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INSPIRATION DE L'ÉCRITURE


le surveille. Cette motion, selon l’hypothèse que j’expose, garantira l'écrit de toute erreur dans les matières de foi et de morale ; mais on admettrait que la préservation n’irait pas au delà ; elle aurait alors les mêmes limites que l’infaillibilité de l'Église. La promesse d' inerrance n’a été faite à l'Église que pour nous proposer avec certitude l’objet de la croyance et la règle des mœurs. Sans doute, la Bible n’est pas seulement infaillible comme l'Église, elles est inspirée. Mais si l’inspiration s'étend à tout, peut-être ne confère-t-elle pas l’infaillibilité à tous les dires de l’auceur inspiré, peut-être réserve-t-elle ce privilège aux dires qui intéressent la foi et les mœurs ; peut-être les autres énoncés que l’inspiration ne garantirait pas, sont-ils là seulement pour servir de véhicules à un enseignement concernant la foi et les mœurs ; peutêtre le Dieu inspirateur, qui aurait pu redresser même en pareil cas, les erreurs matérielles de l'écrivain sacré, a-t-il jugé inutile de le faire. » Mgr d’Hulst exposait les raisons apportées en faveur de cette opinion, dont il ne voulait être que le rapporteur. La question biblique, tiré à part, Paris, 1893, p. 22-43.

On a justement reproché à Mgr d’Hulst d’avoir fait de quelques tirailleurs avancés, qui luttaient séparément contre les rationahstes, et se servaient d’aï mes différentes, l’aile gauche de l’armée catholique et d’avoir créé un système flottant d’inspiration restreinte, qu’aucun d’eux n’aurait admis dans son ensemble. Cf. A. Loisy, Choses passées, Paris, 1913, p. 126-129. On a même transformé cette « aile gauche » en une « école large », qui n’a jamais existé comme école. Il n’y a eu là, répétons-le, qu’une tendance de quelques écrivains catholiques

La publication de Mgr d’Hulst donna lieu à des polémiques. Le P. Brucker étudia La question biblique, dans les Études religieuses, mars 1893, p. 361-387 ; Encore quelques mots sur la question biblique, ibid., avril 1893, p. 653-C67. IlreçutdeMgrd’Hulstune lettre, qui fut publiée, ibid., mai 1893, p. 104-167. De son côté, M. Jaugey adressa à Mgr d’Hulst quelques réflexions sur La question biblique, dans la Science catholique, février 1893, p 234-245. LeP. Savi ayantpris parti pour l’opinion large, son article parut, jôirf., mars 1893, p. 283301, mais M. Jaugey y ajouta une réplique, p. 301-309.

b) Condamnation de l’hypothèse de Vinspiration restreinte. — Comme Mgr d’Hulst avait examiné si « toute assertion des écrivains sacrés s’olïre à nous sous la garantie de l’inspiration, avec le caractère d’un enseignement divin », pour résoudre le cas des erreurs défait dans la Bible ce fut de ce biais que Léon XIII, dans l’encyclique Provideniissimus Deus du 18 novembre 1893, exposa la doctrine catholique sur l'étendue de l’inspiration et réprouva nettement toute restriction de l’inspiration scripturaire. En traçant les règles de la défense des Livres saints contre les attaques des rationalistes, le souverain pontife a réfuté à peu près tous les arguments qui étaient invoqués pour limiter l’inspiration et l’autorité infaillible de l'Écriture. Parlant d’abord des objections tirées des sciences naturelles contre la vérité des Livres saints, il rappelle qu’un désaccord ne pourrait exister entre savants et théologiens, si les uns et les autres se renfermaient dans les limites propres de leurs disciplines, et s’ils n’avançaient pas comme certain ce qui ne l’est pas ; il ajoute qu’en cas de conflit une sage interprétation des phénomènes naturels décrits dans la Bible d’une manière métaphorique, selon le langage ordinaire qui est le plus souvent conforme aux apparences, suffit à justifier le texte sacré contre les attaques dont il est l’objet. Quant aux passages historiques où on croit apercevoir une apparence d’erreur, il faut, pour les élucider, recourir soit à la critique textuelle, soit aux règles de l’herméneutique, « mais il ne sera jamais

permis de restreindre l’inspiration à certaines parties de la sainte Écriture ou d’accorder que l'écrivain sacré a pu se tromper. On ne peut pas davantage tolérer l’opinion de ceux qui se tirent de ces difficultés en n’hésitant pas à supposer que l’inspiration divine s'étend uniquement à ce qui touche à la foi et aux mœurs parce que, prétendent-ils faussement, la vérité du sens doit être cherchée bien moins dans ce que Dieu a dit que dans le motif pour lequel il l’a dit. » Puis Léon XIII déclare que selon la foi de l'Église, tous les Livres saints ont été inspirés par Dieu dans toutes leurs parties. « Or il est tellement impossible à l’erreur de se glisser sous l’inspiration divine, que celle-ci, par elle-même, non seulement exclut toute erreur, mais l’exclut et la repousse aussi nécessairement qu’il est nécessaire à Dieu, vérité suprême, de n'être l’auteur d’absolument aucune erreur. Enfin, il n’importe absolument en rien que le Saint-Esprit ait employé des hommes comme ses instruments pour écrire, et l’on n’en saurait conclure que si l’auteur principal n’a pu commettre aucune erreur, les écrivains inspirés l’ont bien pu. » Qu’ils ne l’aient pu, cela résulte de la notion même de l’inspiration telle que le pape l’a exposée. Voir col. 2160. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1947, 1950-1952 ; Cavallera, Thésaurus, n. 86, 88-90.

3. Après ^^l’encyclique Provideniissimus Deus. — a) Chez les catholiques. — L’enseigement de Léon XIII sur l'étendue de l’inspiration à toute la Bible était trop formel pour que les catholiques n’y adhérassent pas. Au mois de décembre 1893, les professeurs de l’Institut catholique de Paris le firent expressément. Voir Brandi, La question biblique, trad. franc., p. 230. A cette adhésion qu’il avait signée, Mgr d’Hulst, que l’encyclique avait visé, joignit une lettre personnelle au Saint-Père, datée du 22 décembre 1893. Il y disait que, parmi les hypothèses qu’il avait présentées comme rapporteur dans son article du Correspondant, il en était une « que je considérais comme une opinion fibre jusqu'à ce que le Saint-Siège se fût prononcé, qui Umite aux matières de foi et de morale la garantie d’inerrance absolue résultant du fait de l’inspiration. Je reconnais volontiers que la dernière partie de l’encycfique ne me permet plus de penser ainsi. » Brandi, op. cit., p. 229 ; Mgr Baudrillart, Vie de Mgr d’Hulst, Paris, 1914, t. ii, p. 174.

M. Didiot qui, en 1891, avait hésité au sujet de la

complète inerrance de la Bible, a résolument, après la publication de l’encycfique, reconnu que l’inspiration et l’inerrance des Livres saints s'étendent à tous les énoncés de ces livres. Mais il émit alors, en s’appuyant sur l’encyclique elle-même, une opinion nouvelle, d’après laquelle il n’y a de révélés, parmi les énoncés bibliques, que ceux que Dieu a voulu enseigner. Or, il en est que Dieu n’a pas voulu enseigner notamment ceux d’ordre scientifique et aussi les récits qui traitent de l’histoire profane. Ces énoncés n’entrent pas dans la révélation, n’appartiennent pas au dépôt de la foi confié à l'Égfise, ne sont pas objet de foi divine et ne pourraient devenir objet de foi cathoUque. Nous devons cependant leur accorder un assentiment surnaturel, inférieur à la foi. Traité de la sainte Écriture, 1894, p. 231-248 ; L’objet de la loi, dans la Revue de Lille, janvier 1895, p. 226 sq. Cette opinion a été discutée et rejetée par d’autres interprètes de l’encyclique Provideniissimus Deus en particulier, par le P. Brucker, Questions actuelles d'Écriture sainte, Paris, 1895, p. 81-90, et par M. Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, 1895, 1. 1, p. 507-516.

Pour tous les théologiens cathofiques, l'étendue de l’inspiration à tout le contenu de la Bible résulte de la notion même de l’inspiration. Puisque l’inspiration