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INSPIRATION DE L’ECRITURE


la règle de la foi, p. 436-437. D’où découle une définition adéquate de l’inspiration, p. 437-438. Ainsi, par la méthode de Franzelin, on aboutit à une notion exacte et complète de l’inspiration des Livres saints.

i) Un jésuite français, le P. Dutouquet, dans un intéressant article des Éludes, mars 1900, t. lxxxv, p. 158-163, sur la Psychologie 'de l’inspiration, avait déjà admis la motion de Dieu sur la volonté et l’intelligence des écrivains sacrés, comme le progrès accompli depuis trente ans à ce sujet. Après avoir rappelé, d’une part, l’individualité propre à chaque auteur inspiré, son style personnel, son originalité de conception, enfin sa langue qui reflète le milieu et l'époque où il a écrit, et d’autre part, la personnalité de ces écrivains dans la composition de livres, qui répondent à des questions actuelles, qui satisfont à une nécessité du moment, qui travaillent laborieusement et qui ne dissimulent pas les imperfections de leurs œuvres, il observe que cette activité littéraire est, dans l’inspiration, gouvernée par une influence surnaturelle, qu’il faut expliquer de façon que Dieu soit réellement l’auteur principal des Livres saints. Or, pour expliquer le rôle du Saint-Esprit, il faut plus qu’une assistance qui confère à ces livres l’infaillibilité ; il faut une motion imprimée par Dieu à l’homme qui lui sert d’instrument, soit pour lui taire rendre des oracles, soit pour l’employer à écrire sa parole. Cette motion s’exerce d’abord sur la volonté de l’inspiré, qui écrit tout ce que Dieu veut lui faire écrire et cela seulement, et cette action intérieure et surnaturelle, qui n’exclut pas les motifs tirés du dehors et naturels en soi, constitue essentiellement l’inspiration. La motion divine agit aussi sur l’intelligence de l’inspiré, qui présente à la volonté les motifs d'écrire. Cette illumination est nécessaire. Ses conditions psychologiques sont différentes selon les cas. Si les inspirés sont, comme les évangélistes par exemple, suffisamment renseignés, le Saint-Esprit mettra dans leur esprit l’idce du hvre à écrire et celle d'écrire ce livre. L’idée du livre réveillera leurs souvenirs et leur tracera l’ordre systématique des matériaux. Durant le travail d’exécution, la lumière divine illumine le but à atteindre et fait converger vers lui toutes les connaissances naturellement acquises et guide le choix de celles qui doivent être consignées par écrit. JNlais l'écrivain choisi peut n’avoir pas acquis naturellement toutes les idées que , Dieu veut lui faire exprimer, soit qu’elles demeurent inaccessibles à sa raison, soit qu’il n’ait pas lui-même été témoin des faits à narrer. Alors une révélation lui sera nécessaire, bin qu’elle ne soit pas de l’essence de l’inspiration : elle n’est pas requise ex ratione scriptionis, sed materise scribendæ. Enfin, le Saint-Esprit doit assister l'écrivain sacré tandis qu’il écrit, pour l’empêcher de failhr dans l’expression à donner à la pensée divine. Ces trois éléments : motion de la volonté, illumination de l’intelligence et assistance pour que l’expression rende exactement la pensée de Dieu, constituent l’inspiration et font du livre inspiré la parole même de Dieu, exprimée par les auteurs sacrés.

j) Le cardinal Billot, procède, quoique thomiste avéré, d’une autre manière. Après avoir justifié la méthode du cardinal Franzelin, et prouvé l’inspiration totale des deux Testaments, De rnsp/ra^'one sacræ Scripluræ, Rome, 1903, part. I, c. i, § 2, p. 24-33, il étudie la nature de l’inspiration, § 3, p. 34-38, en excluant la dictée des mots, et en ne conservant qu’une sorte de dictée plus élevée, qui est spécialement propre à Dieu, per inleriorem molionem seu instinctiim ad concipiendum menlaliter sententias et proposilioncs quas Deus ad nos per hagiographos dirigere volait, casque sic conccptas scripto consignandum. Comme dans l'édition de tout livre, il faut distinguer la composition du contexte, des pensées, autrement dit la

conception mentale et la formation du livre d’une part, et la rédaction extérieure de l’autre. Or, les écrivains sacrés n’ont pas été de simples transcripteurs d’un livre qu’on leur dictait, ils eurent donc une part à la composition du livre et à sa formation, non pas la part principale, mais une part comme instruments intelligents, c. ii, p. 39-50. La connaissance des choses qui doivent entrer dans le livre est une condition préliminaire de l’inspiration et elle ne fait pas partie de sa raison formelle. L'écrivain sacré l’acquiert de deux manières : par révélation proprement dite, selon les modes assignés par saint Thomas à propos de la prophétie, quand les choses sont très éloignées de la connaissance de l’hagiographe, ou bien par les moyens naturels sous l’assistance divine, comme seraient la recherche des documents, la consultation des sources historiques et l’emploi de tous les moyens propres à acquérir la science. Cette connaissance n’est qu’une condition antécédente à l’inspiration. C-lle-cl ne commence qu'à la dictée, laquelle est tout à fait distincte de la révélation. L’inspiration est donnée pour la composition mentale et pour la rcdaction extérieure du livre, mais elle consiste formellement dans la motion divine que reçoit l’intelligence de l’hagiographe et qui est conférée d’abord pour former en elle le contexte des idées que Dieu veut faire écrire dans le livre, puis pour écrire matériellement tout ce qui a été composé mentalement soUi l’instinct ou le soufile divin. L’n livre ainsi écrit est vraiment un écrit de Dieu, quoiqu’il garde le caractère propre de l'écrivain inspiré dans les modalités des concepts, le style et l’art littéraire. Ce n’est donc pas de son propre mouvement, mais par une motion divine, que l’hagiographe conçoit dans son esprit les pinsces qu’il doit former et détermine les mots qui doivent les énoncer. Les pensées ainsi conçues, formées et déterminées ne sont pas les pensées de l’hagiographe, mais celles de Dieu qui meut son intelligence à les former et à les déterminer, et elles ont la certitude et l’infaillibilité qui sont propres à Dieu. La motion divine s'étend à la rédaction extérieure du livre, en mouvant infailhblement la volonté de l’hagiographe à ordonner l’acte corporel de transcrire les idées divines. Par là, la transcription des idées dans le livre matériel est encore de Dieu. Mais l’hagiographe étant un instrument intelligent donne à la formation et à la détermination des idées dans son intelligence, sous la motion divine, son caractère personnel pour les modalités des concepts, le style et la rédaction. L’instrument a sa propre opération, qui est seulement élevée par la motion de l’agent principal. Son opération sort, en elîet, de sa puissance et elle en garde le mode. La motion divine ne change pas l’acte de cette puissance. Par conséquent, l’intelligence de l’hagiographe, en concevant infailliblement les pensées divines, les conçoit et les exprime à sa manière propre.

Quant à la motion divine, l’hagiographe la reçoit dans son intelligence. Elle peut néanmoins mouvoir la volonté, au mojns quand il s’agit de l’acte d'écrire, qui a besoin d'être commandé par la volonté. Mais ce n’est pas la motion commune et très générale, par laquelle Dieu pousse à l’action tous les agents créés. C’est une motion qui détermine la volonté à vouloir un acte déterminé plutôt qu’un autre que la puissance pourrait produire. Mais elle est reçue dans l’intelligence, car la volonté n’est déterminée que moyennant la pensée d’agir de telle façon, c’est-à-dire d'écrire.

Le cardinal Billot part donc, comme Franzelin, de la notion de Dieu, auteur des Livres saints par l’intermédiaire d'écrivains inspirés, et il explique l’action divine par une motion, non pas de la volonté immédiatement, mais de l’intelligence. En ce dernier point