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INSPIRATION DE L’ECRITURE


il se rapproche de saint Thomas plus que les thomistes qui font porter la motion divine sur la volonté de l’hagiographe, et il recourt aussi constamment à la doctrine du docteur angélique sur la cause principale et la cause instrumentale de l’Écriture.

A- ; Le P. Bainvel est plus sobre de développements et plus précis. Il emprunte l’énoncé de sa thèse à l’encyclique Providentissimus Deus ; et de la description, donnée par Léon XIII, il conclut que l’inspiration comporte trois actes : une motion de la volonté qui porte les écrivains sacres à écrire et qui les fait écrire ; une illumination de leur intelligence pour leur montrer ce que Dieu veut leur faire écrire ; une assistance (en vertu de la motion), tandis qu’ils écrivent. La motion divine s’exerce sur l’intelligence des écrivains sacrés, avant d’agir sur leur volonté ; en d’autres ternies, l’illumination de l’intelligence précède la motion de la volonté qui suppose nécessairement quelque lumière de l’intelligence. Elle comporte deux actes : la compréhension des choses connues (ou une révélation des choses inconnues de l’écrivain, si Dieu veut en faire écrire), et le jugement pratique sur les choses qui doivent être écrites. Y a-t-il simple assistance ou influence positive de Dieu dans l’exécution du livre ? Il est difficile de trancher la question, qui reste librement débattue, De Scriptura sacra, Paris, 1910, p. 126-133.

l) Le P. Méchineau oscille entre les explications du cardinal Franzelin et celles du cardinal Billot. L’idée du livre inspiré. Histoire et analyse, Bruxelles, 1907 ; p. 105-124.

m) he P. Durand a donné, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. Inspiration de la BiUe, Paris, 1913, t. ii col. 900-906, la notion orthodoxe de l’inspiration, dans laquelle il considère l’inspiration en Dieu qui la produit, dans l’homme qui en est l’objet et dans le texte sacré qui en est le terme. L’inspiration atteint la volonté, l’intelligence et les facultés executives de l’écrivain sacré. Dieu donne à la volonté une impulsion à écrire, qu’on appelle motion. Elle atteint la volonté directement ou par l’intermédiaire de l’intelligence et elle peut être morale ou physique. Dieu atteint aussi l’intelligence de l’hagiographe, mais ce n’est pas essentiellement par révélation. D’ailleurs, les connaissances de l’hagiographe qu’elles soient révélées ou acquises naturellement, ne sont que des préliminaires à l’inspiration, qui n’a pas pour objet d’apprendre du nouveau, mais de faire écrire avec une autorité divine ce que l’écrivain sait déjà. Dieu se subordonne toutes les facultés de l’homme inspiré pour leur faire accomplir leurs diverses opérations, qui se produisent normalement dans la composition d’un livre. Par l’influence de l’inspiration sur son intelligence, l’hagiographe porte un jugement certain, qui participe à l’autorité divine elle-même, sur les choses qu’il doit écrire. Ce jugement est à la fois pratique et spéculatif, l’écrivain ayant apprécié la vérité objective de ces choses. Cette action divine sur l’intelligence de l’hagiographe est une lumière, une illumination, une motion, par laquelle il conçoit exactement l’œuvre que le Saint-Esprit entend produire par son moyen. L’action inspiratrice s’étend aux facultés executives, à la mémoire, à l’imagination, et même aux organes extérieurs, soit par action directe, soit par simple assistance. Le livre ainsi composé est destiné par Dieu, son auteur principal, à l’Église, qui doit le reconnaître comme la parole divine et en faire sa règle de foi.

n) Cette notion nouvelle de l’inspiration, sauf de légères nuances d’expression, a pénétré même dans les manuels de théologie et d’Écriture sainte. Elle est notamment exposée dans le Manuel biblique, 14e édit., par MM. Brassacet Ducher, Paris, 1907, t.i, p. 41-47, et

par M, Szydelski, professeur à l’université de Léopol, dans ses Prolegomena in theoiogiam sacram, Léopol, Varsovie, 1921, t. ii, p. 295-301. Elle a conquis droit de cité dans la théologie catholique.

3. Exposé d’ensemble.

L’inspiration de l’Écriture est donc, en substance, une motion spéciale du Saint-Esprit, qui détermine la volonté de l’écrivain à écrire et influe sur son intelligence et sur ses facultés naturelles pour lui faire comprendre et mettre exactement par écrit ce que Dieu veut qu’il écrive et rien que cela. Pour faire une analyse complète de cette grâce surnaturelle, nous la considérerons successivement en Dieu qui l’accorde, dans l’écrivain sacré qui la reçoit, et dans les Livres saints qui sont le terme et le résultat permanent de la collaboration de l’Esprit inspirateur et des auteurs inspirés. Nous faisons ici abstraction des divergences, constatées précédemment, chez les principaux théologiens contemporains. La spéculation a souvent une part trop grande dans l’exposition d’une opération divine, mystérieuse, sur laquelle la révélation nous fournit peu de données positives. Faut-il imposer au Saint-Esprit un mode uniforme d’inspiration auquel il aurait dû s’astreindre, comme s’il ne pouvait pas adapter son action inspiratrice aux conditions individuelles, dans lesquelles se trouvaient les écrivains inspirés, ses instruments intelligents et libres ?

a) Considérée en Dieu qui l’accorde, l’inspiration est une action de Dieu ad extra, commune par conséquent aux trois personnes divines mais que, par appropriation, voir ce mot, on attribue au Saint-Esprit, en raison de l’analogie qu’elle a avec le caractère personnel du Saint-Esprit, laspiration, voir t. v, col. 762 sq., et aussi parce cju’elle appartient à l’ordre de la grâce, spécialement rapporté à la troisième personne de la sainte Trinité. Cette action se produit sur un agent intelligent et libre, cause instrumentale du livre inspiré. Elle rentre dans le genre du concours divin ou de la coopération de Dieu aux actes de ses créatures, voir t. III, col. 7031 sq., mais c’est un concours spécial, distinct de celui que Dieu accorde à toute cause seconde pour agir, une collaboration qui n’est pas exigée par l’activité humaine, et qui, par conséquent, est libre et gratuite. Elle n’a pas, en effet, de rapport nécessaire avec la sanctification de celui qui la reçoit ; elle rentre dans l’ordre des grâces, dites gratis datai, voir t. VI, col. 1558, qui sont données principalement pour l’utilité des autres. Mais cette grâce gratuite est une grâce extraordinaire, efficace par elle-même, qui ne rend pas seulement l’écrivain sacré, apte à écrire, mais qui le détermine infailliblement à le faire librement. Son efficacité, quoique principale n’est ni nécessitante ni unique, puisqu’elle agit sur une autre cause, secondaire et instrumentale il est vrai, mais pourtant nécessaire, l’agent inspiré, lequel concourt par toutes ses facultes naturelles, aidées et surélevées, à la rédaction du livre, de telle sorte que ce livre, tout en étant totalement et intégralement l’œuvre de Dieu, est aussi totalement et intégralement l’œuvre de l’écrivain inspiré, (^ette action de Dieu sur l’écrivain inspiré n’est que transitoire et ns dure que le temps nécessaire à la rédaction du livre ; elle cesse dès que l’ouvrage, pour la composition duquel elle était accordée, est terminé.

b) Considérée dans l’écrivain sacré, l’inspiration est l’effet produit sur les facultés naturelles de l’inspiré par l’Esprit inspirateur. Son analyse psychologique est délicate et dilTicile. Nous avons exposé les essais successifs qu’on en a tentés Au point où la dissection est parvenue aujourd’hui, cet influx surnaturel doit être considéré en tant qu’il atteint la volonté, l’intelligence et les puissances executives de l’écrivain sacré, quels que soient, d’ailleurs, les