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INTEMPERANCE — INTENTION


scriptioiis de la raison et de la loi divine, parmi les plaisirs sensuels, ceux qui se rapportent au goût et au toucher. Il consiste donc, en premier lieu, dans l’amour déréglé du boire et du manger. Tous les excès condamnables, en matière de nourriture et de boisson, sont désignés sous le nom particulier de gourmandise. Si l’usage immodéré du boire détermine, en outre, la perte de la raison, c’est le péché d’ivresse ; et, quand il est passé en habitude, le fait de s’enivrer s’appelle le vice de l’ivrognerie. Voir Gourmandise, t. vi, col. 1520-1525 ; Ivrksse, Ivrognerie, L’intempérance comprend, en second lieu, la recherche coupable des plaisirs de la chair. Les voluptés charnelles, en dehors du mariage, sont formellement défendues par Dieu. Dans le mariage même, on ne peut en user sans règle, contrairement aux défenses de la raison et de la loi divine. Les infractions, dans l’un et l’autre cas, se rapportent au péché ou au vice de l’intempérance. Voir Luxure et Époux (Devoirs des), t. v, col. 374-386.

Malice.

Saint Thomas a dit de l’intempérance qu’elle représente le péché, non assurément le plus grave, mais le plus honteux, ma.r/me exprobrabile. Et il en donne deux raisons. Et d’abord, ce péché est le plus contraire à la dignité de l’homme, maxime répugnai excellenliæ hominis, puisque c’est la recherche aveugle de plaisirs qui nous sont communs avec les bêtes. De celui qui se livre au vice dégradant de l’intempérance, n’est-il pas juste d’avancer, avec le psalmiste : Homo cum in honore esset, non intellexit ; comparalus est jumentis insipientibus, et similis factiis est illis ?, Ps. XLviii, 21. L’intempérance est encore la négation, en quelque manière, du glorieux privilège de la raison. Dans les délectations qui sont l’objet passionné de ce vice, il n’entre pas le plus faible rayon de lumière intellectuelle, de cette lumière d’où la vertu tire fou t son lustre et toute sa beauté : in delcctationibus circa quas est inlempcrantia, minus apparcl de lumine rationis, ex qua est tota claritas et pulchritndo virtutis. Sum. theol., 11'^ U'^, q. cxlii, a. 4.

L’intempérance est un thème que les moralistes ont souvent exploité, en en montrant les turpitudes et les conséquences désastreuses. La santé qu’elle détruit dans l’individu et les tares congénitales qu’elle transfuse à sa postérité, la désunion et la ruine qu’elle occasionne dans les familles, les facultés mentales qu’elle hébété, l'énergie du caractère qu’elle détend, les vices qui en sont le cortège habituel : mensonges, tromperies, blasphèmes et incrédulité, la triste fin de ceux qui en sont victimes ; ils n’ont rien omis de ce qui pouvait en donner une impression terrifiante. Non moins redoutables, capables davantage d'émouvoir le chrétien, sont les avertissements, les menaces et les condamnations que contiennent nos saints Livres. « Faites donc attention à vous, recommande le Sauveur, de peur que vos cœurs ne s’appesantissent par l’excès des viandes et du viii, par les soucis de cette vie, et que ce jour ne vienne soudainement sur vous. » Luc, xxi, 34. « Malheur à vous qui êtes rassasiés ! » a déclaré Jésus-Christ. Luc, vi, 25. Et saint Paul affirme que les ivrognes n’entreront pas dans le royaume des cieux, I Cor., vi, 10, que celui qui sème dans sa chair, recueillera de la chair la corruption. Gal., VI, 8.

S. Thomas, Sum. Iheol., Ila-II.-B, q. cxLii, a.4 ; Lehmkulil, Theologia moralis specialis, t. i, part. I, t. II, div. II, sect. IV, n. 716 ; Marc, Instituliones morales alphonsiana ;, 1. 1, part. I, tr. V, c.ii, a. 1, n. 407, n. 2.

A. Thouvenin.

    1. INTENTION##


INTENTION. — 1. Notion. II. Espèces. III. Source de moralité. IV. Source de mérite. V. Dans l’administration et l’usage des sacrements.

I. Notion.

L’intention, au rapport de saint

Thomas, est un des trois actes de la volonté qui regardent la fin. A la différence du simple vouloir qui s’y complaît et y adhère d’une façon absolue sous la raison de chose aimable, de la fruition ou jouissance qui s’y repose délicieusement comme dans un bien possédé en quelque manière, l’intention la poursuit comme un terme à atteindre et par les moyens qui y acheminent. L’intention est essentiellement une impulsion, un élan, ou le ressort de la volonté tendue vers un but. Elle implique cependant un acte de l’intelligence. Il appartient à cette faculté de fixer le terme de la poursuite et, avant tout mouvement, d’arrêter l’ordre de marche. D’où la définition qu’en donne saint Thomas : Vnde hoc nomen intentio nominal actum voluntatis, præsupposita ordinatione rationis ordinanlis aliquid in flnem. Sum. theol., l'^-ll^, q. xii, a. 1, ad 3um. La conscience du but où elle tend, a fait désigner l’intention par les termes d’oeil et de lumière, par application de la métaphore scripturaire ; sioculus luus fuerit simplex…, si ergo lumen quod in te est tenebrie sunt , Matth., vi, 22, 23. Par cet œil intérieur qui nous éclaire, qu’il faut empêcher de s’enténébrer, entendons l’intention, dit saint Augustin commentant ce passage de l'Évangile.

Ce n’est pas seulement la fin dernière que fixe le regard de l’intention ; avec elle et au-dessous d’elle il vise quantité de fins intermédiaires, étapes où la volonté se porte en vertu de l’impulsion première et toujours agissante qui l’entraîne vers la béatitude. Ces objectifs particuliers se multiplient même à l’infini. Considérés dans leur rapport avec une fin qui les commande, ils deviennent autant de moyens propres à l’obtenir. « Comme nous l’explique encore saint Thomas, la fin et les moyens sont l’objet d’un seul et même acte intentionnel de volonté. Dans l’acte d’intention les moyens sont, non pas déterminés et voulus avec précision, mais connotés, au moins d’une façon confuse, en même temps que la fin. C’est un acte spécial et distinct de la volonté, autrement Vclection, qui les arrêtera définitivement. Car il y a cette différence entre l'élection et l’intention que « l'élection porte premièrement sur les moyens tandis que l’intention porte premièrement sur la fin ; et cependant la fin est connotéc dans l’acte d'élection, comme les moyens sont connotés dans l’acte d’intention. » Th. Pègues, Commentaire français littéral de la Somme théologique, t. VI, p. 360. Voir Élection, t. iv, col. 2242.

La philosophie de l’intention est à peine soupçonnée dans la notion qu’en donnent les manuels, notion d’ailleurs suffisante pour les applications theologiques que ceux-ci ont en vue : l’intention est l’acte volontaire par lequel nous décidons de faire ou d’omettre une chose.

II. Espèces.

On peut envisager l’acte même de l’intention, son objet ou la façon dont la volonté s’y porte. De là diverses sortes d’intention que les auteurs de théologie morale ont pris soin de définir.

1° Considérée en soi, l’intention est actuelle, virtuelle, habituelle, ou interprétative. Elle est actuelle ou du moment, lorsqu’on veut avec attention, consciemment, ce que l’on fait ou décide. Elle est virtuelle, quand on agit en vertu d’une décision antérieure, sans y songer présentement, ou en état de distraction. Les intentions actuelle et virtuelle ont ceci de commun qu’elles déclanchent toutes deux le mouvement de la volonté ; elles dilTèrent par la façon dont s’exerce leur influence. Dans l’une, tout s’accomplit au moment de la décision et avec la vue directe ou réflexe ; dans l’autre la décision a précédé, mais persiste, ou même s’exécute par une sorte d’automatisme psychologique. Saint Thomas entendait l’intention habituelle au sens que nous donnons maintenant à l’intention virtuelle. Sum. theol.. Il" 1I « , q lxiv, a. 8,