Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/484

Cette page n’a pas encore été corrigée
2217
2218
INSPIRATION DE L'ÉCRITURE


tait une chose, il en cachait une autre. Il ne faut donc pas s'étonner si les prophètes et les apôtres n’ont pas été complètement exempts d’erreur, si des erreurs sont constatées dans les nombreux écrits des Pères. Mais il ne convient pas d’accuser les saints de mensonge, parce qu’ils n’ont pas toujours dit la vérité ; ils l’ont fait, non par duplicité, mais par ignorance. Autrement, il faudrait accuser de mensonge saint Paul, qui a suivi son sentiment plutôt que la vérité, en énonçant son projet d’aller en Espagne, Rom., xv, 28. Autre chose est mentir, autre errer en parole et s'écarter de la vérité par erreur et non par malice. On peut donc lire les" écrits des Pères, sans être obligé d’y croire, mais en ayant la liberté de les juger. Cependant, l’autorité des livres canoniques est plus grande. Si quelque chose paraît absurde en eux, il n’est pas permis de dire : L’auteur de ce livre ne tient pas la vérité, mais il faut dire ou que le manuscrit est fautif, ou que le traducteur s’est trompé, ou que nous ne comprenons pas. Saint Augustin a dit que c'était une hérésie d’affirmer que dans les livres canoniques quel<[ue chose s'écarte de la vérité. Si l’on ne doit pas préjugpr l’opinion d’un docteur et s’il faut peser la raison de sa doctrine, cela a été dit des commentateurs, mais non des Écritures canoniques, auxquelles il faut ajouter ime foi indubitable. Abélard recommande le doute niétliodiquc. Le doute est nécessaire à l’investigation, par laquelle on parvient à la vérité. Et il faut appliquer cette méthode à l'Écriture : plus on le fait, plus on reconnaît l’autorité de l'Écriture. Sic et non, Proleg., P. L., t. clxxviii, col. 1339-1349. Ainsi donc, dès les Prolégomènes de son livre, Abélard applique sa méthode de dire le pour et le contre sur une question, sans rien conclure, voir t. i, col. 40, de sorte qu’après avoir exposé l’opinion que les prophètes avaient commis des erreurs, il rapporte, dans les termes mêmes de saint Augustin, l’enseignement traditionnel sur l’inerrance de l'Écriture. Il accorde à l'Évangile de saint Matthieu une plus grande autorité qu'ù celui de saint Luc. L’un a écrit ce qu’il a vii, l’autre ce qu’il a entendu ; Matthieu a bu à la source même, Luc à un petit ruisseau de la source. C’est pourquoi Abélard préfère le texte de l’oraison dominicale du premier à celui du second, sans toutefois accuser ce dernier de mensonge. Epist., x, col. 336.

Un des adversaires d' Abélard, Guillaume de SaintThierry, place, en théologie, l’autorité avant la raison. Il recourt donc à la sagesse qui s’appuie sur les paroles du Saint-Esprit. Hac duce vera de Deo novit, qui vere crédit. Argumentum mihi est, quod impulsionc nulla nutare potest quidquid veritas dicit in prophela, in Evangelio, in Aposiolo. Disputalio altéra adv. Abœlardum, l.-II, P. L., t. CLXxx, col. 297, 298. La foi certaine est fondée sur l’autorité des Écritures canoniques. /Enigma fidei, col. 398. Il faut donc croire à cette sublime autorité, qui ne trompe pas, ibid., col. 400, à laquelle il n’est pas permis de contredire, col. 408.

Un autre adversaire d’Abélard, saint Bernard déclare que la vérité de Dieu se trouve dans l'Écriture et que ceux qui ne l’acceptent pas saintement détiennent la vérité de Dieu dans le mensonge. In ps. ex, præf., P. L., t. clxxxiii, col. 186. Egoenim, ut verurn fatear, fam olim mihi persuasi, in sacri pretiosique eloquii lextu nec modicam vacare particulam. In Cant., serm. lxxii, n. 6, col. 1131.

Pour Hervé de Bourgdicu, parce que le Saint-Esprit qui ne peut ni se tromper ni mentir, parle dans l'Écriture, In Epist. ad Heb., P. L., t. clxxxi, col. 1555, l'Écriture est sainte et divine, c’est-à-dire elle ne prêche pas l’erreur, mais elle est remplie de vérité. Au contraire, les livres des païens, bien qu’ils aient des témoignages de la vérité, disent cependant des

erreurs et ne sont pas saints. In Epist. ad Rom., co. 600. Le feu du Saint-Esprit a éclairé et enflammé les prophètes ; d’où ce qu’ils ont annoncé par le Saint-Esprit ne doit pas être tenu pour faux, mais doit être cru vrai. In Epist. I ad Thess., col. 1384. Hervé définit la foi, ce par quoi nous croyons tout ce que les saintes Écritures nous intiment. In Epist. I ad Cor., col. 958.

Philippe de Harven constate que, dans les Écritures, on trouve des choses si didérentes qu’elles paraissent se contredire, mais, ajoute-t-il, parce qu’il n’est pas permis d’afilmier rien qui soit contraire à l'Écriture, pour qu’on ne puisse la convaincre de mensonge si elle se contredisait, il reste à la reconnaître vraie en tout et d’accord avec elle-même. Aussi un prudent lecteur avec l’aide de la grâce le comprendra. Epist., i, P. L., t. cxiii, col. 1. Le lecteur, en effet, doit savoir que tout ce que l'Écriture canonique affirme est vrai, quoique cela ne soit pas compris de la même manière par tons. Epist., ii, col. 18.

Aelred observe que, pour discerner avec certitude de la relation du Saint-Esprit, l’erreur des hommes ou la suggestion des démons, on a la règle de la foi, les promesses de l’espérance et le préceptes de la charité, de telle sorte que toute pensée qui vient à l’esprit et qui ne s’y accorde pas, doit être attribuée sans aucune hésitation ou à la tromperie des démons ou à l’erreur humaine, mais tout ce qui est convenablement énoncé dans les pages sacrées est un enseignement de foi ou un encouragement à l’espérance ou un aliment de la charité ; aussi on ne peut douter ni que cela n’ait été inséré dans les saintes Lettres par le Saint-Esprit ni que cela ait été révélé par lui. De oneribus, serm. ii, P. L., t. cxcv, col. 363-365.

Baudoin, archevêque de Cantorbéry, reconnaît que, dans la série des livres de l'Écriture, nous avons les paroles que Dieu a prononcées lui-môme ou par le ministère des anges et des hommes. Les preuves de notre foi se ramènent donc à l’autorité de l'Écriture. Si celle-ci est vraie, vrais sont les témoins de notre foi, et par conséquent vraie est notre foi. Qui douterait que l'Écriture n’est pas vraie, s’il est certain que la parole qu’elle contient est la parole de Dieu ? Qui ne croira pas tout ce que Dieu a dit, s’il est clair que le Seigneur a parlé? Cela prouvé, on croira à la parole de Dieu, inspirée par le Saint-Esprit. C’est pourquoi Baudoin prouve l’inspiration de la sainte Écriture. Or, au cours de sa démonstration, il afnrme que la sainteté de vie des prophètes montre qu’ils ne voulaient pas mentir et que l’accomplissement de leurs oracles prouve qu’ils disaient fidèlement ce que Dieu leur avait révélé. De commendatione fldei, P. L., t. cciv, col. 619-624. Il fait ensuite l’application de sa doctrine à Moïse, aux prophètes et aux apôtres. L’accord des prophètes et des apôtres entre eu.K est, pour lui, une preuve de la vérité de leurs oracles et de leurs enseignements. Ibid., col. 625-628.

Bruno d’Asti déclare que toutes les choses, qui sont contenues dans le Lévitique, sont certainement et infailliblement vraies. In Lev., P. L., t. clxiv, col. 381.

Pour l’auteur de la Summa sententiarum, lui aussi, l'Écriture est le fondement de la foi. Si l’on veut prouver l’enfantement virginal de Jésus et l'état futur des élus, on n’aura d’autre argument que la foi en la parole des prophètes et des hommes inspirés, que Dieu n’a pas trompés et dont les oracles sont déjà en grande partie accomplis. Tr. I, c. i, P. L., t. CLxxvi, col. 43. Au sentiment de Hugues de SaintVictor, la pensée divine ne pouvait jamais être absurde ni fausse. On peut sans doute l’interpréter de difïorentes manières, mais comme elle n’est pas en désaccord avec elle-même, qu’elle est toujours convenable, toujours vraie, Hugues établit des règles d’une saine interprétation. Erudilio didascalica, t. VI, c. xr, col. 808-809.