Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/469

Cette page n’a pas encore été corrigée
2187
2188
INSPIRATION DE L’ECRITURE


concile, en même temps que celle de Haneberg, voir col. 215-1, comme restreignant l’autorité de foi divine au contenu de la Bible, qui appartenait à la religion et qui avait été immédiatement révélé par Dieu ou qui avait avec la révélation un rapport immédiat ou nécessaire. Seuls donc les objets, qui avaient été révélés immédiate et propter se devaient être crus de foi divine, et non pas ceux qui avaient été révélés propter aliud ou per accidens. Cf. Kleutgen, Théologie der Vorzeit, t. i, n. 29-41, p. 50-72 ; Dausch, Die Schrifinspiration.

2. Au XIXe siècle. — a) Les partisans de l’inspiration restreinte. — Après le concile du "Vatican, par suite des progi-ès réalisés dans le domaine des sciences naturelles et des études historiques, plusieurs apologistes et savants, en vue d'écarter tout conflit entre les sciences, l’histoire et la Bible, en sont venus à distinguer dans les Livres saints une partie divine et inspirée, qui contient les leçons dogmatiques et morales, l’autre humaine, qui renferme des énoncés sans rapport direct avec la religion et par conséquent non nécessairement exemptes d’erreur. Cette distinction a été proposée de différentes manières.

A. Rohling, Die Inspiration der Bibel und ihre Bedeutung fur die jrei Forschung, dans Natur und Offenbarung, Munster, 1872, n. 92 sq., soutint que l’inspiration ne s'étendait pas aux choses de la nature, traitées dans l'écriture, mais seulement aux enseignements sur la foi et la morale. Dès lors s'établit un gros débat au sujet des questions scientifiques, touchées indirectement dans l'Écriture, comment, et dans quelle mesure, elles sont affimiées par les écrivains sacrés et par suite garanties par l’infaillibilité, effet de l’inspiration. Rebbert répondit, dans la même revue, 1872, p. 337 sq., et h’ranzelin, le fit plus longuement dans un appendice de la 2e édition de son traité De divinis Scriptiiris, 1879. Cf. Dausch, Die Schri/tinspiration, p. 177.

François Lenormant, Les origines de l’histoire d’après la Bible et les traditions des peuples orientau.x, 2^édit., Paris, 1880, 1. 1, préface, p. viii, pensait que les décisions doctrinales de l'Église touchant les livres inspirés « n'étendent l’inspiration qu'à ce qui regarde la religion, touche à la foi et aux mœurs, c’est-à-dire seulement aux enseignements surnaturels contenus dans les Écritures. Pour les autres choses, le caractère humain des écrivains de la Bible se retrouve tout entier… Au point de vue des sciences physiques, ils n’ont pas eu de lumières exceptionnelles ; ils ont suivi les opinions communes et même les préjugés de leur temps… L’Esprit Saint ne s’est pas préoccupé de révéler des vérités scientifiques, non plus qu’une histoire universelle. » Tout dans la Bible est inspiré, tout n’est pas révélé. L’inspiration n’exclut aucunement l’emploi de documents humains, d’antiques traditions populaires ; le secours surnaturel accordé aux écrivains sacrés se voit dans l’esprit absolument nouveau, le sens monothéiste qui anime leur narration. Ibid., p. XIX. I^enormant appliquait son opinion aux premiers chapitres de la Genèse, qui reproduisaient le fond des traditions mythiques de la Chaldée, mais expurgé des erreurs polythéistes qui les déparaient. Il pensait aussi que l’orthodoxie la plus scrupuleuse n’avait aucune raison de ne pas admettre dans la Bible des inexactitudes, des erreurs, qui s’y rencontraient de fait, mais en très petit nombre. L’ouvrage de Lenormant fut mis à l’Index, le 19 décembre 1887. Le cardinal Newman, On the inspiration of Scripiure, dans 'J’Iie ninetecnth centuri/, février 1881, article traduit en français par l’abbé Beurlior et publié dans Le Correspondant, 24 mai 1884, p. 682-( ; 91, tenait comme un point de foi catholifiue que l'Écriture est divinement inspirée en tout ce qui se rapporte à la foi

et aux mœurs, comme certain que l’inspiration s'étend aux faits hisloriquos, parce que toute l’histoire biblique est intimement liée à la révélation. Toutefois, il est impossible que les livres canoniques soient inspirés sous tout rapport, à moins de prétendre que nous sommes oliligés de croire de foi divine que la terre est immobile, que le ciel est au-dessus de nos têtes et qu’il n’y a point d’antipodes. I ! semble indigne de la majesté divine que Dieu, en se révélant à nous, prenne sur lui des fonctions toutes profanes et se fasse narrateur, historien, géographe, quand les matières historiques et géographiques n’ont pas un rapport direct avec la vérité révélée. Il peut donc se rencontrer, dans le récit des faits, des choses dites en passant, telles que la mention du manteau que saint Paul a laissé à Troas chezCarpus, IITim., iv, 13, et l’assertion que Nabuchodonosor était roi de Ninive, Judith, i, 5, qui ne soient ni inspirés ni infaillibles.

Les vues du cardinal Newman furent discutées par le P. J. Corluy, Y a-t-ilduns la Bible des propositions non inspir(k’s ? dans la Science catholique, mai 1893, p. 481-507, et elles furent défendues par le P. MacNabt, O. P., Wherc believcrs maij doubt, etc., Londres, 1903. Salvatore di Bartolo, / criteri teologici ; trad. franc., Les critères théologiques, Paris, 1886, p. 243-258, distinguait trois degrés dans l’inspiration des Livres saints : celle-ci serait à un degré supérieur dans les passages qui' traitent de la foi et des mœurs et dans les récits de faits en connexion essentielle avec le dogme et la morale ; dans tous les accessoires des faits et dans les matières d’ordre extra-religieux, elle existerait à un degré inférieur qui ne garantirait pas l’infailhbilité des assertions qui s’y trouvent. Il pouvait donc y avoir des erreurs dans les parties de la Bible qui ne se rapportent pas au dogme ou à la morale. L’ouvrage du chanoine di Bartolo a été mis à l’Index, le 14 mai 1891. Dans une note ajoutée, p. 337-341, le traducteur français a exposé la doctrine complète du cardinal Ntwman sur l’inspiration afin de corriger celle de S. di Bartolo.

Jules Didiot, Logique surnaturelle subjective, Lille, 1891, p 103, n’osait pas affirmer que Dieu, qui, au double point de vue dogmatique et moral a mis les écrivains sacrés dans l’heureuse impossibilité d’errer ou de nous faire errer, ait poussé plus loin le soin de leur inerrance et de la nôtre, en les préservant de toute inexactitude en fait d’histoire civile ou naturelle. Une double considération, appuyée sur des faits, l’arrêtait : 1° la déclaration officielle de l'Église qui affirme la Bible exempte de toute erreur touchant la foi et les mœurs, mais qui n'étend pas au delà ce privilège surnaturel ; 20 le droit que l'Église se reconnaît d’interpréter infailliblement l'Écriture dans les choses de foi et de morale seulement, droit qui suppose que la Bible n’a pas une infaillibilité plus étendue.

Dans un article sur La question biblique, publié dans Le Co/respo/îrfrtn/, 25 janvier 1893, Mgr d’Hulst, après avoir exposé l’opinion commune sur la nature de l’inspiration biblique se demandait si Dieu, auteur principal et responsable de la Bible était responsable de tout. Sur ce point, il distinguait, dans l’armée des défenseurs de la Bible, une aile droite et une aile gauche. A l’aile droite, il plaçait les théologiens qui veulent que Dieu soit responsable de tout le contenu des Écritures, sans distinction. « A l’aile gauche se rangent ceux qui ne craignent pas d’admettre des énoncés inexacts dans la Bible. Dieu alors n’en serait pas responsable, et il serait cependant l’inspirateur de tout l’ouvrage. Comment cela ? C’est qu’autre chose est révéler, autre chose est inspirer. La révélation est un enseignement divin qui no peut porter que sur la vérité. L’inspiration est une action motrice qui détermine l'écrivain sacré à écrire, le guide, le pousse.

I