Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée
2175
2176
INSPIRATION DE L^ECRITURE


moments précis où il atteigiu' ces diverses facultés. a. Motion de la volonté. — L’inspiration est, tout d’abord, et avant tout, une impulsion imprimée par Dieu à la volonté de l’homme qu’il choisit pour collaborateur, afin de le déterminer à écrire tel livre. Cette impulsion a été nécessaire pour que Dieu ait eu l’initiative du livre et en soit la cause principale. Elle a donc dû être prévenante et antécédente pour mettre en branle la volonté et les autres facultés de l'écrivain. Sans prendre parti pour aucune école théologique, on peut dire, dans un sens large, qu’elle a été une prémotion qui, sans supprimer la liberté humaine ni en suspendre les elTets, a poussé l'écrivain à écrire, l’a porté efficacement et infailliblement à agir spontanément et délibérément. Elle lui laissait son action propre, la même que celle d’un homme qui prend de sa propre initiative et qui exécute la résolution d'écrire. Par elle. Dieu atteignait-il immédiatement la volonté de l'écrivain, ou bien la décidait-il par des motifs d’ordre intellectuel ? Les théologiens ne s’entendent pas là-dessus. Dans le premier cas, elle aurait été une prémotion physique, et dans le second cas, une prémotion morale. Ces deux modes d’action ont pu être employés par Dieu, dont l’activité est toujours capable d’arriver à ses fins. En fait, la prémotion était physique, au moins quand l’ordre d'écrire était l’objet d’un commandement exprès, voir pour l’Ancien Testament, col. 2071, et pour le Nouveau, Apoc, i, 11, 19 ; ii, 1, 8, 12, 18 ; III, 1, 7, 14 ; xiv, 13 ; xix, 2 ; xxi, 5. Quoique, dans la théorie aujourd’hui dominante la révélation ne soit pas de l’essence de l’inspiration, les faits sont plus forts que les théories, il reste que, dans certains cas, Dieu a donné à des prophètes, par exemple, à Jérémie et à saint Jean, l’ordre formel d'écrire et d'écrire des parties des Livres saints qui nous étaient destinés. Dans d’autres cas, la motion ne se produisait pas par un ordre formel ; mais Dieu avait à sa disposition des touches intérieures qui, pour être plus ou moins conscientes, n’avaient pas moins d’efficacité sur la volonté des écrivains sacrés, eussent-elles été d’ordre purement moral. Ainsi en aurait-il été des écrivains sacrés, qui n’ont pas reçu de Dieu l’ordre formel d'écrire, à moins que toute motion intérieure ne soit considérée comme une prémotion physique, ainsi que le pensait saint Thomas. VoirGR.CE, t. vi, col. 1643-1644. Enfin, Dieu a pu susciter ou même simplement utiliser à ses fins des influences extérieures, qui étaient capables de déterminer un écrivain sacré à écrire. Ainsi, en aurait-il été, en particulier, de l’auteur du 11^ livre des Macchabées, et de saint Luc, aussi bien que des deux évangélistes, Marc et Jean, qui, d’après d’anciennes traditions, auraient été soUicités par les chrétiens d'écrire leurs Évangiles, et de saint Paul, qui répondait aux questions posées par les Corinthiens, ou correspondait avec les Églises par zèle pour leurs besoins spirituels. Quel qu’ait été le mode d’influence divine sur la volonté de l'écrivain, on présume que celui-ci en avait généralement une conscience plus ou moins claire. S’il n’est pas absolument nécessaire, en effet, que l’auteur inspiré ait été conscient de l’action de Dieu sur sa détermination à écrire, puisque cette action peut se produire, sans que celui qui la reçoit s’en rende compte et qu’elle soit, quoique cachée, très réelle et très efficace, il ne faut pas concéder facilement que les choses se soient passées de cette manière ; ainsi l’a déclaré Léon XIII dans l’encyclique Providenlissimus Deiis. L’impulsion donnée par Dieu à la volonté des écrivains, ne se réduit pas à un ordre d'écrire ni à une excitation initiale, elle se poursuit jusqu'à l’achèvement dû livre. Ainsi, après avoir été antécédente, elle devient concomitante.

b. Influence sur l’intelligence. — Après avoir décidé un homme à écrire. Dieu ne l’abandonne pas à luimême ; il agit sur son intelligence pour lui faire écrire ce qu’il veut et rien que ce qu’il vtut. Beaucoup de théologiens ont identifié longtemps rinfiuenci' divine sur l’intelligence des hagiographes avec une révélation proprement dite, ou au moins avec une révélation au sens large du mot. On ne peut jamais, en la matière, faire abstraction de cette conception traditionnelle et plusieurs fois séculaire. Aujourd’hui, on est d’accord pour dire que la révélation n’est pas l'élément nécessaire de l’inspii-alion. Elle a été donnée, de fait, aux prophètes proprement dits, mais antécédemment à leur inspiration. Celle-ci suppose d’ordinaire les écrivains sacrés en possession des vérités qu’ils doivent insérer dans leurs livres, quelle que soit la manière dont ils les aient acquises au préalable, qu’elles leur aient été communiquées par révélation divine, ou qu’ils les aient acquises par des voies naturelles. Dieu n’inspire pas ordinairement un homme pour lui apprendre du nouveau ; il intervient seulement pour lui faire écrire avec autorité divine ce qu’il sait déjà. Il se subordonne alors toutes les facultés de connaissance de son instrument intelligent et il leur fait accomplir toutes les opérations de la composition normale d’un livre : conception du plan, ordonnance des matériaux, rédaction. Son action ne dispense pas l'écrivain inspiré des efforts nécessaires pour aboutir, pas plus qu’elle n’assure la perfection de l'œuvre. L’instrument a bien pu être choisi apte à atteindre le but, voulu par Dieu, mais à l’heure de l’exécution il reste ce qu’il était auparavant, avec ses qualités et ses dispositions personnelles, qui se manifestent dans son œuvre et qui laissent en elle des traces de son imperfection native.

Cependant Dieu aide et perfectionne les facultés naturelles de l’hagiographe ; il éclaire et il illumine son intelligence, La lumière divine ainsi communiquée réveille dans l’esprit de l’hagiographe des souvenirs plus ou moins assoupis, les met dans un jour plus complet et plus vif, fait ressortir les concepts préexistants que Dieu veut faiiv siens, attire sur eux l’attention de l'écrivain et fixe son choix. Ce n’est pas une suggestion de la pensée, mais une simple mise en relief qui amène l’auteur à prendre parmi ses connaissances acquises, ou parmi ses souvenirs, et les idées qui affluent dans son esprit suivant le jeu naturel des associations, tout ce qui doit entrer comme pensée divine dans la trame de son ouvrage. Sous l’influence de la lumière surnaturelle, l’hagiographe s’ingénie et travaille ; il recueille, s’il y a lieu, des documents, résume des ouvrages, comme fit l’auteur du II* livre des Macchabées, consulte des sources. Son intelligence, éclairée et fortifiée par ce secours illuminateur, perçoit mieux la vérité en elle-même, saisit plus clairement ses attaches avec d’autres et son opportunité à être produite avec les vérités coimexes dans l'écrit biblique. L'écrivain porte sur elle un jugement certain, qui, ainsi élaboré, participe à l’autorité divine, que ce jugement reste dans l’ordre pratique seulement, ou qu’il aille jusqu'à l’ordre spéculatif et à la vérité ellemême. Ainsi tout ce qu’il écrit vient de lui et porte la marque de son esprit, mais en même temps il vient de Dieu, qui l’a fait écrire et qui a mû l'écrivain à concevoir exactement les choses qu’il devait dire et à les exprimer d’une manière convenable.

c. Influence sur les puissances executives pour la rédaction du livre.- — Dieu ne s’est pas borné à éclairer ainsi l’intelligence des hagiographes, en leur laissant une liberté entière pour le choix des expressions aptes à rendre les pensées divines. Son influence s’est exercée aussi sur les facultés d’exécution des hagiographes, sur leur mémoire, sur leur imagination, autant