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INSPIRATION DE L’ECRITURE


tombe pas, par inadvertance, dans l’erreur. Essai sur la nature de l’inspiration des Livres saints, loc. cit., p. 206-213. L’influence de Franzelin se fait encore sentir sur cet essai, notamment dans la distinction du verbum formate et du verbum materiale. En outre, la sorte de dictée des choses n’est-elle pas une révélation intellectuelle, donnée in scribendo, telle que l’entendaient les anciens scolastiques, alors qu’on exclut expressément de l’inspiration toute révélation ?

b) Le P. Brandi a expliqué les enseignements de l’encyclique pontificale sur la nature de l’inspiration en prenant pour point de départ la formule de saint Thomas : Deus est auctor, tiomo instrumentum. Dieu est plus que la cause première de l'Écriture ; il en est la cause efficiente, non pas sans doute la cause unique, mais la cause principale qui se sert de la coopération de l’homme comme cause secondaire et instrumentale. Mais l'écrivain sacré n’est pas un instrument entièrement passif ; il est actif, intelligent et libre ; il parle comme messager divin. Le livre, eft’et de cette double activité, est donc tout entier à la fois de Dieu et de l’homme. Pour que Dieu ait la part principale, il a dû mouvoir la volonté des instruments raisonnables à écrire tout ce que Dieu voulait leur faire écrire et uniquement cela, la cause instrumentale n’agissant que par la motion de la cause principale. Il faut, en outre, que Dieu illumine l’esprit des écrivains sacrés, en leur révélant ou manifestant le sujet du livre, les matières à traiter, les vérités à proposer et les faits à raconter, autrement on ne pouirait attribuer à l’Esprit-Saint tout ce que les auteurs sacrés ont écrit, et cet Esprit ne serait pas l’auteur premier des Livres saints. Cette révélation ne s’applique pas seulement à la manifestation de quelque vérité cachée à l’esprit ; elle s'étend à n’importe quel enseignement divin. Il ne s’agit pas toujours de la révélation divine au sens strict, mais du moins de cette révélation au sens large. Les écrivains sacrés n'étant pas des instruments purement passifs, il est nécessaire que Dieu les assiste et les airige pendant qu’ils écrivent, de telle sorte que, sans erreur, ils écrivent tout ce que Dieu veut et seulement ce qu’il veut leur faire écrire Sans cette assistance et cette direction, ils pourraient ajouter d’eux-mêmes quelque chose et y glisser, volontairement ou involontairement quelque erreur, ou ne pas exprimer exactement la pensée divine. Ces trois éléments de l’inspiration découlent donc de l’analyse de la formule : Deus est auctor sacræ Scripturæ. La question biblique et l’encyclique Providentissimus Deus, trad. Mazoyer, Paris, s. d. (1904), p. 23-24. La doctrine de saint Thomas sur la cause instrumentale, appliquée à l’inspiration, n’avait pas suffi à donner une explication complète de l’action divine sur les hagiographes ; le Père Brandi avait dû recourir encore à l'Écriture, à la tradition et aux décisions de l'Église. On allait tenter d’exploiter surtout la doctrine thomiste de la cause instrumentale

c) Le P. Pègues, dominicain, a pris comme point de départ la formule de saint Thomas : Dieu est l’auteur principal de l'Écriture, l’homme en a été l’auteur instrumental, et bien que le docteur angélique ne soit pas parti de là pour expliquer l’inspiration, son disciple moderne applique à l’efficience de l'Écriture la doctrine du maître sur la cause principale et la cause instrumentale. Sum. theoL, III^, q. lxii, a. 1. Dieu remplit donc le rôle de cause principale, il agit par sa vertu divine, et le produit de son action, l'Écriture, est tout entier de lui. Mais pour produire cet effet, la vertu propre de Dieu passe par les instruments qu’il a choisis et leur fait produire son effet : l'Écriture. Or l’instrurrtent agit seulement par le mouvement dont le meut le principal agent. L’inspiration sera donc, dans l'écrivain sacré, un mouvement, une participation

à la vertu même de Dieu, une vertu surnaturelle qui, produite par Dieu, dur ua tant que les hommes inspirés feront office d'écrivains, et ne se terminera que lorsque aura été exprimée la similitude parfaite de la pensée divine. L'Écriture est donc ainsi l’expression, non de l’homme, mais de Dieu, qui l’a faite par l’homme. Elle est donc totalement et intégralement l'œuvre de Dieu et de l’homme ; c’est le livre de Dieu, écrit par des hommes. Une pensée de saint Thomas sur l’inspiration scripturaire, dans la Revue thomiste, mars 1895, p. 97-103. Voir encore L. Jacome, O. P., De natura inspirationis S. Scripturæ, dans Divus Thomas, 1918, t. iii, p. 190-221. Cette interprétation de saint Thomas, si elle est conforme à la doctrine thomiste sur les causes principale et instrumentale, ne coïncide pas avec l’explication que le saint docteur a donnée lui-même de l’inspiration, dans son étude de la prophétie, explication que d’autres thomistes ont reprise. Elle rend, d’ailleurs, moins parfaitement compte de l’action des deux agents ; c’est donc plutôt une régression qu’un progrès dans l'étude de la nature de l’inspiration.

d) Le P. Lagrange, en effet, a demandé à saint Thomas les éclaircissements opportuns sur la notion de l’inspiration. Voir col. 2120. Il semble d’abord que, pour le docteur angélique, l’inspiration n’indique qy’un mouvement de la volonté, un souffle qui pousse et qui est attribué au Saint-Esprit, l’Amour. Saint Thomas distingue aussi l’inspiration de la révélation, quoique néanmoins il y ait entre les deux une certaine communauté de genre. L’inspiration est une touche de Dieu. Lorsque Dieu agit sur une créature raisonnable, il s’adresse à son intelligence. Or toute action de Dieu sur l’intelligence donne à celle-ci des clartés. S’il n’y a pas révélation, l’objet présenté est, au moins, plus clairement manifesté. Alors, selon le cardinal Zigliara, Propœdeutica ad Iheologiam, t. I, c. i, l’inspiration instruit et éclaire l’intelligence per quemdam instinctum occultissimum. L’inspiré dpit à Dieu une vraie connaissance, sans que la lumière divine soit connue pour telle et sans qu’elle communique à l’objet connu une sorte d'évidence ou de crédibilité divine. Selon saint Thomas, la connaissance suppose l’acceptio cognitorum et Iç-judicium de acccptis. Elle n’est complète que par le jugement. Or, le jugement suppose que son objet est présent à l’esprit. Mais cette présence se produit de différentes manières ; Dieu, par exemple, manifeste à l’esprit un objet nouveau, sans communiquer toutefois aucune lumière pour en juger. Ainsi a-t-il donné à Pharaon un songe, sans l’expliquer. Joseph a appris de Pharaon le songe que Dieu lui avait manifesté, mais il a reçu de Dieu la lumière pour en juger avec certitude. Dieu a produit en son esprit un jugement certain, sans révélation. Si Joseph eût reçu à la fois de Dieu un songe et son interprétation, c’eût été une révélation prophétique. Si donc l’inspiration est une élévation de l'âme pour percevoir la vérité, sans aucun mélange de révélation, elle se trouve, conclut Zigliara, dans le jugement, sine acceptione cognitorum. Or, c’est ce qu’affirme saint Thomas, quand il distingue le charisme des prophètes de la grâce des hagiographes. Voir col. 2122. Il n’est pas nécessaire d’admettre ni que Dieu ait révélé, fourni, suggéré une seule idée, ni que l'écrivain sacré sache que c’est lui qui parle à son intelligence et donne aux objets, connus au préalable, une certitude divine. Il suffit que cette certitude divine existe, en fait, dans le jugement de l'écrivain. Tout ce qu’il affirmera en vertu de la lumière divine, qui lui est communiquée, prendra son infaiUibilité dans la vérité divine ellemême. Dieu est la cause du jugement certainement vrai ; il l’a donc prononcé ; il a donc parlé lui-même, il a enseigné. Cet enseignement doit être accepté