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INSPIRATION DE L^ECRITURE


comme infailliblement vrai et par celui qui l’a reçu et par celui à qui il a été transmis.

A ces considérations, empruntées à saint Thomas au sujet de l’inspiration des écrivains sacrés, le P. Lagrange ajoute des observations nouvelles, que lui fournit la doctrine de l’Église sur les livres inspirés. Il ne suffit pas toutefois que Dieu garantisse ainsi l’enseignement qu’il donne, il faut que le livre, qui contient cet enseignement, ait Dieu pour auteur. Or, l’auteur d’un livre doit en avoir conçu toutes les pensées, sinon les paroles. Il faut donc que les pensées du moins soient suggérées à l’écrivain. S’il les possède dans son intelligence, l’inspiration les lui remémore, et les lui suggère, sans révélation nouvelle, mais pourtant par une action spéciale de Dieu. C’est à cette condition seulement que les pensées de l’écrivain seront les concepts de Dieu. Ce raisonnement part donc de la notion de Dieu, auteur des Livres saints. Pour expliquer la même chose par l’analyse de l’inspiration, faut-il que la première pensée de les écrire soit venue de Dieu, ou suffit-il que l’écrivain se soit déterminé à écrire en vertu d’une action spéciale de Dieu ? Rien n’oblige à admettre cette proposition antécédente de Dieu, soit par révélation, soit par une mise spéciale en mouvement d’idées déjà acquises. Il est nécessaire que dans toute son action l’écrivain sacré soit mené par Dieu, tant dans la connaissance de la vérité en elle-même, que quant à l’opportunité qu’il y a à l’écrire, et même quant à son expression. De cette manière tout est suggéré par Dieu comme devant être écrit. Mais si, par suggestion, on entend une proposition spéciale et antécédente des concepts à l’écrivain sacré, qui le dispense de les chercher, il est possible que rien ne soit suggéré par Dieu. La lumière donnée pour le jugement spéculatif, en vertu de la motion primitive, ne suffit-elle pas ? Elle exerce, en effet, une influence considérable sur le jugement pratique. Tout ce qui, grâce à elle, paraîtra incertain ou faux, sera éhminé. Son rayonnement s’étendra aussi sur tout l’acte de la composition. Elle fera aussi que l’écrivain percevra mieux non seulement la vérité elle-même, mais encore ses attaches avec d’autres vérités, son opportunité, son intérêt par rapport au but poursuivi. Il est donc inutile d’exiger, pour tous les cas, une suggestion particulière au moyen d’espèces nouvelles, ou une mise en mouvement d’espèces anciennes. « Quant à l’action de Dieu sur la volonté de l’écrivain, elle est toujours dans un rapport étroit avec son action sur l’intelligence. L’écrivain n’écrira rien qu’il ne l’ait connu dans une lumière supérieure. Cette lumière sera cause que sa perception de l’objet en lui-même et comme matière de son livre sera tout autre que s’il avait été livré à lui-même. Dieu sera donc cause du double jugement théorique et pratique. L’écrivain n’écrira rien que ce que Dieu lui a fait concevoir, et sa volonté mise en mouvement par Dieu se portera librement sur tout cela. Il n’écrira que ce que Dieu veut et rien de plus, et cependant Dieu ne lui aura peut-être pas fourni une seule idée nouvelle, ni même excité, par une action spéciale préalable, celles qu’il possédait déjà. Cela suffit pour que Dieu soit bien l’auteur du livre. » L’inspiration des Livres saints, loc. cit., p. 206-212. Cf. ibid., p. 499-505. Ces vues ont été adoptées et résumées par le P. Sanders, Études sur saint Jérôme, p. 102-108, et elles lui ont servi à interpréter la doctrine de saint Jérôme.

On voit combien cet exposé thomiste de l’inspiration, si remarquable, diffère de celui du P. Pègues, quoi qu’il en soit des points de contact que ce dernier a cru retrouver avec le sien. Voir A propos de l’inspiration des Livres saints^ dans la Revue biblique, jan vier 1897, p. 75-82. Il dépasse, d’autre part, et de beau coup, la pensée de saint Thomas ; il y a vraiment progrès dans l’analyse psychologique de l’inspiration de l’écrivain sacré. C’est une large interprétation de la doctrine de saint Thomas. Celui-ci ne dit qu’un mot de la motion du Saint-Esprit, qui devient ici un élément très important. Il admet, pour les prophètes proprement dits, la révélation immédiate avec ses trois différents modes. Enfin, il attribue aux simples hagiographes le troisième mode de la révélation, sinon une vision intellectuelle qui révélerait des choses inconnues, du moins une illumination de l’intelligence, qui fait porter un jugement infaillible sur chacune des connaissances déjà acquises que ces écrivains inséreront dans leurs livres.

e) Le néo-thomisme introduisit la prémotion physique dans la notion de l’inspiration. M. l’abbé Chauvin, L’inspiration des divines Écritures d’après l’enseignement traditionnel et l’encyclique « Providentissimus Deus », Essai théologique et critique, Paris, s. d. (1896). veut être un disciple fidèle de l’angélique docteur. Or, au c. II, consacré à la psi/cliologie de l’inspiration, p. 21-55, il reconnaît dans l’inspiration un influx surnaturel, une vertu, une énergie divine, un souffle de l’Esprit sur l’écrivain, et il attribue à cette grâce extraordinaire du Saint-Esprit un triple rôle sur la volonté d’abord, sur l’intelligence, l’imagination et la mémoire ensuite et sur les facultés executives enfin des écrivains sacrés. La détermination de la volonté à écrire est une motion qui, d’après Aristote et saint Thomas, n’est pas une simple impulsion morale, mais une réelle prémotion physique, qui entraîne la coopération libre et méritoire de l’homme inspiré. Quant au rôle de l’inspiration sur l’intelligence, l’imagination et la mémoire des écrivains sacrés, ces trois puissances ont reçu immédiatement une lumière supérieure, qui, tout en les fortifiant, les éclairait, les dirigeait et dominait toutes leurs opérations respectives. Agissant comme la lumière naturelle, cette lumière surnaturelle accroissait et surélevait l’énergie vitale de ces trois puissances de connaissance et projetait en même temps sur leurs objets respectifs une clarté qui les rendait saisissables ou les mettait davantage en relief. Elle communiquait à l’intelligence des concepts nouveaux (c’était alors une révélation avec acceptio cognitorum), ou elle rendait plus nets des concepts obscurs ou oubliés (suggestion), ou enfin elle réunissait ou coordonnait des concepts préexistants (simple manifestation ou illumination). En même temps, l’intellect était pénétré par la lumière divine, qui le fortifiait et l’éclairait de façon à lui faire porter le judicium de acceptis, dont parle saint Thomas. Ainsi cette faculté percevait mieux la vérité en elle-même, saisissait plus clairement ses attaches avec d’autres et son opportunité à figurer avec elles dans l’écrit ; d’où elle les groupait comme Dieu le voulait et l’entendait. La composition était tout entière de Dieu, auteur principal, et tout entière de l’homme, auteur secondaire. De l’intellect, la lumière divine rayonnait sur l’imagination et illuminait ses fantômes pour aider l’intelligence à élaborer ses pensées et ses jugements, ce qui explique les métaphores, les figures et le coloris du style de l’Écriture. L’inspiration fut enfin une assistance divine sur la rédaction des Livres saints, pour que l’écrivain ne laissât échapper aucune inexactitude et pour qu’il rendît fidèlement la pensée divine. Les écrivains sacrés avaient ordinairement conscience de leur inspiration, quoiqu’ils n’eussent pas nécessairement l’intelligence de toutes les choses que le Saint-Esprit leur faisait écrire. Cf. du même auteur. Leçons d’introduction générale, Paris, 1898, p. 58-62, Encore l’inspiration biblique, dans la Science catholique, mars 1900, t. xiv, p. 301-314.

f) Le P. Zanecchia est allé bien plus loin. Au c. vii