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INSPIRATION DE L’ECRITURE


être signalé. Il y a de ces emprunts qui sautent aux yeux : tels, les c. xxxvi-xxxix d’Isaïe, qui sont reproduits presque mot pour mot et avec les mêmes particularités, IV Reg., xviii-xx ; tels encore, les passages des livres des Rois, qui se retrouvent dans les Paralipomèncs, dans le même ordre, avec les mêmes traits et les mêmes expressions caractéristiques, et sans aucun signe de référence. Tous les livres historiques de la Bible utilisent des sources, dont ils citent les titres, sans indiquer toujours les emprunts qu’ils leur ont faits. Les contemporains, qui connaissaient les documents utilisés, reconnaissaient les emprunts. Nous ne pouvons y arriver que difficilement et avec simple probabilité. Le travail de démarquage est donc délicat. Certains indices, comme les anomalies de chi’onologie, peuvent parfois faire reconnaître une différence de points de vue et de documents utilisés. Le P. Prat examine des exemples, qu’ils serait trop long de rapporter ici. L’important est de savoir quelle garantie ï’hagiographe donnait aux références tacites qu’il faisait de la sorte. Garantissait-il l’exactitude parfaite et intégrale jusqu’au dernier mot, si longtemps après les événements qu’il racontait ? Ne suffisait-il pas o son but que le document cité fût vcridique, sans être infaillible ? Enfin, si on admet l’inerrancedes passages ainsi copiés, sera-ce en vertu du témoignage de l’iiagiographe ? Éludes religieuses, 1901, t. lxxxvi, p. 475 sq. ; La Bible et l’histoire, Paris, 1904, p. 40-56.

Le principe des citations tacites avait été admis déjà dans quelques cas particuliers. Aussi la théorie du P. Prat fut-elle bien accueillie par plusieurs critiques. D’autres lui firent mauvais accueil. Le P. DelaLtre, Autour de lu question biblique, p. 53, 307, notes, la regarda comme dangereuse, car elle pouvait enlever à la garantie des hagiographes une bonne partie de la Bible, celle qui contenait des citations. Le P. Schiffini fut du même sentiment. D/c/na ; Sc/j/i/ur », p. 1()2. La question fut donc examinée par la Commission biblique. Au doute ainsi libellé : Utruni ad enodamtus diljîrulliites, quæ occurrunt in nonnullis sacræ Scripturæ tcxiibus, qui fada historica referre videntur, liceat exegctie catholico asserere agi in liis ae citatione tacila i-el implicila documenti ab auctore non inspirato conscripli cujus asserta omnia aucior inspiratus minime approbare aul sua facere intendit, qaœque ideo ab errore immunia haheii non possunt ? elle répondit, le 13 février 1905 : Négative, excepta casu in quo, suivis sensu ac judicio Ecclesise, soliuis argument is probetur : 1° hagiographum alterius dicta vel documenta rêvera citare, et 2° cadem nec probare nec sua facere, ita ut jure censeatur non proprio nomine loqui. Denzinger-Bannwart, n. 1979 ; Cavallera, Thésaurus, n. 103.

Il faut observer que le P. Prat n’avait pas présenté la théorie des citations implicites comme un procédé apologétique, applicable à tous les textes historiques de la Bible, qui paraissent rapporter des faits historiques, mais seulement aux passages, qui, au jugement d’une saine critique, reproduisaient un document pi’ofane. Il ajoutait que, par le fait même de l’emprunt, on ne pouvait conclure que le document cité n’avait pas la garantie de l’hagiographe, mais qu’il fallait examiner avec soin si celui-ci approuvait et faisait siens les faits cités. C’était, au moins, l’esprit de son article. Par suite, tout en rejetant la théorie des citations implicites comme moyen universel et vraiment trop facile de résoudre des difficultés historiques de la Bible, la Commission biblique la restreignait aux citations de documents profanes, qui remplissaient les deux conditions posées. Elle reconnaissait donc à l’exégète catholique le droit d’y recourir et elle sauvegardait seulement dans chaque cas particulier le sentiment et le jugement de l’Église. Ainsi restreinte et comprise, la théorie des citations implicites était

reconnue et pouvait être appliquée. Ces passages n’avaient donc pas nécessairement la veritas rei, ils avaient au moins la veritas rei citatæ, et ainsi la véracité absolue de la Bible était sauvegardée.

Cependant M. Gôttsberger, Autour de la question biblique, dans Biblische Zeitschrift, 1905, t. iii, p. 237242, avait critiqué la théorie du P. Prat. Puisque, disait-il, dans les citations explicites, l’auteur sacré approuve parfois et présente à ses lecteurs comme vraies les paroles citées, on n’a pas de raison de dire que, dans les passages où il cite tacitement un document profane, il ne garantit pas la vérité de la chose citée. En tout cas, rares seraient les cas, où il n’a en vue que la veritas cilaiionis. Supposer des citations tacites non approuvées, c’est transporter dans l’antiquité des procédés modernes, dont on n’avait pas autrefois l’idée ; c’est supposer que l’Ancien Testament n’est qu’une compilation de documents, que les auteurs inspirés ne garantissaient pas de leur autorité. On peut supposer qu’une citation implicite ne garantit que la veritas cilaiionis, il est très difficile d’en fournir la preuve. La Revue biblique, 1905, p. 621, a résumé cette critique de M. Gôttsberger, et elle l’a fait suivre de ces paroles : « On s’associe d’autant plus volontiers à ces réserves que jamais la Revue biblique n’a vu dans cet artifice un peu précaire la solution d’un problème très général. >

Le P. Pesch ne connaît que deux exemples certains decitations tacites, mentionnésparles critiques modernes, à savoir II Reg., xxiv, 9 ; Gen., xi.vi, 21, et il remarque qu’il ne manque pas d’autres explications pour résoudre les difficultés qui découlent de quelques passages de la Bible, soupçonnés d’être des citations de ce genre. Quant à la théorie récente des citations implicites elle n’est pas à rejeter, lorsque la citation est prouvée ; mais on ne pourra l’appliquer qu’à de très rares passages et non à tout propos comme solution d’une difficulté, à plus forte raison dans la supposition que l’Ancien Testament est un recueil de citations explicites ou implicites, dont les écrivains sacrés n’auraient pas pris la garantie. Les citations tacites doivent donc être admises si elles sont manifestes ou si elles fournissent l’unique ou la meilleure explication du texte biblique, mais elles ne peuvent servir de principe universel d’appréciation du caractère historique de l’Ancien Testament ou de solution de toutes les difficultés historiques qu’on y rencontre. De inspiratione sacræ Scripturæ, p. 539-543.

Le P. Brucker a examiné le problème sous sa forme plus générale en le rattachant à l’emploi de documents antérieurs, fait par les historiens bibliques. Ces historiens prennent-ils entièrement à leur compte les documents qu’ils emploient ou n’entendent-ils pas assumer la responsabilité totale des emprunts qu’ils font ? Personne ne nie qu’ils ne s’en rendent responsables, dans une certaine mesure. Si ces documents forment la trame de leur récit, c’est qu’ils les ont crus véridiques et sûrs. Mais cette sorte d’approbation implicite signifie-t-elle nécessairement qu’ils font leur et qu’ils certifient tout ce qu’ils ont empruntés à leurs sources ? Quelques exègètes de notre temps pensent que, quand l’auteur nomme sa source d’informations, il lui laisse, la principale responsabilité de ses récits. On ne peut le dire en général en dehors des cas où l’écrivain se réserve, sinon explicitemeut, du moins clairement. Une saine herméneutique ne le permet pas car il est évident que l’historien sacré, qui remanie ses sources, endosse la responsabilité de ce qu’il emprunte. AppU quée trop largement, la théorie des citations intp licites est un moyen de solution plus expéditif que sûr ; elle diminuerait notablement la garantie de l’inspiration des livres historiques et elle jetterait la suspicion sur l’ensemble des récits de la Bible. Cet expédient apo-