se promettre de conférer le rite sans distraction. L’intention virtuelle suffisante est requise. Un ministre même distrait agit encore avec une volonté raisoimable et fibre. C’est assez d’une décision antérieure qui continue d’influer sur l’action sacramentelle et sur son elTet. Pourvu que la distraction n’empêche pas le ministre d’accomplir tout l’essentiel du rite, le sacrement qu’il confère est vafide. Ni l’intention habituelle ni l’intention iiilerprélative, telles qu’elles ont été définies plus haut, ne suffisent ; car elles ne comportent ni l’une ni l’autre une action ou réelle ou raisonnable du minisire. Parce que les sacrements ne sont conférés que d’une façon concrète et particulière, il faut que l’intention soit déterminée, ou se rapporte sans confusion possible à une personne et à une matière distinctes. Les paroles mêmes de la forme : je te baptise, je Tabsous, ceci est mon corps, l’exigent. Il est nécessaire enfin que l’intention soit absolue, au moins équivalemment. Autrement th t, si quelque condition est apposée, elle ne doit en aucun cas empêcher l’intention

d'être absolue, au moment oii le sacrement se confère. La condition pourra donc être un fait passé ou présent, mais non, si toutefois on excepte le cas particulier du mariage, un fait futur qui tiendrait en suspens l’effet sacramentel. L’intention conditionnelle, ainsi définie, est licite si le ministre a un motif sérieux d’y recourir, et qu’il s’agisse d’un sacrement nécessaire ou grandement utile.

2 » Du côté du sujet. — 1. Nécessité. — Pour recevoir les sacrements dont ils sont capables, aucune intention n’est requise des enfants qui n’ont pas encore la raison, ni des adultes qui ne l’auront jamais. C’est l’enseignement de tous les théologiens et la pratique universelle et constante de l'Église. Ces créatures destinées au bonheur du ciel, ne peuvent produire aucun acte humain qui le leur assure. Cependant voici les sacrements, qui agissent ex opère operato en tous ceux qui n’y mettent pas d’obstacle. Le Christ donc, par le ministère de l'Église, remet à ces sujets inconscients, un péché qu’ils n’ont point personnellement commis, et il leur fait don de sa grâce. Le baptême, la confirmation, l’eucharistie et l’ordre sont les quatre sacrements qu’on peut leur conférer, au moins validement.

A un adulte qui a l’usage de la raison, un sacrement ne peut être validement conféré, s’il n’a l’intention de le recevoir. La jusUfication pour les adultes a lieu « parune réception volontaire de la grâce etdes dons », per voluntariamsusceptionem gratiæ et donorum, comme le déclare expressément le concile de Trente. Sess. VI, c. ai. La jusliflcation exige aussi, de leur part, une préparation ; or, parmi les dispositions préparatoires le saint concile mentionne entre autres : « le propos de recevoir le baptême, dum proponunt suscipere baptismum. a Ibid., c. vi. L’intention est donc nécessaire. La doctrine des théologiens est, on peut dire unanime, sur ce point, et l'Église l’a sanctionnée au moins pratiquement. Et l’intention requise suppose un acte positif de volonté. Autrement, l’attitude de neutralité passive qui consiste à se prêter à l’administratoin du rite sacramentel, sans le repousser ni le vouloir, ne suffit pas. Cajélan avait soutenu la théorie de la voluntas neutralis ; son opinion singulière fut communément rejetée par les docteurs.

On objecte à la doctrine de la nécessité de. l’intention dans le sujet, un certain nombre de faits historiques contraires, par exemple, des ordinations imposées de force. Combien de saints personnages, que l’honneur du sacerdoce ou le fardeau de l'épiscopat épouvantaient, il a fallu contraindre à se laisser ordonner I On ne triomphait souvent de leur résistance prolongée que par la ruse et la violence. Même alors, répondrons-nous, on ne leur imposait pas les mains sans une intention suffisante de leur part. Saint Augustin, qui les avait expérimentés pour luimême, a dit de ces procédés violents, qu’ils avaient pour but d’amener ceux qui en étaient dignes, à accepter volontairement l’ordination sacerdotale. Si parfois des ordinations ont été sans valeur, à cause du refus persistant des élus, ce sont là des exceptions regrettables dont l'Église n’a pas à répondre, et qui n’infirment pas la doctrine de l’intention. — Plus difficile à résoudre est le cas de certains baptêmes reçus par contrainte, soit au vu » siècle, en Espagne, où le pieux roi des Wisigoths Sisebut, forçait les juifs à se convertir, soit, au vine siècle, chez les Saxons que Charlemagne obligeait au baptême sous peine de mort, soit enfin au début du xiiie siècle, alors qu’on sévissait contre les infidèles et les juifs. Le IV « concile de Tolède et le pape Adrien I^' ont conclu, chacun de leur côté, à la validité des baptêmes conférés sous l’empire d’une crainte grave. La réponse du pape Innocent III à la consultation de l’archevêque d’Arles, est