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INSPIRATION DE L’ECRITURE


prétait ainsi. Études théologiques, etc., t. i, p. 467.

C’est M. Levesque, prêtre de Saint-Sulpice, qui a t-mis le premier la nouvelle conception de l’inspiration verbale. II a écarté à la fois la simple assistance négative pour le choix des mots et la dictée. Il n’y a pas plus de révélation et de dictée pour les mots que pour les idées. Dieu ne transmet pas par la plume des écrivains sacrés un livre tout fait ; il le leur fait faire. L’action inspiratrice meut et dirige toutes les facultés de l’auteur inspiré, en leur laissant leur jeu naturel et libre. Dieu fait concevoir vouloir, et exécuter par l’écrivain sacré tout le livre. L’hagiographe exécute son travail comme un écrivain ordinaire qui choisit les expressions propres à rendre ses idées, les arrange, les dispose d’une façon personnelle. Ainsi, la rédaction est vraiment de lui tout entière, mais elle est produite sous l’influence de la motion divine initiale. Essai sur la nature de l’inspiration des Livres saints, dans la Revue des Facultés catholiques de l’Ouest, décembre 1894, Angers, t. v, p. 212-213.

Quelques mois plus tard, et par un autre procédé, le P. Pègues, dominicain, , tirait la même conclusion d’Une pensée de saint Thomas sur V inspiration scripturaire, dans la Revue thomiste, mars 1895, Paris, t. iii, p. 105-111. Cette pensée est que Dieu est la cause iirincipale et les écrivains sacrés les causes instrumentales de l’Écriture. Or, dans la causalité, l’ettet tout entier est de l’instrument autant qu’il l’est de l’agent principal. Dans l’Écriture sainte, tout le livre inspiré est à la fois de Dieu et à la fois de l’homme. Il n’y a donc pas en elle un seul iota ou un seul accent qui ne soit de Dieu, comme il n’y a pas une seule proposition qui n’ait passé par l’action propre de l’instrument humain. Tout ce que l’homme a produit dans l’effet, il l’a produit sous la motion de Dieu, l’agent principal. Cf. A propos de l’inspiration des Livres *saints, dans la Revue biblique, janvier 1907, p. 76-79.

Au mois de juillet 1895, M. Levesque revenait sur l’inspiration verbale dans un compte-rendu critique des Questions actuelles d’Écriture sainte du P. Brucker, Paris, 1895, p. 40-53. Le jésuite combattait l’inspiration verbale, qu’il considérait comme une sorte de révélation des mots. Mais la révélation, disait le critique, n’existe pas plus pour les mots que pour les idées. L’inspiration verbale s’allie parfaitement avec les variétés de style des écrivains sacrés, avec les divergences et même les contradictions apparentes qu’on constate entre eux dans la relation d’un même fait ou d’un même discours. Elle est, en outre, beaucoup plus conforme à la manière de parler des Pères et à leur conception, qu’on a abandonnée, parce qu’on a considéré l’inspiration comme une dictée des mots. M. Levesque renouvelait son exposition de l’action inspiratrice qui fait concevoir, vouloir et exécuter par l’écrivain sacré ce que Dieu veut. Revue biblique, 1895, p. 422-423.

Le P. Lagrange ayant demandé au P. Pègues un supplément de lumière sur l’action exercée par la motion divine sur les facultés de l’écrivain inspiré. Revue biblique, octobre 1895, p. 566, un de ses correspondants s’étonna qu’il se fût rallié à la théorie de l’inspiration verbale. N’enlevait-il pas ainsi à l’écrivain sacré ce qui lui restait dans la composition des Écritures ? Faut-il donc le concevoir comme un scribe, écrivant, au sens propre du mot, sous la dictée du maître ? Le P. Lagrange répondit que si l’inspiration verbale s’entendait ainsi, il n’y fallait pas revenir. L’inspiration doit être admise, qui ne gêne l’écrivain sacré ni dans le libre choix des expressions ni dans la formation libre de ses concepts. Pour expliquer sa pensée, le P. Lagrange ébaucha une théorie générale sur la nature de l’inspiration d’après saint Thomas. Inspiration des Livres saints, dans la Revue

biblique, avril 1896, p. 200. Quant à l’inspiration verbale, il n’admettait, sauf dans des cas particuUers hors de cause, ni la dictée à l’oreille, ni même une révélation immédiate des mots au moyen d’images infuses. Mais il comprenait encore moins que l’expression de jugements dus à une lumière divine fût considérée comme une chose purement humaine. Dieu donnerait les pensées et laisserait trouver l’expression, se contentant d’une assistance négative, tout prêt à intervenir si l’écrivain trahissait par l’expression la vérité de la pensée. Cela paraît un non-sens. Si même la pensée pouvait être présentée à l’écrivain toute prête à écrire, il est dilTicile de comprendre que cette pensée, préparée par Dieu, ne fût pas exprimée déjà en termes adéquats et que le choix de son expression fût abandonné à la liberté de l’homme inspiré. Il est plus logique de penser que l’action divine, qui a éclairé l’intelligence, qui a fait connaître la vérité, influe aussi sur le choix des mots. L’inspiration est donnée pom’écrire un livre, on comprend qu’elle s’étende au livre entier et à sa rédaction complète. Ibid., p. 214-215.

Ce retour a l’inspiration verbale n’était pas une tendance isolée ; c’était tout un mouvement qui se produisait. M. Chauvin suivit le mouvement et présenta l’opinion de l’inspiration verbale comme « très probable ». Il établit donc qu’il était « tout à fait conforme au langage de la Bible, à l’esprit de l’ancienne synagogue, aux traditions des saints Pères, et aux données de la psychologie, d’admettre que Dieu a inspiré dans l’Écriture les mots avec les pensées. » L’inspiration des divines Écritures, 1897, p. 172-204. < L’inspiration des mots suit l’inspiration des pensées, comme un corollaire réclamé par les lois de la psychologie. Ce qui serait extraordinaire, plutôt, c’est que les mots ne fussent pas inspirés avec les idées. Ce divorce demeurerait philosophiquement inexplicable, » p. 180, note. Saint Thomas l’avait dit d’un mot : Modus significandi sequitur modum intelligendi. Sum. theoL, I", q. ia’, a. 2, ad 2>"n. Cette fois, c’était une thèse complète, en règle et en forme. Voir encore Chauvin, Levons d’introduction générale, Paris, 1898, p. 58-G2 ; Encore l’inspiration biblique, dans la Science catholique, mars 1900, p. 163-171.

Sans en faire une thèse spéciale de son traité, le P. Zanecchia fit découler l’inspiration verbale de la notion inspiratrice, exposée d’après la doctrine de saint Thomas, soit par mode de conclusion, soit en réponse à des objections. L’action de Dieu, l’agent principal, a dû s’étendre jusqu’aux expressions qui devaient être aptes à rendre la pensée divine ; elle a laissé toutefois aux écrivains sacrés la liberté de choisir sous la prémotion divine, les mots convenables et exacts. Elle est une conséquence de la doctrine de saint Thomas sur la causalité divine et sur la cause principale et la cause instrumentale. Divina inspiratio sacrarum Scripturaram (1906), p. 80, 167, 195, 196, 206, 209, 220.

La théorie nouvelle rencontrait cependant des contradicteurs. Le P. Brucker ne trouvait pas suffisante la formule de M. Levesque, que Dieu fait (aire, et il y substituait cette autre que Dieu laisse faire. Il en concluait que, dans l’Écriture, Dieu n’est pas cause de tout. Le style, les imperfections, les contradictions apparentes sont exclusivement de l’écrivain. Au P. Pègues, le P. Brucker opposait ces conclusions que, dans son hypothèse, divins sont les solécismes des Épîtres, divines les variantes des paroles de la. consécration. Ces conclusions ne rendent pas facile la tâche des exégètes. Enhn, l’inspiration des mots ne sort pas logiquement du principe de saint Thomas, qu’on invoquait. II trouvait cependant « très acceptable » l’explication que le P. Lagrange avait donnée du sentiment de saint Thomas. Questions scripturaires.

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