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INTENTION


et de l’ordre le plus élevé ; elle requiert aussi, de ce chef, une application des facultés d’intelligence et de volonté, une intention vraie. — La nature et la fin du rite sacramentel la supposent non moins nécessairement. La matière d’un sacrement, en soi, est indifférente à signifier ou à ne pas signi fier l’eflet sacré ; l’ablution, par exemple, peut servir à diverses fins, à laver ou à rafraîchir Sans doute, la forme ou les paroles déterminent le sens sacramentel de la matière, mais non parfois avec autant de précision et de relief qu’il le faudrait : l’intention du ministre contribue ; rendre impossible toute équivoque. Au surplus, bien que les paroles de la forme oient un sens objectif, elles n’expriment réellement ce sens, que si on le leur donne par l’intention. Cette raison fera plus d’impression, si l’on songe que les paroles de la forme n’ont pas, comme l’ont prétendu les théologiens de la Réforme, le sens précisément d’une exhortation ou d’un appel à la foi du sujet, mais bien une valeur consécratoire et pratique, qu’elles doivent opérer ce qu’elles signifient. Elles ont besoin, à cause de leur efficacité même, d’ufie volonté qui leur fasse atteindre leur but, en tl’autres termes, d’une intention en celui qui les prononce. Ne serait-il pas ridicule de soutenir, conformément à la thèse protestante, que si un prêtre, ayant devant lui du pain et du viii, récite le chapitre XXVI de saint Matthieu, il consacre ; ou que si une mère lave son enfant en invoquant la Trinité, elle le baptise ?

L’intention dans le ministre de faire ce que fait l'Église, est nécessaire pour qu’un sacrement soit validement conféré. Le concile de Trente l’a défini contre Luther, mais sans se prononcer sur les qualités que doit avoir cette intention, sans préciser, en particulier, si elle doit être intérieure. Il a donc laissé subsister le problème, que peut-être suint Augustin, quoique d’une façon un peu différente, avait posé, qu’avaient résolu différemment au xiie siècle Roland Bandinelli et Hugues de Saint-Victor, qu’avaient remis en honneur, avec une acuité nouvelle, peu après le concile de Trente, Catharin et quelques autres, et au sujet duquel l’ensemble des théologiens modernes s’est nettement prononcé.

2, Qualités. — L’intention de faire ce que fait l'Église peut être de deux sortes. Le ministre du sacrement veut en accomplir intégralement et sérieusement le rite extérieur, c’est-à-dire appliquer la matière requise et prononcer les paroles indispensables de la forme, sans songer à autre chose, ou même avec l’intention positive, dans son for intérieur, de s’amuser, de ne pas conférer le sacrement ; Il n’a alors que l’intention dite extérieure. Ou bien le ministre, non content d’accomplir l’acte sacramentel dans sa matérialité, le veut comme un rite du Christ et de l'Église, ou comme un rite religieux en usage parmi les chrétiens, et c’est l’intention dite intérieure. Évidemment l’opposition entre ces deux formes d’intention provient, non du sujet, puisque toute intention est un acte intérieur de volonté, mais de l’objet, qui est dans un cas la réalité visible du rite et dans l’autre, la réalité invisible que le Christ ou l'Église ont en vue. Ni l’une ni l’autre, l’intention extérieure pas plus que l’intention intérieure, n’ont rien de commun avec colle que Luther préconisait, ostensiblement bouffonne, simple parodie de la pensée du Christ et de l'Église, et que le concile a condamnée. On peut donc se demander si l’intention intérieure est absolument nécessaire pour que le sacrement soit valable, si l’intention extérieure ne suffirait pas. Telle est une question que le concile n’a pas tranchée, l’abandonnant aux discussions des théologiens.

Ambroise Catharin, de l’ordre de saint Dominique et théologien du concile, dans un opuscule qui a pour

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

titre : De necessuria inlenlione in perfuiendis sucramentis, et qu’il écrivit en 1547, à Trente même, soutint que l’intention intérieure n’est pas requise, que la volonté d’accomplir sérieusement le rite extérieur du sacrement suffit pour sa validité. On n’avait pas encore défini le problème avec autant de précision, ni défendu la position adoptée, par des raisons aussi impressionnantes. L’opuscule de Catharin parut à Rome, en 1552, dans son ouvrage De inlenlione ministri, et ne souleva pas de protestation.

L’opinion de Catharin a rallié de nombreux défenseurs : probablement le jésuite espagnol Salmeron († 1585), certainement l’augustin F. Farvaques, professeur à Louvain († 1689), Gaspar Juenin († 1713), le P. Serry († 1738), Contenson († 1764), Drouin († 1742), et de nos jours, le docteur allemand Oswald, Les divers tenants de la pensée de Catharin ont cru cependant devoir la rendre plus acceptable. Il en est résulté parmi eux, sur plus d’un point, des nuances ou même des divergences d’opinion. Les uns n’admettent, par exemple, que pour le baptême la théorie de l’intention extérieure, parce que le baptême peut être conféré par un ministre sans caractère sacré. Les autres pensent que l’intention externe suffit dans les sacrements, où la forme exprime une action accomphe par le ministre, mais non pour l’eucharistie, la formule consécratoire, Ceci est mon corps, ne signalant pas la fonction ministérielle du prêtre. Selon d’autres encore, l’opinion ne s’applique pas au sacrement de mariage, qui ne peut être valide sans une intention intérieure des contractants ; car les contractants remplissent chacun un rôle d’agent principal, et non de simple instrument. Même ceux qui tiennent l’intention extérieure pour suffisante, en n’importe quel sacrement, se divisent au sujet des circonstances qui doivent marquer l’accomplissement sérieux du rite. Pourvu que le ministre accomplisse sérieusement tout le rite, il est sans intérêt pour la validité du sacrement, que ce soit dans un lieu et avec une solennité détermines, soutient un groupe plus avancé. Non, contestent la plupart ; car la volonté dans le ministre d’accomplir sérieusement le rite a besoin de s’affirmer par un ensemble de circonstances, telles que la présence dans une église, le cérémonial accoutumé, sur invitation de conférer un sacrement.

A l’appui de leur opinion Catharin et ses partisans ont allégué des raisons qui ne sont pas sans valeur. Celui qui opère sérieusement le rite sacré leur semblait agir comme ministre du Christ, faire vraiment ce que veut l'Église, c’est-à-dire appliquer la matière et la forme au sujet, comme ils l’ont prescrit. L’effet suivait de là, indépendamment de l’intention du ministre, comme l’effet d’une cause naturelle en certaines circonstances déterminées se produit nécessairement. On aurait beau, approchant le feu d’un paquet d'étoupes, ne vouloir point que l’incendie s’allume, on ne l’arrêterait pas. Ainsi en est-il du rite extérieur que le ministre a posé, vis-à-vis de la grâce que ce rite confère ex opère operalo. La même conclusion découlait si l’on tenait compte, d’autre part, de la constitution de l'Église. Quelle forme le Christ lui a-t-il donnée, sinon celle d’une société extérieure et visible, faite pour unir entre eux, non des anges, mais des hommes ? Or une société de ce genre est régie par une administration qui expédie toutes les affaires extérieurement, bien que d’une façon sérieuse. Pourvu que les formalités légales qui règlent les conventions soient observées, les dépositaires de l’autorité n’ont cure de l’intention intérieure. Une signature régulière est valable, même si quelqu’un l’a donnée en se riant, en protestant dans son for intime qu’il ne s’engage à rien. La sentence qu’un juge, dans l’exercice de ses fonctions a prononcée avec toute la solennité requise,

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