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INSPIRATION DE L'ÉCRITURE


vulgaire et de l’opinion du temps. Le P. Corncly ne reconnaît pas d’erreurs, même purement matérielles, dans les nombreux passages de l'Écriture, oCi les hagiographes ont parlé suivant le langage et l’opinion commune du temps où ils écrivaient. Le P. Lagrangeentirait une régie différente d’interprétation : « Qu’est-ce à dire, si ce n’est que les récits historiques, ceux mêmes qui ont pleinement le caractère de l’histoire, ne doivent pas être compris d’après la science de Dieu, qui sait tout, mais d’après l’horizon de l’homme, qui est borné, et que, quand l'écrivain sacré n’en sait pas plus que les autres, dût-il en conséquence employer une expression matériellement fausse, il se peut très bien que Dieu ne lui apprenne rien de plus. » Ibid., p. 108.

Le témoignage en question de saint Jérôme avait été rendu à propos du titre de prophète donnéà Anania par Jércmie, Jer., XXVIII, 10 sq., qui ne lui reconnaissait pas une mission divine. La vérité est sauvée, concluait Jérôme puisque le fait est énonce non selon la réalité, mais tel qu’il était généralement cru à cette époque.On aurait pu citer d’autres exemples. Dom Sanders les rassembla dans ses Études sur saint Jérôme, p. lCl-162, comme exemples de l’inexactitude apparente de certains faits bibhquES. « Jérôme répète, dit-il, que les auteurs sacrés se sont conformés souvent à la façon de parler du vulgaire, n'élaguant pas les circonstnnccs erronées dont le peuple entourait ces faits, mais les rapportant tels quels. » Ainsi encore, dans les Evangiles, Joseph est appelé le père de Jésus, même par Marie, Luc.ii, 40, qui pourtant nocnaissait la conception virginale de son enfant. Sauf un petit nombre, tins les autres estimaient que Joseph était le père de Jésus, et ks évangélistes ont exprimé l’opinion du vulgaire quæ vera historiie lexest. Cont. Helvidiiim, i, 4, P. L., t. : >ixiii, co. 187. A propos de la tristesse qu’TIérode manifesta de la décollation de saint Jean-Baptiste et que saint Jérôme pense être non réelle, mais feinte, il dit : Consneludinis Scriplurarum est ut opinioncm nmltonim sic narrel historicus quomodo eo tempore ab omnibus credebatur. In Matth., xiv, 8, l. xxvi, col. 98. Saint Jérôme admettait encore que les apôtres et écrivains du Nouveau Te.tament se servirent de récits, tirés de la version des Septante et répandu chez les Gentils, quoique ces récits ontinssent des erreurs, comme le discours de saint Etienne..ct. vu. Liber quæsiionum hebraicarum in Genesim, t. xxiii, col. 1001. Dom Sanders, ' op. cit., p. 162-163.

Suivant la remarque faite dans la Revue biblique, 190.3, p. 036, dom Sanders opinait contre M. Poeb, (prêtre hollandais, dont je ne connais l’ouvrage que par le titre : Critiek en traditie, of de Bybel voor de Roomschen, Anvers.) que, dans les passages où les écrivains sacrés relataient des faits tels que la tradition populaire les admettait et où il reconnaissait luimême des « inexactitudes », « le saint docteur ne supposait pas une erreur matérielle dans l’esprit » de ces écrivains. Le rédacteur de la Revue ajoute, p. 036-637 : Il est certain que saint Jérôme a fait son possible pour résoudre les difllcultés proposées sans jamais accuser l'écrivain d’erreur, mais il n’a pas dit non plus que l'écrivain qui relatait une tradition populaire, était mieux éclairé que les autres et les laissait volontairement dans l’erreur. Il s’est préoccupé surtout de défendre les apôtres et les disciples du Christ, auxquels on attribuait une science suréminente ; quant aux autres cas, il les laisse volontiers sans les résoudre, ce qui était aussi une manière d’exprimer sa pensée. » Ainsi, ce n'était pas saint Jérôme qui admettait des erreurs dans la Bible ; ce sont les modernes qui expliquent ainsi les passages dont il a défendu ou présumé la véracité. Voir encore Chr. Pesch, De inspiralione sacra ; Scripturæ, p. 532-536.

Ces vues nouvelles sur l’existence d’erreurs, au moins

matérielles dans les textes authentiques de la Bible, furent di cutées par plusieurs jésuites. Le P.. Delattre ouvrit le feu dans un assez fort volume très touffu et très dilTui : Autour de la question biblique, Liège, 1904. Il examine successivement les deux arguments, tirés l’un de l’encyclique Proridentissinms Deus, l’autre des témoignages de saint Jérôme. Par une analyse exacte de la m"" section : La défense des Livres saints de la II partie : Méthode pour les éludes bibliques de l’encyclique, il montre que les subdivisions de cette section sont nettement marquées dans le texte pontifical par les mots : primum, secundo, deinde. Or, la fameuse transition qui relie la troisième subdivision concernant l’histoire et les sciences connexes à la seconde qui traite des sciences physiques, signifie seulement : « Ensuite certains principes précédemment formulés concernant les rapports de la Bible avec les sciences de la nature pourront s’appliquer aux sciences voisine ;, notamment à l’histoire. » Cette transition porte sur l’ensemble des deux subdivisions, et non pas sur les dernières considérations de la défense des Livres saints contre les attaques des physiciens et des naturalistes. Or, même dans celles-ci, le souverain pontife, en parlant des apparences sensibles d’après lesquelles les écrivains sacrés exposent d’ordinaire les phénomènes physiques, n’a pas admis que ce langage fût erroné. Si donc sa transition avait le sens exclusif qu’on lui donne, elle ne signifierait pas que les faits historiciues racontés eux aussi selon les apparences, pourraient être erronés. Le patronage de saint Jérôme invoqué en faveur de l’existence d’erreurs au moins matérielles dans les récits historiques, où les faits sont rapportés conformément aux opinions des contemporains, est rejeté par une longue exégèse des passages, cités par dom Sanders. Saint Jérôme n’admet pas d’erreur de la part des écrivains sacrés qui relatent ainsi ces faits et s’il a cru feinte la tristesse qu’Hérode ressentit de la décapitation de saint Jean-Baptiste, saint Matthieu ne l’a pas pensé et il a simplement narré ce qu’admettaient tous les contemporains. Il n’a donc pas commis d’erreur, en disant que tous avaient alors la conviction que la tristesse du roi avait été réelle. Quant au discours de saint Etienne, Jérôme l’attribue à l’auteur des Actes, qui a suivi la version des Septante et qui, malgré la différence des chiffres dans les texte hébreu et grec, n’a rien dit de faux. En fait, tout cela est affaire d’exégèse, et l’interprétation des passages signalés exclut toute erreur des auteurs bibliques.

D’autres jésuites abondèrent dans le sens du P. Delattre et déclarèrent que ni l’encyclique Providenlissimus Deus ni saint Jérôme ne favorisaient l’admission d’aucune erreur, fût-elle purement matérielle, dans les textes authentiques de la Bible. Voir L. Murillo, Critica y exegesis, Madrid, 1905 ; L. Fonck, Der Kamptum die Wahrheit der heiligen Sclirift seit 25 laliren, Inspruck, 1905. Voir encore. Chr. Pesch, De inspiratione sacra : Scripturæ, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 519-528.

Le P. Lagrange et dom Sanders répliquèrent, chacun pour sa part, au P. Delattre. Dans un Éclaircissement sur la méthode historique à propos d’un livre du R. P. Delattre S. J., Paris, 1905, qui n’a pas été mis dans le commerce (Bibliothèque nationale de Paris, A. 21843), le premier reprend, pour les expliquer les deux arguments empruntés, l’un à l’encyclique Providentissimus Deus, l’autre à saint Jérôme. Si l’on étudie le fond, le contexte, le style et la grammaire, LéonXIII n’applique pas lui-même aux sciences voisines les règles qu’il a tracées relativement aux sciences naturelles ; il s’adresse aux catholiques, et il leur déclare qu’il sera utile d’appliquer à ces sciences voisines, notamment à l’histoire hœc ipsa, cette méthode.