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INSPIRATION DE L’ECRITURE


est une motion divine qui pousse les écrivains sacrés à écrire tout ce que Dieu veut leur faire écrire, et rien que cela, il en ressort qu’elle s’étend à toute la Bible, non seulement aux textes concernant la foi et les mœurs, mais à tout ce que les liagiograplies ont compris, voulu écrire et réellement écrit. Dans la composition des Livres saints, la causalité divine se manifeste sous une forme humaine. Il y a donc, dans la Bible, un élément divin et un élément humain, mais ces deux éléments se compénètrent et forment une œuvre divino-humaine, dans laquelle on ne saurait faire deux parts, la part de Dieu et la part des écrivains. Le livre inspiré est tout entier à la fois l’œuvre de Dieu et l’œuvre de l’homme, Dieu étant l’auteur principal, l’homme l’instrument dont Dieu s’est servi. Dire que Dieu est l’auteur du fond ou seulement des passages dogmatiques et moraux, et l’homme l’auteur de la forme, ou des passages historiques, ou simplement des obiter dicta, c’est, comme le disait déjà M. Dausch, Die SchrijUnspiration, p. 240-241, un an avant l’encyclique, pratiquer « la vivisection » des Livres saints. Dieu est l’auteur responsable de tout, et il ne peut laisser échapper une erreur ; les écrivains sacrés sont responsables de tout, mais, sous l’action inspiratrice, tout en écrivant humano modo, ils n’ont pu errer. Cf. J. Bainvel, De Scriplura sacra, p. 121122, 140-142.

b) Chez les modernisles. — M. Loisy, approuvait, avant l’encyclique, les conclusions précitées de M. Dausch, étendait l’inspiration à toute la Bible et excluait même des erreurs de fait, sauf à interpréter les passages, où les rationalistes découvraient des erreurs, à peu près comme le voulait Lenormant, c’est-à-dire, non pas comme rigoureusement historiques, mais seulement comme véhicules de l’idée fondamentale que ces passages exprimaient, Chronique, dans L’enseignement biblique, janvier-février 1892, p. 7-11. Études bibliques, Paris, 1901, p. 27-31. La question biblique était donc, pour lui, une question d’exégèse plutôt qu’une question de théologie. Or, Mgr d’Hulst l’a jîlacée sur le terrain théologique, et c’est le dogme de l’inspiration qui a été débattu dans les journaux et les revues et qui a été résolu par le pape dans le sens traditionnel. La question biblique est avant tout une question d’histoire et de critique historique. Il ne s’agit pas de savoir si la Bible contient des erreurs, mais de savoir ce qu’elle contient de vérité, ce qu’elle vaut. Il y a donc à résoudre une série de problèmes soulevés par les critiques rationalistes. M. Loisy indique tout un programme d’études à faire, qu’il a lui-même abordées, avant de juger la valeur historique des Livres saints et en vue de le faire d’une manière vraiment criticiue. Or, la théorie de l’inerrance absolue de la Bible est contredite par les faits déjà constatés. Elle n’est d’ailleurs ni un artic’e de foi ni même une doctrine théologiquement certaine. Ni la Bible ni la tradition n’ont pu en donner une explication claire et indiscutable. Ce qu’on appelle les erreurs de la Bible n’est que le côté relatif et imparfait d’un livre ancien, écrit par des lionunes et pour des hommes, dans des temps et des milieux étrangers à ce que nous appelons la science. Les imperfections de la Bible contribuent à la rendre vraie pour le temps où elle a paru. Cette vérité purement relative ne porte aucun préjudice à la valeur absolue des principes qui sont à la base de l’enseignement biblique. On peut dire que les auteurs bibliques ne se sont pas trompés aux endroits, où nous les trouvons en défaut, parce qu’ils n’ont pas eu l’intention formelle d’enseigner comme vrai ce que nous trouvons erroné. L’inspiration de l’Écriture est à concevoir comme un concours divin dont le but a été de préparer à l’Église une sorte de répertoire pour l’enseignement religieux et moral.

Les vérités religieuses et morales, objet propre de la révélation, apparaissent dans l’Écriture telles que les écrivains bibliques ont été capables de les concevoir. On n’imagine pas que tel élément du livre inspiré soit demeuré en dehors de l’influence divine, qui ainsi a tout atteint, même en quelque manière les imperfections que l’on qualifie d’erreurs et qui n’étaient point telles au jugement des écrivains sacrés et de leurs premiers lecteurs. De la sorte, M. Loisy gardait le nom d’inspiration et même l’extension totale de l’inspiration, mais il en détruisait l’idée, en la conciliant avec l’existence d’erreurs réelles, au moins pour nos temps. La question biblique et l’insjjiration des Écritures dans L’enseignement biblique, Clironique, novembre-décembre 1893, p. 1-lG et dam Études bibliques, 1901, p. 50-59. Cf. Autour d’un petit livre, Paris, 1903, Lettre à un cardincd, p. 56-59 ; Choses passées, Paris, 1913, p. 136-146.

Cette opinion erronée a été notée dans la 11<^ proposition du décret Lamentabili : Dispiratio divina non ita ad totani Scripturam sucram extenditur, ut omnes et singulas ejus partes ab omni errore præmuniat, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 2011.

La condamnation a suggéré à M. Loisy la réflexion suivante : « Cette proposition est erronée en ce qu’elle .suppose la Bible vraie presque partout, avec des flots d’erreur. La Bible n’est pas si vraie dans l’ensemble, ni si fausse dans le détail : livre ancien et qui, par là-mème, n’a pu s’empêcher de beaucoup vieillir. C’est son esprit, non les particularités de sa rédaction et de son contenu, qui lui assure une valeur impérissable. » Simples réflexions sur le décret du Saint-Office Lamentabili sane exitu et sur l’encyclique Pascendi dominici yregis, Paris, 1908, p. 44-45. La réflexion résume l’erreur condamnée et justifie sa condamnation par cela qu’elle s’écarte de l’enseignement de l’Église sur l’extension de la véritable inspiration de la Bible.

12. INSPIRATION VERBALE ET NON VERBALE. — La

question est de savoir si l’inspiration, qui s’étend à toutes les choses contenues dans l’Écriture, s’est étendue aussi aux mots eux-mêmes qui expriment les pensées divines, ou bien si les écrivains sacrés, connaissant ce que Dieu voulait leur faire écrire, ont eu le libre choix des expressions propres à rendre exactement et fidèlement les pensées divines.

Du W au XV siècle.

1. Chez les Pères et les anciens écrivains ecclésiastiques. — Les anciens n’ont pas discuté cette question. Ils ont dit et répété, presque à toutes les pages de leurs écrits, que Dieu ou le Saint-Esprit avait parlé par la bouche des prophètes, des apôtres et des évangélistes, que Dieu ou le Saint-Esprit avait dicté les Écritures ou que toutes les paroles des saints Livres avaient été dites, prononcées ou dictées par eux. Mais ils attribuaient aussi les mêmes paroles aux écrivains sacrés, qu’ils considéraient toutefois comme les scribes ou les secrétaires du Saint-Esprit. Il serait superflu et peu intéressant de recueillir toutes les affirmations de ce genre qui puflulent dans leurs écrits. Il est plus important de rapporter quelques témoigiuiges plus explicites et plus caractéristiques, afin de saisir leur véritable pensée et de constater si, oui ou non, ils entendaient parler de dictée proprement dite des mots, ou bien si, sous leur plume, la dictée des expressions signifiait seulement que l’Écriture était la parole même de Dieu. L’auteur de la Cohortatio ad Grwcos, 35, P. G., t. vi, col. 304, dit que les prophètes n’ont pas, comme les philosophes, recouru aux artifices des mots, mais qu’ils ont employé tout simplement les termes et les noms tels qu’ils se présentaient à eux. Bien que les paroles des prophètes fussent les paroles du Saint-Esprit, celui-ci ne les leur avait pas inspirées ; il les laissait s’exprimer comme ils voulaient.