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interincdiaires, objet de nos actes bons. « Il faut considérer, ajoute encore saint Thomas, que, si la vertu de la cause première demeure dans les causes subordonnées, l’intention de la fin principale demeure aussi virtuellement dans toutes les fins secondaires ; et voilà pourquoi quiconque poursuit une fin secondaire, par le fait même dirige virtuellement son intention vers la fin principale. Lors donc qu’un homme s’est ordonné lui-même à Dieu, comme à sa fin dernière, l’intention de cette fin qui est Dieu, la bonté souveraine, demeure virluellement dans tout ce qu’il fait pour lui-même (propler se) ; et, par conséquent, il peut mériter en tout, s’il a la charité. Et c’est en ce sens que l’apôtre nous fait une loi de tout rapporter à la gloire de Dieu. » S. Thomas, ibid. Ainsi donc il y aura relation virtuelle, au sens de saint Thomas, si la fin particulière de nos actes s’harmonise ou se coordonne avec la fin suprême, et si, après nous être donnés à Dieu, nous et tout ce qui est à nous, par un acte de charité, nous lui demeurons habituellement (habita) ordonnés, autrement dit, si nous possédons sa grâce dans notre âme et sa charité dans notre cœur. Aurons-nous besoin de renouveler souvent l’acte de charité qui nous ordonne à notre fin ? L’olïrande et la donation de tout nous-mème.. à Dieu, ne pourront-elles être maintenues qu’à cette condition ? A parler absolument et au point de vue du mérite, non. Il suffu-a que nous soyons fidèles, en temps voulu, au précepte de l’amour envers Dieu. S. Thomas, Sum. Ihenl., I » Il^e, q. cxiv, a. 4 ; II’^-II-’e, q. cxxiv, a- 2, ad 2^’^"^ ; q. clxxxii, a. 2 ; Quæst. disp., De potentia, q. ^, a. 9 ; De main, q. ii, a. 5 ; q. ix, a. 2 ; In IV Sent., t. II, dist. XL, q. i, a. 5 ; De caritate, q. un., a. 5, 11.

Les auteurs de théologie morale et d’ouvrages ascétiques ont raison d’encourager la pratique et de pousser au renouvellement de ce qu’ils nomment la bona intentio. Leurs exhortations vont à procurer davantage la gloire de Dieu, à faire pratiquer aux fidèles une vie plus parfaite, à amplifier la valeur méritoire de leurs œuvres. Qu’ils se gardent cependant de transformer en conditions rigoureuses du mérite, ce qui n’est que conseillé ou ce qui simplement intensifie Ci dernier.

V. L’intention dans l’.administration et l’usage DES SACREMENTS. — 1° Du côté dii ministre. — 1. Nécessité. — Le concile de Trente a défini contre les protestants la nécessité, dans le ministre qui confère un sacrement, de l’intention de faire ce que fait l’Église : Si quis dixerii in ministris, dum sacramenta conficiunt et conjerunt, non requiri intentionem saltem faciendi quod facit Ecclesia, anathema sit. Sess. VII, can. 11. Par cette déclaration solennelle une seule erreur était condamnée, mais tout le bloc des conceptions sacramentaires de la Réforme était logiquement atteint. — L’intention du ministre n’importe aucunement, suivant Luther ; car le rite sacramentel, prétend-il, n’a point de valeur propre ou d’efficacité objective. Sorte de prédication évangélique en action, il ne sert qu’à éveiller la confiance dans les promesses du Sauveur. Ce n’est donc point un acte sacré du Christ, qui exige, pour être valable, en celui qui le représente et agit en son nom, un caractère officiel, ni même la volonté de se conformer à ses intentions. Le sacrement, ne dépendant que de la foi du sujet, n’a pas besoin d’être donné, mais d’être reçu, au nom du Seigneur. Que le ministre soit prêtre ou laïque, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, qu’il agisse par feinte ou par dérision o tensible, si le rite est accompli, la promesse divine suffisamment rappelée à la mémoire de qui le reçoit et la foi éveillée dans son âme, l’effet du sacrement est tout entier produit. L’Église, en opposant à ces théories protestantes sa doctrine de l’intention, faisait revivre du même coup la notion véritable du sacre ment, le rôle nécessaire du ministre, et sa mission à elle, mandataire fidèle des volontés du Christ.

Le ministre du sacrement doit avoir l’intention de faire au moins ce que fait l’Église. Qu’est-ce à dire ? Cette intention en celui qui confère un sacrement ne suppose pas forcément, ni qu’il en sait la nature, ni qu’il croit à son efficacité, ni même qu’il reconnaît la m véritable Église du Christ. C’est la volonté de faire fl ce que le Christ a voulu, de suivre la pratique de la

société fondée par lui, quelle qu’elle soit, ou même d’accomplir un rite religieux en usage parmi les chrétiens. Rien donc n’empêche qu’un protestant qui nie la vérité de l’Église romaine, qu’un païen qui en ignore absolument l’existence, qu’un impie aux yeux de qui les sacrements ne sont rien, n’ait l’intention implicite et confuse de faire ce que fait l’Église.

Avant que le concile de Trente eût défini le dogme de la nécessité de l’intention, l’Église, en plus d’une J circonstance, avait dû le proposer à la croyance des m fidèles et surtout le défendre contre les hérétiques. La profession de foi que le pape Innocent III obligeait les vaudois de souscrire, lorsqu’ils revenaient à l’Église catholique, affirme très clairement la nécessité de l’intention, dans le prêtre qui consacre l’eucharistie. Être prêtre et prononcer les paroles du canon de la messe avec une intention fidèle, telles sont trois conditions nécessaires à la consécration eucharistique, y est-il rappelé. Voir Denzinger-Bannwart, Enchiridion, II. 424. Le pape Martin V, dans sa bulle Inter cunclas (1418), prescrit qu’on interroge les gens suspects d’être tombés dans les erreurs de Wiclefî et de Jean Huss, leur demandant s’ils croient qu’un prêtre indigne, accomplissant comme il faut le rite sacramentel avec V intention de faire ce que fait l’Église, consacre, absout, baptise, administre les sacrements d’une manière valable. Ibid., n. 672. Selon le pape Eugène IV, dans le Décret aux Arméniens, les sacrements se composent de matière, de forme et de la personne du ministre, conférant le rite avec l’intention de faire ce que fait l’Éqlise ; faute de quoi le sacrement n’est pas accompli. ift/rf., n. C95.

Le dogme de la nécessité de l’intention, si nettement exprime, n’est que la mise en relief ou l’explicitation d’une doctrine contenue dans l’enseignement et la pratique des premiers siècles, à savoir, que le ministre des sacrements, évêque ou prêtre, représente le Christ et son Église. Des apôtres cpii baptisaient et faisaient baptiser « au nom de Jésus », qui célébraient « le repas du Seigneur », à la controverse donatiste qui précisa les rapports du ministre avec l’Église et de l’Église avec le Christ, la même affirmation se reproduit à la façon d’un écho. L’évêque ou le prêtre ne sont que des fondés de pouvoir. Leur fonction dans la célébration des rites dont le Christ est déclaré l’auteur, est simplement ministérielle. D’où, l’obligation pour eux, dans la collation d’un sacrement, d’agir dans la dépendance de l’autorité qu’ils incarnent, d’observer ce que le Maître a fait lui-même ou ordonné de faire, autrement, de conformer leurs intentions aux siennes. Cette conclusion les docteurs du xii « et du xiiie siècle la tireront immédiatement et sans trop de peine, de la donnée scripturaire et patrislique.

A l’argument traditionnel s’ajoutent les raisons théolor/iques que la spéculation a assemblées et que répètent à peu près tous les manuels. Dieu respecte la nature des instruments dont il se sert. L’homme étant un être raisonnable et libre, si Dieu l’emploie dans l’administration des sacrements, ce ne peut être à la manière d’une force aveugle. Il lui demande, au contraire, de subordonner son action propre à l’action divine, d’agir avec une volonté, à la fois dépendante et autonome, autrement dit, avec une intention. — Au reste, la collation d’un sacrement est un acte moral