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INSPIRATION DE L’ECRITURE


noms de personnes, qu’on lit dans les généalogies des fils de Noé. Il semble bien que tous ne désignent pas des personnages réels, mais que quelques-uns désignaient dans le langage vulgaire des peuples différents de la même race.

Donc, dans les livres historiques de la Bible, on n’a pas toujours la véritable histoire des faits racontés, ni leur ordre de succession, les hagiographes ne s’étant pas toujours proposé de raconter la véritable histoire des hommes..Mettant ordinairement en œuvre les notions historiques telles que le vulgaire les connaissait, ils les adaptaient à l’enseignement des vérités religieuses et morales. Prendre leurs récits à la lettre serait s’exposer à adopter au lieu de l’iiistoire véritable, des erreurs historiques, que, ni les hagiographes, ni Dieu qui les inspirait, n’ont voulu enseigner.

Le P. Zanccchia a appliqué ensuite le même principe aux notions de cosmographie et d’astronomie qu’on lit dans la Bible, qui étaient empruntées au langage courant, conforme lui-même aux apparences, vraies ou fausses. Mémo dans les premiers chapitres de la Genèse, l’écrivain sacré a pu utiliser des documents ou des traditions pour enseigner des vérités dogmatiques. Ses récits sont véridiques pour le fond des choses, mais la forme poétique n’est pas absente de ses descriptions. Il les a reproduits tels qu’ils étaient reçus dans le peuple et en les insérant dans son livre, il ne les a pas approuvés par son autorité d’écrivain inspiré, surtout quant à leur forme littéraire, mais uniquement en vue de prouver les vérités religieuses, qui en ressortent.

Toute l’Écriture est donc inspirée et vraie, mais les critiques ont à déterminer si sa vérité est littérale ou seulement relative. Le progrés actuel des sciences et de l’histoire, leur fournit des moyens autrefois inconnus, de distinguer dans les Livres saints l’enseignement religieux visé par les hagiographes et Dieu qui les inspirait, de la forme extérieure qui leur a servi de revêtement Ils n’en concluront pas avec les rationalistes que l’Écriture enseigne l’erreur, mais seulement qu’il n’en faut pas prendre toutes les. ssertions aljsolument en elles-mêmes et abstraction faite de leur vêtement antique. Ils les prendront dans un autre sens et ils les interpréteront relativement à d’autres vérités que les hagiographes voulaient enseigner. Les exégètes et les apologistes catholiques, qui torturent violement les textes bibliques pour les interpréter comme exprimant de l’histoire véritable ou les concilier avec les sciences naturelles d’aujourd’hui, ne sont pas moins blâmables que les rationalistes qui méprisent la Bible et pensent y découvrir des erreurs historiques et scientifiques. Ils font enseigner aux hagiographes ce que ceux-ci n’ont pas eu le moins du monde l’intention d’enseigner.

Les récits bibliques n’ont pas tous la vérité historique pas plus que tous n’en sont destitués. Beaucoup ont un fondement véridique et racontent des faits historiques, mais la forme dans laquelle les faits ont été transmis et leurs circonstances proviennent de l’art poétique. De même, toutes les assertions bibliques sont vraies, mais leur vérité n’est pas toujours absolue ni toujours relative ; elle est quelquefois absolue et quelquefois relative. L’interprétation de l’Écriture exige donc beaucoup d’érudition pour faire ce départ ; quand l’exégèse est insuffisante, il faut attendre le jugement de l’Église, juge infaillible du véritable sens des Écritures. Scriptor sacer sub dii’ina inspiratione, Rome, 1903, p. 84-91.

Dom Hœpfi, Das Bach der Bûcher, Fribourg-en-Brisgau, 1905, a accepté les idées de Zanecchia sur l’enseignement des sciences et de l’histoire dans la Bible. Il s’est par suite posé la question ; y a-t il des données inexactes dans l’Écriture ? Il a répondu qu’il

ne peut y avoir d’erreur, quand l’hagiographe ne se propose pas formellement d’enseigner. Dans ce cas, l’erreur n’est pas formelle, elle n’est que matérielle ; par conséquent, il n’y a pas proprement d’erreur. Il y a même alors une certaine vérité relative, puisque les expressions bibliques répondent aux idées du temps et sont un moyen propre à faire pénétrer la révélation parmi ceux auxquels elle était destinée. Ces considérations faites à l’occasion des sciences naturelles, s’appliquent aussi à l’histoire. Norbert Peters les a exprimées il peu près de la même manière. C’est un tort d’interpréter les auteurs sacrés d’après les idées scientifiques des temps modernes, « au lieu de se placer.pour former son jugement, au point de vue na’f et populaire des auteurs qui étaient absolument fils de leur temps dans les questions cosmologiques, astronomiques, géogéniques et géographiques, paléontologiques et historiques, et qui se servaient du cercle d’idées de leurs lecteurs pour revêtir le contenu de la révélation comme ils se servaient de leur langue. Il faut toujours distinguer avec la plus grande netteté entre le noyau absolu idéal et le vêtement de circonstance conforme au temps. » N. Peters, dans le supplément scientifique de la Germania, 1902, n. l, p. G", cité par dom Hœpfi. La distinction entre ces deux éléments est difficile à faire, mais ce n’est pas une raison de ne pas la tenter. Il y a différentes sortes d’iiistoires ; mais, même dans l’histoire proprement dite, l’hagiographe n’est pas un hostorien critique ; c’est un oriental, qui emploie les sources qu’il avait sous la main qui puisait dans la tradition orale autant que dans les documents écrits, le plus souvent sans s’assurer de leur valeur scientifique, se contentant fréquemment de mettre les documents bout à bout sans y rien changer. Il écrit beaucoup de choses d’après ce qu’il a ouï dire, sans examiner, à proprement parler, la crédibilité de ce qu’il dit. Ainsi la mort d’Antiochus Épiphane est racontée trois fois dans les livres des Macchabées, I Mac, vi, 4 sq. ; II Mac, i, 13 sq. ; ix, 1 sq. Or, ce dernier récit ne fait que reproduire un bruit erroné, qui avait cours alors. Saint Jérôme reconnaît que l’Écriture a coutume de rapporter l’opinion du temps. En général, conclut dom Hœpfi, il faut admettre que l’hagiographe a garanti la vérité de ce qu’il emprunte à une source, mais ce n’est pas certain en chaque cas pailiculier. Le caractère du document n’est pas alors changé, et son contenu ne gagne pas plus de crédibilité par le fait de son insertion dans un écrit inspiré, si l’hagiographe n’a pas porté sur lui un jugement. La critique biblique peut alors s’exercer et distinguer ce qui est indubitablement exact et ce qui est moins digne de créance. On ne nie pas pour autant l’inerrance biblique, car il n’y a de vérité infaillible qu’autant et pour ce que l’hagiographe enseigne. Des raisons exégétiques et critiques serviront à faire le départ nécessaire. D’après la Revue biblique, 1905 p. 448-450.

Au rapport de la même Revue, 1906, p. 490-491. Mgr Horace Mazzella a admis très expressément et à plusieurs reprises la vérité relative de l’Écriture, quand elle parle d’après les opinions populaires, suivant les genres littéraires adoptés par les écrivains sacrés, notamment dans l’histoire primitive. Prælectiones scholasticx dogmaticæ breviori cursui accommodalx, 3<= édit., Rome, 1904, t. i, p. 355, 363.

Tout en admettant très nettement que la vérité de l’Écriture est divine et infaillible, De inspirationesacrée Scripluræ, p. 489-494, le P. Chr. Pesch, en étudiant la nature de cette vérité, ne se borne pas à reconnaître qu’elle n’est pas la même dans tous les livres de la Bible, qu’elle peut se concilier avec le recours de quelques auteurs à un pseudonyme et avec des récits fictifs, p. 504-507 ; il a posé la question de savoir si, malgré le silence de Léon XIII, il n’y aurait